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Ouganda. La criminalisation réduit l’espace civique en ligne pour les personnes LGBTQ

Les attaques en ligne visant les communautés LGBTQ en Ouganda ont considérablement augmenté en raison de lois à la portée trop générale qui criminalisent divers aspects de la vie des personnes LGBTQ et renforcent la discrimination, indique Amnesty International dans un nouveau rapport publié mercredi 23 octobre.

Ce rapport, intitulé « Tout le monde ici a deux vies et deux téléphones ». L’impact dévastateur de la criminalisation sur les espaces numériques pour les personnes LGBTQ en Ouganda, expose de façon détaillée la généralisation des violences fondées sur le genre facilitées par la technologie contre les personnes LGBTQ en Ouganda. Il relève des cas de divulgation d’informations personnelles, de révélation de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre, de menaces de violence, de chantage, d’usurpation d’identité, de piratage et de désinformation. Toutes ces pratiques marginalisent encore plus les personnes LGBTQ, notamment celles qui sont issues de milieux socioéconomiques défavorisés.

La Loi de 2023 portant répression de l’homosexualité, en particulier, a favorisé un climat d’impunité pour les attaques visant des personnes LGBTQ, qui a contraint des personnes et des organisations à modifier profondément leur façon de se présenter et de communiquer en ligne.

« Nos recherches montrent que, même si les militant·e·s et les organisations LGBTQ ont continué d’utiliser les espaces numériques malgré un environnement très hostile, la stigmatisation, la violence et la discrimination qu’ils et elles subissent ailleurs s’est reflétée et amplifiée dans les espaces numériques, a déclaré Shreshtha Das, chercheuse et conseillère d’Amnesty International chargée des questions de genre.

« Les violences fondées sur le genre facilitées par la technologie sont catastrophiques pour les personnes LGBTQ, car les attaques en ligne peuvent avoir des conséquences hors ligne, telles que des arrestations arbitraires parfois suivies de torture et d’autres mauvais traitements, des expulsions forcées, des licenciements, un risque de violences physiques ainsi que du stress, de l’anxiété et de la dépression. »

Les violences fondées sur le genre facilitées par la technologie sont catastrophiques pour les personnes LGBTQ, car les attaques en ligne peuvent avoir des conséquences hors ligne, telles que des arrestations arbitraires parfois suivies de torture et d’autres mauvais traitements, des expulsions forcées, des licenciements, un risque de violences physiques ainsi que du stress, de l’anxiété et de la dépression.

Shreshtha Das, chercheuse et conseillère d’Amnesty International chargée des questions de genre

Amnesty International a mené son enquête dans six villes ougandaises et leurs environs, en procédant à 64 entretiens avec des personnes et des organisations LGBTQ. Ces recherches révèlent la généralisation des violences fondées sur le genre facilitées par la technologie et mettent en évidence non seulement l’absence de mesures prises par les pouvoirs publics pour empêcher ou traiter ces violences, mais aussi le rôle actif qu’ils jouent en les encourageant et en les cautionnant, ce qui expose les personnes LGBTQ à de graves atteintes aux droits humains.

Une « chasse aux sorcières »

En Ouganda, les personnes et les organisations LGBTQ se servent des plateformes numériques pour tisser des liens entre elles, partager des informations sur les services de santé sexuelle et protéger leurs droits.

Au lieu d’adopter des mesures pour combattre les violences fondées sur le genre facilitées par la technologie, les autorités ougandaises répriment les personnes et les organisations qui défendent les droits humains en imposant des restrictions discriminatoires de leurs activités.

Marco Perolini, conseiller d’Amnesty International sur la politique concernant l’espace civique

Toutefois, la prévalence des violences fondées sur le genre facilitées par la technologie limite fortement les possibilités des personnes LGBTQ d’accéder aux espaces numériques pour communiquer et se réunir, et elle met à mal les efforts de sensibilisation de nombreuses organisations. Celles qui fournissent des services de santé à des catégories de population marginalisées ont été contraintes d’éviter de faire connaître leurs services sur les espaces numériques, de crainte que les autorités ne suspendent arbitrairement leur immatriculation sur la base d’accusations fallacieuses de « promotion de l’homosexualité ».

