En Hongrie, le parlement s’apprête à examiner, au lendemain de la journée mondiale contre l’homophobie et la transphobie (17 mai), un projet de loi hautement discriminatoire à l’encontre des personnes transgenres et intersexes. Un nouveau recul de l’État de droit.
Le 18 mai 2020, le parlement hongrois examine un projet de loi qui, s’il était adopté, porterait gravement atteinte aux droits humains des personnes transgenres et intersexes.
Ce projet de loi comporte toute une série d’articles et de dispositions qui sont totalement contraires au droit international et au strict respect des droits humains.
Parmi eux, l’article 33 de ce projet de loi T/9934 entend redéfinir le genre comme étant « le sexe biologique, basé sur les caractéristiques sexuelles primaires et les chromosomes ». Concrètement, cela signifie que seule la mention du « sexe à la naissance » pourra figurer sur les registres de l’état civil rendant impossible toute modification au cours de la vie.
Cette disposition est une atteinte à la dignité humaine et une violation des droits des personnes transgenres et intersexes : le droit au respect de la vie privée et le droit à la reconnaissance – en particulier à l’état civil - de leur genre, reconnaissance qui doit être fondée sur l’autodétermination. Ces propositions de modifications pourraient en outre avoir de graves incidences sur les personnes qui suivent actuellement des procédures médicales de transition.
Et il est fort probable que ce débat encourage, dans la vie de tous les jours, les comportements discriminants envers les personnes transgenres et intersexes.
Comprendre : Les discriminations envers les personnes LGBTI
Discrimination généralisée des personnes LGBTI
Le débat au parlement s’ouvre dans un contexte où les personnes transgenres et intersexes sont régulièrement victimes de discrimination, en particulier dans l’accès à l’emploi, à l’éducation, aux biens et aux services, ainsi qu’au logement. Ceci est criant dans le domaine de la santé quand elles cherchent à obtenir un traitement lié à leur identité de genre ou des soins de médecine générale. Au-delà des obstacles juridiques, l’approche souvent obsolète de certains professionnels de la santé peut conduire les personnes transgenres et intersexes à éviter de rendre visite à un médecin pendant de longues périodes.
Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels énonce pourtant clairement que tous les droits inscrits dans le Pacte, y compris le droit à la santé, au logement, à l’éducation et à l’emploi, doivent être garantis pour toutes les personnes sans discrimination.
En outre, les personnes LGBTI ont de plus en plus été la cible de propos homophobes et discriminatoires de la part de responsables politiques, dont le président du parlement, et de personnalités publiques.
Lire aussi : Les discriminations s'intensifient sous couvert de Covid-19
Une menace supplémentaire contre l’État de droit
Ce projet de loi est non seulement contraire aux valeurs européennes mais il va aussi à l’encontre des droits énoncés dans plusieurs traités internationaux ratifiés par la Hongrie et de décisions de justice aussi bien nationales qu’internationales.
Une décision de la Cour constitutionnelle hongroise de juin 2018 statuait d’ailleurs que la reconnaissance d’une personne transgenre et de sa volonté potentielle de changer de nom est un droit fondamental à sa dignité, et que les autorités sont tenues de mettre en place une législation adéquate sans discrimination.
La dégradation continue de l’État de droit en Hongrie depuis près d’une décennie n’est plus à démontrer, et la crise sanitaire actuelle n’a en rien freiné les tentatives du gouvernement de limiter les libertés fondamentales, comme en témoigne ce nouveau projet de loi.
Les personnes transgenres devraient pouvoir obtenir la reconnaissance de leur genre à l’état civil conformément à leur propre perception de leur identité de genre et selon des procédures rapides, accessibles et transparentes. Les États doivent veiller à ce que les personnes transgenres puissent obtenir des documents qui reflètent leur identité de genre sans leur imposer de remplir des critères qui, en eux-mêmes, constituent une violation de leurs droits fondamentaux.
Comprendre : Qu'est-ce qu'une personne transgenre ?
En alerte
Avec ce projet de loi, les autorités hongroises agissent au mépris de leurs engagements et mettent en danger les vies de milliers de personnes.
Elles doivent donc annuler toutes les lois discriminantes à l’égard des personnes transgenres et intersexes et veiller à ce que ces dernières puissent jouir de leur droit au respect de la vie privée et être protégées contre toutes formes de discriminations.
PLUS QUE JAMAIS, NOUS AVONS BESOIN DE VOUS
Vous le savez, Amnesty International est l’une des rares associations à être financée essentiellement par la générosité de ses donateurs et membres.
Nous ne pouvons plus mener à bien certaines de nos opérations habituelles de collecte de fonds, mais vous pouvez continuer à nous soutenir en ligne. Nous avons besoin de vous pour mener nos combats.