A l'occasion d'une campagne de publicité sur les personnes qui ont obtenu justice avec l'aide de notre organisation, retour sur l'histoire d'Ángel Colón, prisonnier d'opinion mexicain libéré récemment.
Ángel Colón a été arrêté en mars 2009 à Tijuana par la police, dans le nord du Mexique. Il essayait de se rendre aux États-Unis après avoir quitté son pays, le Honduras. Après son arrestation, il est torturé et insulté par des policiers des militaires. Au bout de 16 heures de torture et d'insultes racistes, il est forcé de signer une fausse déclaration utilisé par la suite pour l'implique dans des activités délictueuses.
Bien qu'il ait par la suite décrit ce qu'il avait subi à un juge, et expliqué que sa déclaration était fausse et lui avait été arrachée sous la torture, celle-ci n'a pas été retirée des éléments à charge. Les charges retenues contre lui, sa prétendue appartenance à une bande criminelle, s'appuyaient donc sur des informations obtenues sous la torture.
Les examens médico-légaux officiels, obligatoires en vertu des normes nationales et internationales relatives aux droits humains, n'ont eu lieu que quatre ans après et n'ont jamais abouti à des conclusions. Ses allégations ont plus tard été confirmées par des experts légistes indépendants, mais aucune enquête officielle n'a été ouverte sur les traitements qui lui ont été infligés, ce qui est contraire aux obligations du Mexique en vertu du droit international relatif aux droits humains.
Ángel Colón est membre de la minorité garífuna, originaire d'Afrique, et Amnesty International pense que la torture, la détention et les poursuites dont il a fait l'objet étaient dues à une discrimination, fondée sur son origine ethnique et son statut de migrant circulant sans papiers. C’est pourquoi, il est considéré comme un prisonnier d’opinion.
En 2016, Amnesty International lance une campagne pour mettre en avant les personnes libérées et inviter les gens à agir aux côtés de l'organisation © AIF
Une longue mobilisation et enfin la libération
En juillet 2014, nous lancions une campagne en faveur de sa libération, relayée par la section française.
Des milliers de sympathisants ont ainsi interpellé les autorités mexicaines via des envois massifs de lettres, mails et des centaines d’appels ont été passés aux Ambassades du Mexique dans de nombreux pays. Des représentants de l'organisation lui ont rendu visite en prison en septembre 2014 et lui ont transmis plus de 2 000 messages de solidarité.
Le 20 octobre 2014, après avoir passé 5 ans en détention provisoire, Ángel Colón a été libéré sans condition et le procureur général de la République a abandonné les poursuites engagées contre lui.
Un exemple parmi tant d'autres des victimes de torture au Mexique
L'histoire d'Ángel est exemple flagrant du manque de détermination du Bureau du procureur général de la République du Mexique à enregistrer les cas de torture. La plupart du temps, les examens médico-légaux officiels ne sont jamais effectués. S'ils le sont, ils ont lieu trop tard.
Il est en core temps de se mobiliser pour pour agir. Les autorités mexicaines doivent reconnaitre plus largement la valeur probante des examens pratiqués par des experts indépendants.
Le 28 juin 2016, nous avions publié un rapport sur les violences sexuelles subies par les femmes de la part les forces de l’ordre mexicaines, pour obtenir des aveux afin de gonfler leurs statistiques dans la lutte contre le crime organisé. La plupart de ces femmes ont déclaré qu’elles avaient subi des agressions sexuelles, des coups, des décharges électriques, des palpations et des attouchements en détention et durant les interrogatoires. Dans une grande majorité, elles ont été accusées d’infractions liées au crime organisé ou au trafic de stupéfiants. Beaucoup ont été présentées aux médias comme des « criminelles », après qu’on les ait forcées à «avouer ». La plupart d’entre elles viennent de familles pauvres et sont donc dans l’incapacité de s’offrir une défense digne de ce nom.
Lutter contre la torture, un combat terriblement d'actualité
Depuis plus de 50 ans, notre organisation ne cesse de dénoncer la persistance des pratiques de torture par de nombreux gouvernements, et aide les victimes à obtenir justice et réparations. Comme l'interdiction à l'échelle mondiale de la torture n’est visiblement pas suffisante aujourd’hui, nous exigeons maintenant la mise en place de garanties permettant d'empêcher concrètement la torture et d'y mettre un terme :
Des garanties qui doivent encadrer toutes les étapes de l’arrestation à la libération, lors des procédures pénales, en passant par la période de détention et particulièrement lors des interrogatoires et des gardes à vue, moments les plus propices à la pratique de la torture ;
Des garanties d’accès à tous les lieux de détention pour les avocats, les médecins et les inspecteurs indépendants ;
Des garanties sur le plan judiciaire mettant en place des mécanismes efficaces et indépendants chargés d’enquêter sur les cas de torture et d’en poursuivre les auteurs pour mettre un terme à l’impunité qui perdure dans de nombreux pays.