« Au lieu d’adopter des mesures pour combattre les violences fondées sur le genre facilitées par la technologie, les autorités ougandaises répriment les personnes et les organisations qui défendent les droits humains en imposant des restrictions discriminatoires de leurs activités. Leurs actes s’apparentent à une chasse aux sorcières contre ceux et celles qu’elles soupçonnent de “promouvoir l’homosexualité”, ce qui a un effet paralysant sur l’exercice des droits à la liberté d’expression et d’association », a déclaré Marco Perolini, conseiller d’Amnesty International sur la politique concernant l’espace civique.

Le rapport fait état de nombreux cas où la police a saisi des appareils ou des données appartenant à des personnes LGBTQ en les menaçant d’arrestation. Par ailleurs, des policiers et de simples citoyen·ne·s ont utilisé les plateformes de réseaux sociaux pour contacter des personnes LGBTQ avant de les soumettre à des violences physiques et du chantage.

Le chantage était la forme la plus courante de violence fondée sur le genre facilitée par la technologie dans tous les lieux où Amnesty International a effectué ses recherches. En outre, des policiers et de simples citoyen·ne·s ont révélé l’orientation sexuelle ou l’identité de genre de personnes LGBTQ sans leur consentement, ce qui les expose à des violences en ligne, des menaces, des violences physiques, des expulsions forcées et des licenciements.

Amnesty International a constaté que les propos dénigrants et insultants à l’égard des personnes LGBTQ sont omniprésents en ligne, de même que les campagnes de désinformation qui les décrivent de façon préjudiciable, notamment en les qualifiant de « prédateurs sexuels ».

Ces discours renforcent les représentations stéréotypées des personnes LGBTQ et entraînent de la détresse psychologique, une ostracisation sociale, des difficultés économiques et, dans certains cas, des violences physiques.

« Aujourd’hui, les espaces numériques, qui sont tellement essentiels pour les personnes LGBTQ en Ouganda, ne sont souvent pas plus sûrs que les autres espaces car elles y sont aussi victimes de discrimination », a déclaré Roland Ebole, chercheur sur l’Ouganda à Amnesty International.

Des lois dangereuses qui aggravent l’homophobie et la transphobie

Les violences fondées sur le genre facilitées par la technologie à l’égard des personnes LGBTQ étaient déjà courantes en Ouganda auparavant, mais leur gravité et leur fréquence ont brusquement augmenté après l’adoption de la Loi de 2023 portant répression de l’homosexualité, qui a intensifié le discours public homophobe et transphobe.

Toutes les personnes interrogées par Amnesty International ont indiqué qu’elles ne signaleraient pas des violences fondées sur le genre facilitées par la technologie à la police si elles en subissaient car elles craignaient de voir leur orientation sexuelle ou leur identité de genre révélée, de faire l’objet de chantage ou d’être arrêtées. Dans les rares cas où des personnes LGBTQ ont signalé des violences fondées sur le genre facilitées par la technologie, la police n’a pris aucune mesure et les a même soumises à des humiliations supplémentaires.

Aujourd’hui, les espaces numériques, qui sont tellement essentiels pour les personnes LGBTQ en Ouganda, ne sont souvent pas plus sûrs que les autres espaces car elles y sont aussi victimes de discrimination

Roland Ebole, chercheur sur l’Ouganda à Amnesty International

Des personnes et des organisations LGBTQ ont également souligné qu’il restait difficile de signaler des cas de violences fondées sur le genre facilitées par la technologie sur les plateformes de réseaux sociaux. Bien souvent, elles ne savaient pas comment signaler les violences. Malgré les mesures prises par les plateformes de réseaux sociaux pour lutter contre les violences fondées sur le genre facilitées par la technologie, des inquiétudes demeurent quant à la modération des contenus, en particulier dans les langues locales autres que l’anglais qui sont très utilisées.

Parmi toutes les entités auxquelles Amnesty International a écrit, y compris divers organes de l’État en Ouganda, des organisations privées et des entreprises de réseaux sociaux (Meta, TikTok et X), en présentant en détail les conclusions de ses recherches, seuls Meta et TikTok ont réagi. Leurs réponses sont intégrées dans le rapport.

« Le Parlement ougandais doit immédiatement abroger la Loi de 2023 portant répression de l’homosexualité et les autres dispositions criminalisant des actes et des comportements qui ont des conséquences disproportionnées sur les personnes LGBTQ, a déclaré Shreshtha Das.

« Les autorités doivent par ailleurs mettre en place un mécanisme indépendant chargé de mener des enquêtes efficaces, rapides et impartiales sur toutes les allégations de violences fondées sur le genre facilitées par la technologie et d’autres atteintes aux droits humains commises contre des personnes LGBTQ. »

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