Les autorités de la région doivent agir de toute urgence afin de protéger les personnes détenues contre le Covid-19.
Alors que le Covid-19 se propage en Afrique subsaharienne, la forte surpopulation constatée dans la plupart des prisons et centres de détention risque de se traduire par une catastrophe sanitaire. La pénurie généralisée des soins de santé et d’installation sanitaire vient aggraver la situation.
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Utiliser de façon moins régulière la détention provisoire
Dans les pays d’Afrique subsaharienne, la détention provisoire est utilisée de manière excessive et à titre de châtiment. En juin 2019, 28 045 personnes étaient détenues dans les prisons de Madagascar, qui dispose d’une capacité nationale totale de 10 360 places.
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Au Sénégal, avant la libération de prisonniers annoncée en mars 2020, le pays comptait 11 547 personnes incarcérées dans 37 prisons totalisant une capacité de 4 224 places. De même, au Burundi, où la capacité totale des prisons est de 4 194 places, 11 464 personnes étaient emprisonnées en décembre 2019, dont 45,5 % en détention provisoire.
D’après les derniers chiffres disponibles concernant la prison centrale de Makala, en République démocratique du Congo (RDC), en 2016, cet établissement hébergeait 8 000 détenus, soit plus de cinq fois sa capacité d’accueil de 1 500 places. Déjà, avant la pandémie de Covid-19, les prisons en RDC pouvaient s’avérer mortelles. A présent, le virus exacerbe les risques auxquels les détenus sont confrontés au quotidien.
Cesser les détentions arbitraires
Dans de nombreux pays d’Afrique subsaharienne, il est coutumier de détenir de manière arbitraire des personnes parce qu’elles exercent ou défendent les droits à la liberté d’expression, de réunion pacifique ou d’association, ce qui contribue à la surpopulation carcérale.
Au Burundi, le défenseur des droits humains Germain Rukuki a été arrêté en raison de son travail et purge actuellement une peine de 32 ans de prison, tandis que quatre journalistes du groupe de presse Iwacu, l’un des derniers médias indépendants du pays, ont été condamnés le 30 janvier 2020 à deux ans et demi d’emprisonnement pour avoir tenté d’enquêter sur des affrontements meurtriers dans le pays. Au Cameroun, trois étudiants, Fomusoh Ivo Feh, Afuh Nivelle Nfor et Azah Levis Gob, ont été condamnés à 10 ans de prison pour « non-dénonciation d'informations liées au terrorisme », après avoir relayé par texto une blague sur Boko Haram. Parmi les personnes toujours détenues pour avoir manifesté pacifiquement soit contre les fraudes présumées lors de l’élection présidentielle de 2018, soit en faveur des droits économiques et sociaux dans les régions anglophones, citons le cas de Mancho Bibixy Tse. Interpellé le 9 janvier 2017, il a été condamné le 25 mai 2018 par un tribunal militaire à une peine de 15 ans de prison pour « terrorisme », uniquement parce qu’il avait manifesté sans violence contre la marginalisation des Camerounais anglophones.
À Madagascar, Arphine Helisoa, directrice de publication du journal 'Ny Valosoa', a été placée en détention préventive à la prison d’Antanimora, dans la capitale, le 4 avril. Elle est inculpée de diffusion de « fausses informations » et d’« incitation à la haine envers le président Andry Rajoelina », parce qu’elle a critiqué sa gestion de la réponse à la crise du Covid-19.
Des solutions concrètes existent
La propagation du coronavirus Covid-19 est un problème de santé publique, qui n’épargne pas les prisons ni les centres de détention. Réduire le nombre de personnes détenues doit faire partie intégrante, et ce de toute urgence, de la réponse apportée par les États à cette crise. Ils doivent commencer par libérer immédiatement et sans condition tous les prisonniers d’opinion qui n’auraient jamais dû passer un seul jour derrière les barreaux.
Les États doivent également réexaminer les dossiers des personnes placées en détention provisoire et assurer l’accès aux soins de santé et aux produits sanitaires dans tous les centres de détention. La libération anticipée, provisoire ou conditionnelle des détenus âgés ou souffrant de pathologies graves, ainsi que des femmes et jeunes filles enceintes ou avec de jeunes enfants doit également être envisagée.
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