De nombreux hommes ont été victimes de disparitions forcées, après avoir été arrêtés de manière arbitraire et détenus par les forces émiriennes et yéménites. Beaucoup ont été torturés, et on craint que certains ne soient morts en détention.
Les familles de ces détenus se retrouvent plongées dans un cauchemar sans fin où leurs proches disparaissent .elles se heurtent à un mur de silence et d'intimidation.
Nous avons enquêté sur les cas de 51 hommes détenus par ces forces entre mars 2016 et mai 2018 dans les gouvernorats d'Aden, Lahj, Abyan, Hadramawt et Shabwa. La plupart des cas concernaient des disparitions forcées et 19 de ces hommes sont toujours portés disparus.
La quête des familles des détenus
Les mères, les épouses et les sœurs des victimes de disparitions forcées organisent des manifestations depuis près de deux ans, faisant la tournée des bureaux du gouvernement et des bureaux chargés des poursuites, des services de sécurité, des prisons, des bases de la coalition et de diverses structures traitant les plaintes relatives aux droits humains.
Nous n'avons aucune idée de l'endroit où il se trouve, Dieu seul sait s'il est encore en vie. Notre père est mort de chagrin il y a un mois. Il est mort sans savoir où se trouvait son fils.
La sœur d'un homme âgé de 44 ans arrêté à Aden fin 2016 a déclaré :
Certaines familles ont déclaré qu'elles ont été contactées par des individus qui leur ont annoncé que leurs proches étaient morts en détention ; lorsqu'elles se sont adressées aux responsables des forces yéménites soutenues par les Émirats arabes unis pour le vérifier, ils ont nié ces allégations.
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Des témoignages attestant de torture
Des détenus ou ex-détenus et leurs familles ont livré des récits horribles d'atteintes aux droits humains – coups, décharges électriques et violences sexuelles notamment. Selon le témoignage de l'un d'entre eux, un de ses codétenus a été évacué dans une housse mortuaire, après avoir été torturé à maintes reprises.
J'ai vu des choses que je ne souhaite plus jamais revoir. Dans cet endroit, vous ne voyez même pas le soleil,, Ils portaient toutes sortes d'accusations [contre moi]. Ils ont commencé à me frapper... Puis, une nuit, ils m'ont relâché en m'expliquant qu'ils m'avaient confondu avec quelqu'un d'autre... " Il y a eu erreur sur la personne, désolés. " C'était comme s'ils ne m'avaient rien fait, après toute la souffrance causée par les décharges électriques. »
Un ancien détenu qui se trouvait à Waddah Hall
Du fait de ce vide en matière d'obligation de rendre des comptes, il est encore plus difficile pour les familles de contester la légalité des détentions. Les procureurs yéménites ont bien tenté de renforcer leur contrôle sur certaines prisons, mais les forces émiriennes ont ignoré ou retardé maintes fois leurs ordres de remise en liberté.
Sous couvert de lutte antiterroriste
Les forces loyalistes devant la prison de Mansoura © SALEH AL-OBEIDI/AFP/Getty Images
Les Émirats arabes unis sont un membre clé de la coalition dirigée par l'Arabie saoudite et engagée dans le conflit armé au Yémen depuis mars 2015.
Ils ont créé, formé, équipé et financé des forces de sécurité locales. Ils ont également formé des alliances avec des responsables des services de sécurité yéménites, qui se sont soustraits à l’autorité de leur gouvernement. Les Émirats arabes unis agissent dans des conditions obscures dans le sud du Yémen et semblent avoir créé un service de sécurité parallèle en dehors de tout cadre légal.
L'objectif déclaré de leur implication avec les forces de sécurité locales est de combattre le « terrorisme », notamment en arrêtant les membres d'Al Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA) et du groupe armé se désignant sous le nom d’État islamique (EI).
Cependant, d'aucuns affirment que de nombreuses arrestations se basent sur des soupçons infondés et des vendettas personnelles.
Les arrestations ciblent les personnes qui critiquent la coalition et les pratiques des forces de sécurité soutenues par les Émirats arabes unis, notamment des personnalités de la communauté, des militants et des journalistes, ainsi que des sympathisants et des membres du parti al Islah, la branche yéménite des Frères musulmans.
Les proches de membres présumés de l'AQPA et de l'EI, ainsi que des hommes qui ont au départ aidé la coalition à combattre les Houthis mais sont aujourd'hui perçus comme une menace, sont également pris pour cibles.
Un silence de plomb
Les femmes de l'entourage des détenus et des personnes disparues qui manifestent à Aden et al Mukalla depuis deux ans sont victimes d'intimidations, voire d'agressions.
Les Émirats arabes unis nient toujours toute implication dans les pratiques de détention illégale au Yémen, malgré les nombreux éléments qui prouvent le contraire. D’autre part, le gouvernement yéménite a assuré à un groupe d'experts de l'ONU qu'il ne contrôle pas les forces de sécurité formées et soutenues par les Émirats.
Ces violations des droits humains commises dans le cadre du conflit armé au Yémen ne font toujours pas l'objet d'enquêtes pour crimes de guerre.
Les gouvernements du Yémen et des Émirats doivent agir sans délai pour y mettre un terme et fournir des réponses aux familles dont les époux, les pères, les frères et les fils ont "disparu".
Les partenaires des Émirats dans la lutte contre le terrorisme, notamment les États-Unis, n’ont toujours pas pris position vis-à-vis de ces allégations de torture.
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