Après les annonces du ministre de l’Intérieur Christophe Castaner lundi dernier, nous avons salué le début d’une prise de conscience des autorités françaises sur les pratiques discriminatoires, les violences et l’impunité qui minent de l’intérieur l’institution policière depuis de nombreuses années.
Certaines mesures annoncées, comme l’interdiction de la clé d’étranglement ou la réforme de l’IGPN pour lui donner plus d’indépendance, nous ont semblé aller dans la bonne direction. Néanmoins, nous demandons des mesures plus ambitieuses pour répondre à l’enjeu majeur qu’est le respect des droits humains par les forces de l’ordre en France, en toutes circonstances.
Afin d’apporter une réponse structurelle aux discriminations et aux violences policières, de les prévenir et de les sanctionner, trois chantiers doivent être ouverts dans les meilleurs délais.
En finir avec l’usage disproportionné et illégal de la force
Nous demandons instamment aux autorités une révision profonde de la doctrine du maintien de l’ordre. De nouvelles approches, basées sur le dialogue et la désescalade , doivent être adoptées afin de mieux respecter les droits humains. L'usage de la force ne peut être que le dernier recours. Nous demandons aussi la suspension de la technique dite du plaquage ventral, et des armes, comme le lanceur de balle de défense (LBD-40) et l’interdiction des grenades de désencerclement.
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En finir avec les contrôles d’identité discriminatoires
Les mesures proposées pour lutter contre les discriminations sont insuffisantes. Un simple rappel des obligations déontologiques et la seule mise en place de formations ne peuvent suffire pour lutter efficacement contre les discriminations. Il est nécessaire que la loi encadre de manière plus restrictive l’usage des contrôles d’identité. Elle doit interdire explicitement toute possibilité d’avoir recours à la seule apparence physique des personnes ou à des critères discriminatoires.
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L’opacité des pratiques de contrôles d’identité est également un facteur aggravant du risque de discriminations et d’impunité. L’absence de traçabilité de ces contrôles ne permet pas de mettre en place des politiques globales et efficientes de lutte contre les discriminations. Le renforcement du dispositif de caméras-piétons ne répond pas à cette exigence. Ces dernières ne permettent pas de garantir le rendre-compte lorsqu’elles sont activées à la discrétion des fonctionnaires de police qui les porte. Elles n’aident pas davantage à connaître les circonstances exactes et les raisons d’un contrôle d’identité. Un usage constant de ces outils enfin, constituerait une atteinte excessive au droit au respect de la vie privée. Outre la mise en place de données chiffrées sur ces pratiques et un encadrement plus rapproché, les autorités doivent engager un véritable plan ciblé de lutte contre les discriminations à la hauteur des enjeux posés. Un dialogue sincère doit être engagé avec les ONG comme la nôtre et l’ensemble de la population en étant particulièrement à l’écoute des personnes concernées.
En finir avec l’impunité
Nous demandons la création d'un organe indépendant chargé d’enquêter sur les plaintes déposées contre les agents de la force publique. Cet organe devra disposer des ressources suffisantes pour enquêter sur toutes les allégations de violations graves des droits humains formulées contre les forces de l’ordre, notamment les décès en détention, la discrimination, l’usage disproportionné de la force, les homicides et les traitements cruels, inhumains ou dégradants. La confiance entre la police et une partie importante de la population ne pourra être restaurée que si des mesures fortes et structurantes sont prises. Ces mesures sont demandées de longue date par les organisations de défense des droits humains, les instances nationales et internationales indépendantes et les familles de victimes. Au-delà des annonces, le moment est venu d’agir, vraiment, et en profondeur.
Appel à témoignages
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