Les contrôles à la frontière franco-italienne mettent la vie des réfugiés et migrants en péril et criminalisent celles et ceux qui leur viennent en aide. Poursuites, harcèlements et intimidations, notre nouveau rapport révèle le prix de la solidarité.
Ces dernières années, de nombreuses personnes réfugiées et migrantes ont traversé les Alpes. En cause, les mesures prises récemment qui répriment et précarisent l’accueil des étrangers en Italie. Sans perspectives d’intégration ou de pouvoir vivre dignement, des personnes reprennent la route.
En parallèle, la France a renforcé ses contrôles le long de la frontière avec l’Italie, de la Méditerranée aux Hautes-Alpes. Selon la Préfecture des Hautes-Alpes, « l’objectif est de rendre la frontière hermétique. Nous avons une pression migratoire très forte ».
Les États ont certes l’autorité pour réguler l’entrée et le séjour des personnes étrangères sur leur territoire mais ces prérogatives doivent être conduites dans le respect de la dignité et des droits des personnes, réfugiées comme migrantes. Aujourd’hui, cela est loin d’être le cas. Nos recherches démontrent que des personnes sont refoulées avant même qu’elles ne puissent voir une éventuelle demande d’asile traitée. En France, des personnes réfugiées et migrantes interpellées à moins de vingt kilomètres de la frontière italienne sont considérées comme « entrées illégalement en France », puis renvoyées directement en Italie sans examen de leur situation.
Dans ce contexte, des réfugiés et migrants tentent d’échapper à la police au péril de leur vie. Ils traversent des montagnes enneigées, la nuit, sans équipement adéquat. Ces personnes risquent des gelures, l’hypothermie ou de se blesser en tombant dans des crevasses. En 2018, trois personnes sont mortes.
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La population se mobilise
Face à cette souffrance, des habitants de la région viennent en aide aux personnes déracinées. Ils tentent de pallier les manquements des autorités pour mettre à l’abri ces personnes.
Du côté italien, des militants interviennent pour informer les personnes avant qu’elles ne partent sur les dangers qu’elles encourent mais aussi pour soigner des personnes refoulées par la police française et éviter qu’elles ne restent dehors dans le froid.
Du côté français, des Briançonnais ont ouvert un abri « Le Refuge », un lieu où des personnes réfugiées et migrantes peuvent se reposer après la traversée avant de reprendre la route. Des bénévoles organisent également des maraudes en ski ou à pied dans des zones près de la frontière pour venir au secours des personnes réfugiées ou migrantes.
Ces activités démontrent la volonté des habitants d’exprimer leur solidarité, leur humanité et leur fraternité. Je suis fière de voir comment ils se sont saisis de ces questions : en mettant de la nourriture, un abri et des soins médicaux
Maire de Briançon, il a soutenu le Refuge en mettant un lieu à disposition
Le prix de la fraternité
Au lieu d’être applaudies, ces personnes sont poursuivies, intimidées et stigmatisées.
C’est notamment le cas pour Pierre Mumber, un professionnel de la montagne et gestionnaire d’un refuge. En janvier 2019, il est condamné pour « aide à l’entrée irrégulière d’un étranger » alors qu’il offrait du thé et des vêtements chauds à deux personnes migrantes. Fort heureusement, il sera relaxé en novembre 2019.
Je n’ai jamais eu à faire avec la police à 55 ans. Ce qui m’a choqué avec ma première confrontation avec eux, c’était de voir comment ils traitaient des personnes, c’était comme s’ils n’existaient pas. On ne sait pas ce qu’ils ont vécu, combien de temps ils ont marché dans la neige.
Pierre Mumber
Les condamnations ont un impact sur l’engagement des autres maraudeurs. Didier, un instituteur, a arrêté de participer aux maraudes à la suite de la condamnation de Pierre. « J’ai encore peur. Je ne veux pas perdre mon travail. Ils nous mettent sous pression, en ciblant des aidants. ».
À quand la fin du délit de solidarité ?
Tant que les autorités ne respectent pas les droits et la dignité des personnes réfugiées et migrantes, ces citoyens qui leur viennent en aide font un travail essentiel. Le droit international est très clair : ne peuvent être poursuivis que les actes d’aide à l’entrée ou au séjour qui ont été commis intentionnellement pour retirer un avantage financier ou autre.
Il est grand temps que les responsables politiques français suppriment vraiment le « délit de solidarité » afin d’assurer que les personnes qui apportent une aide vitale aux personnes réfugiées et migrantes puissent le faire sans craindre de se retrouver devant des tribunaux.
PROTÉGEONS LES DÉFENSEURS DES DROITS DES MIGRANTS
Les personnes et organisations en France, qui défendent les droits des personnes exilées (migrants, réfugiés) font l’objet de pressions de plus en plus importantes en raison de leurs actions pacifiques et désintéressées.