Aller au contenu
Agir
Faire un don
ou montant libre :
/mois
Grâce à la réduction d'impôts de 66%, votre don ne vous coûtera que : 5,1 €/mois
URGENCE PROCHE ORIENT

Exigez avec nous la protection sans condition des populations civiles

Droits sexuels et reproductifs

Pologne : femmes et filles mises en danger

Depuis le 21 septembre, une nouvelle loi sur l’avortement est en débat au Parlement polonais, son adoption se traduirait par une interdiction quasi-totale de l’avortement. En Pologne mais aussi en France la société civile se mobilise : dimanche 2 octobre, nous participerons à une manifestation devant l’ambassade de Pologne à Paris pour dénoncer ce projet de loi.

Enceinte à l’âge de 11 ans, une jeune fille violée par son propre père n’aura d’autre choix que de mener sa grossesse à terme. De même, une femme qui risque fortement de mourir en couches ou d’accoucher d’un bébé mort-né, ne pourra pas demander d’interrompre sa grossesse. Voilà les conséquences d’une nouvelle loi qui est débattue au Parlement polonais depuis le 21 septembre et contre laquelle nous nous élevons avec d’autres organisations de la société civile, notamment en manifestant devant l’ambassade de Pologne ce dimanche 2 octobre à 15h.

Inscrivez-vous à l’événement ici : https://www.facebook.com/events/1145997212163742/.

Une loi anti-avortement encore plus restrictive

La loi sur l’avortement en Pologne est déjà l’une des plus restrictives d’Europe. En effet, l’avortement n’y est autorisé qu’en cas de viol ou d’inceste, lorsque le fœtus souffre d’une malformation grave et irréversible, ou d’une maladie incurable mettant sa vie en danger, ou lorsque la vie ou la santé de la femme ou de la jeune fille est en danger. Le projet de loi prévoit l’interdiction de l’avortement en toutes circonstances, sauf lorsque des professionnels de santé l’estiment nécessaire pour sauver la vie de la femme enceinte. Il aura pour conséquence de mettre la santé des femmes en danger, et de placer les médecins dans des situations impossibles.

Si j’ai une patiente enceinte de 32 semaines et atteinte de prééclampsie, je dois attendre qu’elle-même ou son bébé commence à mourir avant d’agir. En cas de grossesse extra-utérine et d’hémorragie, je peux pratiquer un avortement. Mais s’il n’y a pas d’hémorragie, et donc pas de risque immédiat pour la vie, je dois attendre qu’elle commence à mourir.

Le professeur Romuald Dębski au cours d’un débat au Parlement en avril dernier.

Aux termes du projet de loi en effet, causer accidentellement la mort de l’« enfant conçu » est passible d’une peine maximum de trois ans de prison pour les professionnels de santé. Cette disposition risque d’avoir un effet « paralysant » et de saper leur capacité à prodiguer des soins médicaux, des informations et des conseils adaptés à leurs patientes, mettant ainsi en péril la vie et la santé des femmes et des jeunes filles.

Lire aussi : L'ONU condamne l'interdiction de l'avortement en Irlande

Les femmes et les jeunes filles qui ont recouru ou tenté de recourir à un avortement pourront aussi être poursuivies en justice et seront passibles d’une peine de prison comprise entre trois mois et cinq ans.

La Pologne condamnée par la CEDH

Au cours des dernières années, les lois sur l’avortement en Pologne ont été remises en cause par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). La Cour a statué que dans trois affaires, dont le cas d’une victime de viol de 14 ans, des obstacles inacceptables à l’accès des femmes et des jeunes filles à un avortement sûr et légal ont bafoué les obligations incombant à la Pologne au titre de la Convention européenne des droits de l’homme. Selon les chiffres officiels, 1 000 avortements sont pratiqués en Pologne chaque année. Cependant, les données disponibles ne prennent pas en compte les avortements pratiqués clandestinement ou à l’étranger. D’après les organisations de défense des droits des femmes, le chiffre réel s’élèverait à 150 000.

Aujourd’hui, les médecins ont peur de pratiquer des avortements légaux. Ils ont peur d’être stigmatisés, peur des répercussions pour leurs hôpitaux. Peur également de la criminalisation.

Krystyna Kacpura, directrice de la Fédération pour les femmes et le planning familial

À la lumière des décisions rendues par la CEDH, il apparaît clairement que les pratiques actuelles en Pologne doivent être réformées et que toute nouvelle restriction piétinerait de nombreuses obligations régionales et internationales relatives aux droits humains. De telles restrictions constitueraient une mesure régressive bafouant le droit international.

Des cintres pour dénoncer cette nouvelle loi

Des centaines de milliers de femmes ont rejoint le combat pour leurs droits, notamment grâce au travail monumental d’organisations comme celle de Krystyna. Au cours de manifestations qui ont gagné les rues de Pologne ces derniers mois, des manifestants ont brandi des cintres, symboles des méthodes archaïques et dangereuses auxquelles les femmes seraient contraintes de recourir, particulièrement celles qui n’ont pas les moyens de se rendre à l’étranger pour avorter. Il ne s’agit pas de se montrer alarmiste. Il suffit de regarder dans d’autres pays où des lois similaires sont en vigueur pour constater leur impact négatif. Les recherches que nous avons menées en Irlande, au Salvador, au Nicaragua et au Paraguay montrent que dans tous ces pays, les femmes et les jeunes filles paient un lourd tribut aux restrictions à l’avortement sûr et légal. L’enjeu, c’est leur santé, leur bien-être et même leur vie. Le Parlement a ouvert le débat sur le projet de loi mercredi 21 septembre. S’il se prononce pour, la nouvelle loi pourrait être promulguée en quelques jours. Dans ce cas, nous assisterons à une violation des conventions et traités internationaux relatifs aux droits humains, qui mettra de nombreuses femmes face à un dilemme : interrompre leur grossesse et aller en prison, ou poursuivre leur grossesse et risquer leur vie. En outre, un principe conquis de haute lutte serait mis à mal, à savoir que les décisions concernant le corps et la santé des femmes doivent être prises par les femmes elles-mêmes, en consultation avec les médecins, et non par la classe politique.