Dans le rapport "Des prisons à l’intérieur des prisons : la torture et les mauvais traitements des prisonniers d’opinion au Viêt-Nam", nous avons documenté les pratiques de disparition forcée, mise à l’isolement et torture contre les prisonniers d’opinion, dans ce pays considéré comme l’un des plus fermé au monde.
Des prisonniers torturés pour leur soutirer des aveux
Dar a passé 5 ans derrière les barreaux. Les 10 premiers mois de sa détention, ils les a passés à l’isolement dans une minuscule cellule, dans l’obscurité la plus complète et dans un silence total. Pendant les deux premiers mois, on est venu le chercher chaque jour pour l’interroger et le rouer de coups.
Les autorités lui ont infligé des décharges électriques, lui ont fait passer le long de sa jambe un morceau de papier enflammé, lui brûlant la peau. Ils l'ont contraint à supporter des positions inconfortables et douloureuses pendant huit heures d'affilée. Il a également été frappé à coups de bâton, de tube en caoutchouc, de poing et de pied.
Un jour, des policiers l’ont pendu par les bras au plafond pendant un quart d’heure et l'ont frappé. Plusieurs fois, des policiers, ivres semble-t-il, ont fait irruption dans sa cellule au beau milieu de la nuit pour le rouer de nouveau de coups. Dar était emprisonné en raison de son appartenance ethnique.
De nombreux anciens prisonniers interrogés par Amnesty International ont indiqué que la torture et les mauvais traitements avaient été particulièrement violents durant leur détention provisoire, car les autorités voulaient leur arracher des « aveux ».
Témoignage de Dieu Cai, Blogger vietnamien libéré en 2014 - conférence de presse 12/07/16 © Amnesty International
Des prisonniers privés de soins médicaux
Chau Heng a passé 4 mois à l'isolement avant son procès. Durant cette période, il a été non seulement passé à tabac à plusieurs reprises au point de perdre connaissance, mais aussi drogué au moins à deux reprises. Il ignore quel produit lui a été injecté, mais a indiqué qu'il lui provoquait des pertes de mémoire et de conscience, et qu'il l'empêchait de parler ou de réfléchir clairement.
Présenté au médecin de la prison, il a ouvert la bouche pour montrer qu'il ne pouvait pas parler.
Le médecin m'a frappé dans bouche avec un rond de caoutchouc dur, me faisant tomber plusieurs dents, dont une dent de sagesse. J'ai perdu tellement de sang que je me suis évanoui une nouvelle fois.
Le seul crime de Chau Heng était d’avoir milité pour le droit à la terre.
Des prisonniers isolés de leur famille
Tạ Phong Tần a été emprisonnée durant 4 ans. Tout au long de cette période, seule sa sœur a été autorisée à lui rendre visite. Après s'être vu refuser l'accès à la prison à deux reprises, sa mère, Đặng Thị Kim Liêng, s'est immolée par le feu le 30 juillet 2012 devant un bâtiment gouvernemental en signe de protestation, et est morte des suites de ses brûlures. Deux des anciens prisonniers interrogés n'ont pas été informés de la mort de leur mère, et n'ont donc pas pu assister à ses funérailles ni prendre part au deuil avec leur famille.
Des prisonniers d’opinion ont été placés à l’isolement de 6 mois à 2 ans.
Nguyen Van Hai, aussi connu sous le nom de Dieu Cay le jour de sa libération le 21 October 2014 après 4 ans d'emprisonnement © Private
Le parti unique n'admet aucune contestation
Soumis à un régime de parti unique, le PCV, le Viêt-Nam est depuis longtemps l’un des pays d’Asie qui compte le plus grand nombre de prisonniers d'opinion. Le PCV n’admet aucune contestation, réelle, perçue ou imaginaire, de son hégémonie et se montre sans pitié envers ceux et celles qu’il considère comme opposés à son autorité ou mettant en cause ses intérêts. L’ensemble de l’appareil de l’État est habitué à la dissidence silencieuse, mais le ministère de la Sécurité publique joue à cet égard un rôle bien particulier. Il contrôle en effet la police et le système pénitentiaire et est en grande partie responsable des violations dénoncées dans ce rapport. Pourtant, malgré les obstacles considérables et les conséquences dramatiques auxquels ils sont confrontés, des femmes et des hommes n’hésitent pas à parler. Ils dénoncent les injustices, ils appellent à l’instauration d’un système démocratique et pluraliste, et ils plaident pour le respect des droits humains. En 2015, plusieurs militants ont été agressés dans la rue par des policiers en civil ou par des voyous agissant pour le compte des autorités.
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