Exigez avec nous la protection sans condition des populations civiles
©UNHCR/D.Kashavelov
Bulgarie
Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 155 pays analysés. Voici ce qu’il faut savoir sur les droits humains en Bulgarie en 2023.
Des journalistes indépendants et des médias ont été la cible d’intenses pressions et de harcèlement, notamment de la part de représentant·e·s des pouvoirs publics. Le Parlement a adopté des mesures pour renforcer la protection des victimes de violence domestique. La définition des crimes de haine a été élargie pour y inclure l’orientation sexuelle. Les discriminations envers les minorités sont restées monnaie courante. Des personnes réfugiées ou migrantes ont fait l’objet de violents renvois forcés illégaux (push-backs). Les conditions d’accueil dans les institutions de soins psychiatriques et de protection sociale étaient préoccupantes.
CONTEXTE
En avril, les élections législatives, qui se tenaient pour la cinquième fois en moins de deux ans, n’ont pas permis de dégager une majorité nette, laissant le pays dans une crise politique appelée à durer. En juillet, la Bulgarie a subi une vague de chaleur particulièrement longue, avec des températures atteignant les 40 °C.
LIBERTÉ D’EXPRESSION
Des journalistes et des organes de presse indépendants qui travaillaient sur le crime organisé et la corruption ont cette année encore été la cible de menaces, d’actes de harcèlement et de campagnes de dénigrement. Des représentant·e·s des pouvoirs publics et des entreprises ont engagé de nombreuses procédures-bâillons contre des journalistes et des reporters.
En mars, une compagnie d’assurances a intenté une action en diffamation contre le site web d’information indépendant Mediapool. Elle réclamait une indemnisation record d’un million de levas (500 000 euros) de dommages et intérêts, ce qui pouvait conduire le site à la faillite.
En avril, le ministère public de la ville de Sofia a publié des copies d’écran d’une conversation privée entre un journaliste et l’une de ses sources. L’organisation Media Freedom Rapid Response a qualifié cela d’« atteinte alarmante au secret des sources ». Toujours en avril, les journalistes Dimitar Stoïanov, Atanas Tchobanov et Nikolaï Martchenko ont été la cible de six actions en justice pour diffamation pour avoir révélé les liens entre un homme réputé être un baron de la drogue et des fonctionnaires de la police bulgare. Plusieurs associations de défense de la presse ont condamné publiquement des « actions en justice abusives engagées en représailles » contre ces journalistes.
En juillet, le Parlement a adopté des modifications du Code pénal dont les dispositions devaient permettre de mieux protéger les journalistes contre les procédures-bâillons, notamment en réduisant fortement les amendes infligées en cas de diffamation contre des représentant·e·s de l’État. Cette mesure demeurait malgré tout insuffisante.
Le Centre pour le pluralisme et la liberté des médias a identifié la Bulgarie comme pays « à haut risque » en matière de liberté et de pluralisme des médias.
VIOLENCES FONDÉES SUR LE GENRE
En juin, un homme habitant la ville de Stara Zagora a été arrêté après une attaque au couteau commise sur son ex-petite amie, âgée de 18 ans, dont les blessures ont nécessité plus de 400 points de suture. Un tribunal local a qualifié ces blessures d’« atteintes corporelles mineures » et a dans un premier temps décidé de remettre l’agresseur en liberté le 5 juillet. Cette décision a déclenché des manifestations dans tout le pays et fait émerger des revendications pour faire cesser l’impunité des auteurs de violences domestiques. Sous la pression de l’opinion publique, les autorités ont de nouveau arrêté l’agresseur le 30 juillet et engagé de nouvelles poursuites contre lui en novembre.
En août, le Parlement a adopté des modifications du Code pénal ainsi que de la loi sur la protection contre la violence domestique visant à étendre le droit à une protection aux personnes ayant subi des violences dans le cadre d’une « relation intime » extraconjugale. Plusieurs groupes de la société civile ont critiqué la définition juridique d’une relation intime, qui disposait qu’une telle relation devait durer depuis 60 jours au moins pour être soumise à la loi. Des groupes conservateurs ont quant à eux protesté contre ces modifications au motif qu’elles promouvaient l’« idéologie du genre ». Toujours en août, le gouvernement a annoncé qu’il travaillait sur de nouvelles mesures pour combattre l’« épidémie silencieuse » que constituait la violence domestique.
