On le disait complaisant avec les Frères musulmans, al-Sissi s’est révélé leur pire ennemi.
Début 2014, les portraits du maréchal Sissi sont apparus dans les rues égyptiennes, sur des panneaux publicitaires ou en petit format dans les commerces. Un pâtissier du Caire avait même imprimé le visage du militaire sur des chocolats. Ce culte de la personnalité a précédé une élection sans suspense : le 28 mai 2014, Abdel Fattah al-Sissi est élu président de la République avec 96 % des suffrages, dans un contexte de fraudes et de faible participation. Le nouveau président, âgé de 60 ans, était pourtant presque inconnu il y a trois ans. Lorsque Mohamed Morsi le nomme ministre de la Défense et chef d’état-major en août 2012, al-Sissi est présenté comme un haut-gradé pieux et discret. Un an plus tard, c’est pourtant lui qui mène le coup d’État contre Mohamed Morsi, puis la répression sanglante contre ses partisans. Il devient alors le « sauveur de l’Égypte » aux yeux d’un grand nombre d’Égyptiens, remontés contre les Frères musulmans.
Formé aux États-Unis
Abdel Fattah al-Sissi est un pur produit de l’institution militaire. Fils d’un commerçant de Gamaliya, un quartier historique du Caire, il sort diplômé de l’Académie militaire en 1977, et débute sa carrière dans l’infanterie mécanique, avant d’être attaché militaire en Arabie saoudite, puis commandant de la zone militaire nord de l’Égypte. Al-Sissi complète aussi sa formation en Pennsylvanie : il fait partie de la première génération de hauts-gradés égyptiens formés aux États-Unis et non en URSS. Souvent décrit par les médias égyptiens comme un « vrai patriote » qui sait tenir tête aux Américains, le nouveau président est en réalité soucieux de préserver l’alliance avec Washington, vitale pour l’Égypte. Nommé chef des services de renseignement de l’armée en 2010, al-Sissi est connu parmi les diplomates comme un fin stratège. Il détient aujourd’hui les pouvoirs exécutif et législatif en Égypte, puisque les législatives qui devaient avoir lieu en mai dernier ont été annulées. Mais il ne faut pas s’y tromper : l’homme est loin de gouverner seul. Il n’est que le visage du pouvoir militaire.