Les forces de sécurité chiliennes ont commis de graves violations des droits humains lors des importantes manifestations au Chili d'octobre et novembre 2019. Depuis, ces violations restent impunies et continuent de s’exercer.
Il y a un an, les Chiliens descendaient dans la rue pour revendiquer une société plus juste. À l’occasion du premier anniversaire de ce mouvement massif de protestation, nous publions une nouvelle enquête. Elle dénonce les graves violations des droits humains commises par la police entre le 18 octobre et le 30 novembre 2019.
Lors du « soulèvement social » au Chili, ces violations ont été perpétrées par les carabiniers (la police nationale) sur des manifestants pacifiques. Les commandements de la police chilienne n'ont pas pris les mesures nécessaires pour empêcher ces violations.
L'objectif des responsables de la police était clair : affaiblir le mouvement de protestation en agissant violemment contre les manifestants.
DE GRAVES VIOLATIONS COMMISES SUR DES MANIFESTANTS PACIFIQUES
À 21 ans, Gustavo Gatica a perdu la vue dans une manifestation brutalement réprimée. Son cas est loin d'être isolé. Des milliers de manifestants ont subi de graves blessures. La police chilienne méprise l’intégrité physique des manifestants.
J'ai donné mes yeux pour que le peuple puisse ouvrir les siens
Gustavo Gatica
Lire aussi : Portrait de Gustavo Gatica
Nous avons relevé que les policiers avaient réprimé les mouvements de protestation en tirant des munitions extrêmement dangereuses. Ils ont parfois tiré de manière incontrôlée, avec l’intention de blesser. Des lésions graves ont été causées quotidiennement par des munitions tirées avec des fusils ou des lance-grenades. Cela, dans des conditions contraires aux normes internationales relatives à l’utilisation de la force.
AU CHILI, L'IMPUNITÉ RÈGNE
Selon notre enquête, du mois d'octobre au mois de novembre 2019, plus de 4 000 plaintes ont été déposées contre des policiers. Et pourtant, les autorités chiliennes n'ont prononcé presque aucune sanction : sur les 170 sanctions annoncées, seulement seize ont abouti à la révocation de policiers. La majorité des policiers impliqués dans de graves violations des droits humains continuent d'exercer leur fonction. Cette situation d'impunité est inacceptable. Sans sanctions, les violations se répètent. C'est ce que nous constatons : en 2020 des nouveaux cas de recours excessifs à la force ont été enregistrés pendant des manifestations, à Santiago. Encore récemment, un adolescent de 16 ans est tombé d’un pont après avoir été poussé par un policier qui a été inculpé de tentative d'homicide.
Le meilleur remède pour un pays blessé consiste à garantir la justice, la vérité et des réparations pour les victimes
Erika Guevara Rosas, directrice pour les Amériques à Amnesty International.
DES VIOLENCES PERMISES PAR LES AUTORITÉS
Le commandement stratégique de la police a permis que soient infligés à des manifestants des mauvais traitements voire des actes de torture, en estimant qu’il s’agissait d’un mal nécessaire pour arriver à les disperser à tout prix. Les opérations d'extrême violence pratiquées lors des manifestations n'ont pas été l'exception mais la règle. Elles étaient connues par différents membres de la direction de la police chilienne. C'est parce que des membres hauts placés ont dirigé et coordonné des opérations violentes sur les manifestants que cela a pu encourager leurs subordonnés à agir de la même façon.
L’ÉTAT CHILIEN RESPONSABLE DES VIOLATIONS
Si le gouvernement du président Sebastián Piñera avait exercé un contrôle ferme et adéquat sur les forces de police chiliennes, elles n'auraient jamais pu mener une telle politique de répression des manifestants. Il est donc impératif que le gouvernement chilien engage des actions fortes pour que les violences intolérables qu'ont subi et que subissent encore des manifestants pacifiques cessent enfin.
L’utilisation excessive de la force et l’impunité qui prévaut pour les violations des droits humains commises par la police nationale ne se limitent pas aux événements qui se sont produits depuis octobre 2019. Au Chili, ce schéma est observé de longue date. Afin de garantir la non-répétition des violations que nous avons documentées dans notre dernière enquête, nous demandons à ce que la police nationale chilienne soit réformée en profondeur. Des enquêtes pénales doivent être ouvertes sur les responsables de la police chilienne pour les violations des droits humains commises.
Nous appelons également les autorités à répondre, enfin, aux préoccupations des Chiliens qui ont cherché à faire entendre leur voix en déclenchant ce « soulèvement social » historique. Leurs droits économiques et sociaux et leur désir de justice doivent être garantis.
Rester informé
Recevez nos emails d'informations et d'action sur la liberté d'expression