DROITS DES LESBIENNES, DES GAYS ET DES PERSONNES BISEXUELLES, TRANSGENRES OU INTERSEXES
En février, la Cour suprême de cassation a mis fin à la possibilité pour les personnes transgenres de faire reconnaître leur identité de genre à l’état civil.
En juillet, le Parlement a modifié le Code pénal pour que les agressions contre les personnes en raison de leur orientation sexuelle soient considérées comme des crimes de haine, et alourdir les peines pour les auteurs de telles infractions.
Toujours au mois de juillet, la Cour d’appel de Sofia a déclaré l’ancien candidat à l’élection présidentielle Boyan Rassate coupable de houliganisme à la suite de l’agression, en 2021, d’une militante d’un centre associatif LGBTI, le Rainbow Hub, et l’a condamné à six mois de mise à l’épreuve.
En septembre, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé que la Bulgarie, du fait qu’elle ne reconnaissait pas juridiquement les couples de même sexe, bafouait les droits au respect de la vie privée et à une vie de famille.
DISCRIMINATION
En juillet, la Commission pour la protection contre la discrimination a infligé une amende de 1 000 levas (500 euros) au Mouvement national bulgare, un parti conservateur, et a prononcé à son encontre une interdiction de publier sur son site Internet du contenu incitant à la haine contre des minorités ethniques. La Commission a qualifié certaines des publications présentes sur ce site de discours de haine et a déclaré que les généralisations concernant des groupes ethniques constituaient une discrimination, ce qui était interdit par la loi.
Toujours en juillet, la Commission pour la protection contre la discrimination a annoncé qu’elle enquêtait sur des cas de personnes roms qui s’étaient vu refuser l’entrée aux piscines publiques dans plusieurs villes du pays.
En juillet également, le ministère public a enquêté sur le parti prorusse Renaissance après qu’il eut publié sur l’une de ses chaînes officielles de réseaux sociaux un photomontage de Solomon Passy, un ancien ministre des Affaires étrangères d’origine juive, le représentant dans un uniforme de prisonnier de camp de concentration et encadré par des soldats nazis, vraisemblablement pour être emmené dans une chambre à gaz. L’image avait pour légende : « Si tu n’aimes pas le gaz russe, essaye le nôtre ».
DROITS DES PERSONNES RÉFUGIÉES OU MIGRANTES
Les renvois sommaires de personnes réfugiées ou migrantes, qui étaient de plus en plus souvent accompagnés de violences, sont demeurés une pratique courante aux frontières du pays, particulièrement à la frontière avec la Turquie. En mars, la Commission européenne a lancé un projet pilote de 45 millions d’euros en Bulgarie, dont l’objectif affiché était d’accélérer les procédures de demande d’asile et de renforcer la sécurité et les systèmes de surveillance aux frontières.
DROITS DES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP
En mars, le Comité des droits de l’homme [ONU] a estimé que la Bulgarie avait bafoué plusieurs des droits de Valya Lazarova, décédée en 2007 après avoir été retenue pendant huit ans dans un établissement de soins en raison d’un handicap mental. Le Comité a déclaré que la Bulgarie n’avait pas assuré sa protection et que sa mort était une conséquence directe des conditions déplorables d’accueil de l’établissement de soins.
En avril, le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants [Conseil de l’Europe] a effectué une visite en Bulgarie pour examiner les progrès accomplis dans la mise en œuvre de ses recommandations formulées de longue date concernant la situation « extrêmement préoccupante » des personnes privées de liberté dans les établissements de soins psychiatriques et les foyers sociaux. En novembre, le parlement a créé une commission temporaire chargée de proposer des modifications législatives visant à garantir les droits des personnes atteintes de troubles mentaux.
DROIT À UN ENVIRONNEMENT SAIN
La Bulgarie restait très dépendante des combustibles fossiles. En janvier, le Parlement a décidé de faire marche arrière concernant les projets de sortie anticipée des centrales alimentées au charbon.
En juillet, le Parlement a chargé le ministre de l’Énergie d’étudier de nouveaux projets d’exploration de gaz fossile en mer Noire, contrairement aux obligations auxquelles le pays était tenu au titre de l’Accord de Paris en matière de réduction d’émissions.
La Commission européenne a déclaré que la Bulgarie devait revoir nettement à la hausse ses objectifs en matière d’énergies renouvelables pour se mettre en conformité avec les objectifs plus ambitieux de l’UE concernant le climat et l’énergie.