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URGENCE PROCHE ORIENT

 Exigez avec nous la justice pour toutes les victimes et la protection sans condition des populations civiles

Des habitants du village de Zanuta, au sud de Yatta, dans la région d'Hébron, de retour dans leur village après avoir été chassés par les colons israéliens, observent les dégâts commis par les colons sur leurs biens, le 21 août 2024 / © IMAGO/APAimages via Reuters

En Cisjordanie, les colons chassent les habitants bédouins de leurs terres

Les habitants de communautés bédouines sont pris pour cibles par des colons israéliens : démolitions de leurs maisons, restrictions d’accès à leur terres, harcèlement et agressions physiques. Les attaques se multiplient et conduisent les populations à fuir. En droit international, c’est un déplacement forcé et c’est illégal. Des villages ont été vidés de leurs habitants, comme celui de Zanuta, d’autres risquent de l’être, comme celui de Shib al Butum.

Hadeel Jabareen, habitante du village de Khirbet Zanuta, a subi les violences des colons israéliens dans sa propre maison. « Ils ont brisé les fenêtres pendant que nous dormions. » déclare-t-elle. Ses enfants sont là. « Ils ont frappé nos enfants à coups de fusils. » témoigne Hadeel. Face à ces violences subies, elle décide de quitter son village. Elle est déplacée de force. Ce sera le cas pour tous les habitants de Zanuta.

Zanuta, un village ravagé 

Situé dans le sud des collines d’Hébron, Khirbet Zanuta est un village de bergers de 250 habitants, dont 100 enfants. Mais aujourd’hui, il est vide. Comme Hadeel, toutes les familles ont décidé de fuir face à une violence asphyxiante. Des colons israéliens ont ravagé leur village : ils ont incendié leurs propriétés, déversé des eaux usées sur leurs terres agricoles, détruits les écoles de leurs enfants. Après les massacres du 7 octobre 2023, les violences perpétrées par les colons contre les Palestiniens sont montées d’un cran. Elles deviennent quasi quotidiennes.  

Nos équipes se sont rendues sur place en mars 2024. Elles ont pu prendre des photos du village de Zanuta, notamment d'une école, entièrement détruite.

Vue de l'intérieur d'une école à Zanuta, démolie par des colons israéliens / © Amnesty International, mars 2024

À gauche, vue de l'intérieur de l'école détruite, à droite, vue de l'extérieur de l'école à Zanuta / © Amnesty International, mars 2024

Nous avions peur, c’était la terreur. 

Adel A Tal, ancien habitant de Zanuta

« Les colons étaient armés » raconte Adel A Tal, un ancien habitant de Zanuta. « Ils nous attaquaient sans cesse » livre t-il. Malgré l’impossibilité de vivre, Adel fait tout pour rester dans son village. Sa famille était la dernière sur place, « tous les autres étaient partis » confie-t-il. Mais les violences des colons n’avaient pas cessé. Alors, comme les autres familles avant lui, il décide de partir « pour la sécurité de nos enfants et de notre bétail.»

Les attaques des colons en Cisjordanie sont passées à quatre attaques par jour en 2024, contre deux par jour en 2022 en moyenne, selon l’OCHA. 

Le village de Zanuta était entièrement déplacé au 22 octobre 2023. Ce n'est qu'au mois de juillet 2024, suite à une décision de la Cour suprême israélienne, que des familles de Zanuta ont été autorisées à rentrer dans leur village. Quelques familles sont revenues au mois d'août, retrouvant leur maison démolie. Les attaques de colons ont rapidement repris, les obligeant à partir à nouveau. Les dernières familles ont quitté Zanuta le 18 octobre 2024.

Ce que dit le droit international

« Le village de Zanuta s'est complètement déserté. C'est un village mort, les habitants sont tous partis, certes d'eux-mêmes, mais nous appelons ça des transferts forcés, des déplacements forcés, ce qui est totalement interdit en droit international. » déclare Anne Savinel-Barras, présidente d'Amnesty International France.

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Le transfert illégal, à savoir le déplacement forcé de civils contre leur volonté, est une violation de la Quatrième Convention de Genève. En droit international, le déplacement forcé équivaut à un crime de guerre. 

En plus de Zanuta, d’autres villages risquent de subir le même sort. Parmi eux, celui de Shib Al Butum. Nos équipes ont rencontré certains de ses habitants et analysé des violences commises par des colons israéliens.

Shib Al Butum, le village en danger 

Il y a 300 personnes qui habitent à Shib Al Butum, village de bergers de la région de Masafer Yatta où 12 communautés de bédouins sont installées. Depuis des décennies, cette région est la cible d’attaques de colons israéliens qui empiètent sur les terres des bergers, vandalisent et volent leurs biens, les harcèlent et les agressent physiquement, en toute impunité. 

