Une victoire historique ! La France est devenue lundi 4 mars 2024 le premier pays au monde à inscrire explicitement dans sa Constitution l'interruption volontaire de grossesse (IVG), 49 ans après la promulgation de la loi Veil sur la dépénalisation de l'avortement. Les parlementaires français réunis en Congrès à Versailles ont voté à une écrasante majorité en faveur de l'inscription dans la loi fondamentale de la « liberté garantie » pour une femme d’avoir recours à une IVG. Une victoire pour toutes les personnes qui défendent ce droit, en France et dans le monde.
A quatre jours du 8 mars, journée internationale des droits des femmes, cette réforme introduit à l'article 34 la phrase: "La loi détermine les conditions dans lesquelles s'exerce la liberté garantie à la femme d'avoir recours à une interruption volontaire de grossesse". Un moment historique pour les droits des femmes et des personnes pouvant être enceintes dans le monde.
« Ce vote historique (...) revêt une importance considérable compte tenu du recul de ce droit essentiel à travers le monde. La protection de la liberté d’accès à l’avortement constitue un rempart important contre les mouvements anti-droits de plus en plus virulents » , a réagi notre secrétaire générale, Agnès Callamard.
La constitutionnalisation de l'avortement est un point culminant pour les droits des femmes et un témoignage des années de campagne inlassable de tant de personnes. Elle envoie un message de solidarité aux groupes de femmes et à tous les défenseurs de l'avortement et des droits sexuels et reproductifs Voici pourquoi.
1. Prévenir une remise en cause de l’IVG
Pour nous, la constitutionnalisation de l’IVG est un symbole important vis-à-vis des pays qui restreignent ou criminalisent le droit à l’avortement. En consacrant le droit à l’avortement, la France affirme sa volonté qu’elle ne reviendra pas dessus, garantit que jamais ce droit ne sera remis en cause et qu’aucune régression ne sera possible.
Ce vote historique (…) revêt une importance considérable compte tenu du recul de ce droit essentiel observé dans le monde entier. La consécration de ce droit constitue un rempart important contre les mouvements anti-droits de plus en plus véhéments
Agnès Callamard, secrétaire générale d'Amnesty internationale
Lire aussi : Droit à l'avortement aux Etats-Unis : un an après, la décision de la Cour suprême, où en est-on ?
Nous considérons que ce texte est un message fort pour toutes les femmes, les filles et toutes les personnes pouvant être enceintes dans le monde. Il constitue un symbole important vis-à-vis des pays qui restreignent le droit à l’avortement comme aux Etats-Unis où la Cour suprême a annulé, en 2022, l’arrêt Roe vs. Wade, pierre angulaire du droit à l’avortement et de la liberté des femmes à disposer de leur corps dans tout le pays et qui garantissait le droit à l’avortement au niveau fédéral depuis 1973.
Voir aussi : Avortement aux Etats-Unis, la grande régression
Cette décision est un retour en arrière tragique qui pourrait inspirer d’autres gouvernements opposés à la protection de ce droit, mettant en péril la vie de millions de femmes, de filles et des personnes pouvant être enceintes
Lola Schulmann, notre chargée de plaidoyer
En France, plusieurs parlementaires de différents partis politiques avaient réagi à la décision de la Cour suprême des Etats-Unis en demandant l’inscription du droit à l’avortement dans la Constitution française, un acte fort qui permettrait de consacrer ce droit fondamental. Le président Emmanuel Macron s’y était engagé le 8 mars 2023 à l’occasion de la journée international des droits des femmes.
L’avortement, un droit fondamental
Toute personne dispose du droit à la vie (dès la naissance), du droit au respect de la vie privée, du droit à la santé, du droit à l’égalité et à une protection égale devant la loi, sans discrimination, ainsi que du droit de ne pas subir de violence, de discrimination, d’acte de torture ou d’autres formes de mauvais traitements.
Amnesty International reconnaît que le droit à un avortement sécurisé fait partie des éléments essentiels permettant de garantir la protection de chacun de ces droits. Les droits humains sont universels, indissociables et intimement liés. Cela signifie que les droits sexuels et reproductifs, notamment le droit à l’avortement, sont fondamentaux pour la réalisation pleine et entière de tous les autres droits.
2. Liberté vs droit
Pour autant, la formulation approuvée par les parlementaires français pour "garantir la liberté" d'accès à l'avortement n'est pas contraignante. En inscrivant explicitement le "droit" à l'avortement, l'État aurait été obligé de mettre en œuvre les mesures nécessaires pour le garantir.
Nous aurions préféré une rédaction consacrant le droit d'avorter qui aurait permis de contraindre l'Etat à mettre les moyens pour le garantir, à celle de liberté, qui renvoie aux conditions d'exercice de celle-ci
Lola Schulmann, notre chargée de plaidoyer
Nous demandons une approche plus inclusive, afin que le droit à l'avortement soit garanti non seulement aux femmes, mais aussi aux hommes transgenres et aux personnes non binaires.
3. Un exemple pour les autres pays
En inscrivant l'avortement dans sa Constitution, la France est le premier pays au monde à inscrire l’IVG dans son arsenal constitutionnel. Un garde-fou indispensable là où encore en Europe ce droit est toujours menacé. En témoigne le cas de la Pologne , où il est aujourd’hui interdit d’avorter sauf en cas de viol. De nombreuses personnes qui ont manifesté pour s’opposer à ces législations liberticides ont été violemment réprimées par la police. Des pays comme Malte ou Andorre criminalisent toujours l’avortement.
L'avortement étant désormais inscrit dans la loi fondamentale, nous resterons vigilant.es à l’effectivité et à la non-discrimination dans l’accès à ce droit.
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En Europe, le combat continue !
Les associations féministes et des défenseuré·es des droits humains continuent d’être la cible de poursuites pour avoir défendu le droit à l’avortement. Après 3 ans de poursuites judiciaires, la militante Vanessa Mendoza Cortés (en Andorre) vient d’être acquittée , elle était poursuivie pour avoir dénoncé l’interdiction totale du droit à l’avortement en Andorre. Nous soutenons également depuis plusieurs années Justyna Wydrynska (en Pologne), condamnée pour avoir aidé une femme à avorter. Ces défenseures du droit à l’avortement sont harcelées par les autorités de leur pays simplement pour avoir défendu ce droit fondamental.
Signez notre pétition !
✍️ Demandez au Procureur général polonais d’annuler la condamnation de Justyna Wydrzyńska.
Justyna doit pouvoir mener son travail sans persécution ni répression. L’accès à l’avortement est un droit humain, et personne ne devrait être puni pour avoir protégé ce droit.