Depuis le 7 octobre 2023, les violences augmentent. Nos équipes ont rencontré six habitants de Shib Al Butum et analysé 38 vidéos de violences infligées par les colons israéliens qui ciblent en premier lieu les zones de pâturages. « Plus personne n’ose emmener le bétail pâturer en dehors du village. » s’exclame Khalil Jabarin, un berger. D’après les témoignages recueillis, les colons israéliens s’approchent régulièrement des bergers : menaces, propos insultants, signalements – souvent à tort – de vols de moutons par les Palestiniens. « Ils ont pris tout ce qu’ils voulaient, mais ce n’est pas encore assez... Ils veulent que nous partions. » poursuit Khalil Jabarin « Ils viennent et me disent que je n’ai pas de terre ici et que je devrais aller à Yatta [la ville palestinienne voisine]. » 

En 20 ans, l’année 2024 est la période où les pires violences ont été commises par des colons israéliens en Cisjordanie occupée - Jérusalem-Est compris – selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA). 

Depuis début septembre 2024, les habitants de Shib al Butum voient souvent un colon israélien entrer dans leur village, et ce, à de jour comme de nuit. Uniforme militaire, armé d’un fusil, il se promène, prend des photos, vandalise des biens et installations agricoles. Sur les vidéos, on le voit détruire des portillons et des clôtures autour des terres.

Dans d’autres, authentifiées par nos équipes, on voit des colons armés déambuler autour d’un hameau ou passer à toute vitesse sur leurs motos pour intimider les bergers. Les villageois vivent constamment dans la peur. « Nous ne nous sentons pas en sûreté chez nous » confie Iman Jabarin, mère de sept enfants. « Nous ne sommes pas en sécurité, ni moi, ni mes enfants, ni mon mari. » 

Nous ne nous sentons pas en sûreté chez nous.

Iman Jabarin, habitante de Shib al Butum, mère de sept enfants

Dans une vidéo authentifiée par Amnesty International du 19 juillet 2024, un groupe de huit colons, accompagné d’un soldat, a attaqué des membres de la famille Najjar, simplement assis devant chez eux. Selon la famille, des colons leur ont infligés des coups de bâton, sans que le soldat ne s’interpose. Sur les images, on voit le soldat pointer son arme sur la famille palestinienne, puis tirer en l’air. Deux membres de la famille ont été hospitalisés. C’est le cas de Wadha Najjar, femme de 64 ans. Elle a confié que face à l’impunité de ce type d’agression, elle a perdu tout espoir d’obtenir justice.

Des colons au-dessus des lois 

Les colons israéliens bénéficient d’une impunité quasi-totale pour les violences commises contre la population palestinienne des territoires occupés. Selon l’organisation israélienne de défense des droits humains Yesh Din, 94 % des enquêtes de police sur les violences des colons commises entre 2005 et 2024 en Cisjordanie n’ont abouti à aucune inculpation. Des chiffres qui appuient le fait que le système israélien d’application des lois est conçu pour privilégier les intérêts des colons, au détriment des Palestinien·nes. Les attaques des colons, en hausse, sont soutenues par l’Etat d’Israël. 

Lire aussi : Quelles sont les conséquences de l'occupation israélienne de la Cisjordanie ?

Comprendre : Que signifie "pays occupé" ou "territoire occupé" ?

L’existence même des colonies israéliennes dans le territoire palestinien occupé est une violation du droit international. En juillet 2024, la Cour internationale de justice a jugé que l’occupation par Israël des territoires palestiniens était illégale. 

Et la communauté internationale ? Son inaction permet aux autorités israéliennes de poursuivre leur implantation de colonies et contribue au sentiment d’impunité des colons. Le 21 janvier 2025, le président Donald Trump a annulé toutes les sanctions américaines contre les colons israéliens responsables de violences, en révoquant un décret adopté par Joe Biden. Le manque d’actions de la communauté internationale permet, indirectement, le transfert illégal des villageois palestiniens.

La situation à Shib Al Butum est un microcosme de ce que vit la population palestinienne, en particulier les éleveurs et les Bédouins, dans la majeure partie de la Cisjordanie occupée.

Erika Guevara Rosas, directrice des recherches chez Amnesty International.

Sans mesures prises pour stopper les violences des colons israéliens, Khalil, Wadha, Iman, leurs familles et tous les habitants du village de Shib al Butum risquent d’être déplacés de force. En plus de Shib al Butum, les habitants de neuf autres villages de la région de Masafer Yatta, risquent, à tout moment, d’être déplacés de force. Et peut-être que bientôt, ces villages de bergers n’existeront plus. Alors, ne fermons pas les yeux.