Au Venezuela, pénurie alimentaire, châtiment et peur constituent la formule de la répression exercée par les autorités sous le régime de Nicolás Maduro.
Le gouvernement vénézuélien s’en prend aux personnes les plus pauvres, qu’il prétend pourtant défendre. Elles sont tuées, arrêtées ou menacées.
Le Venezuela traverse depuis plusieurs années une terrible crise des droits humains marquée par des violations massives de ces droits, avec des pénuries de nourriture et de médicaments, une hyperinflation, une violence endémique et une répression politique qui ont poussé plus de trois millions de personnes à fuir le pays depuis 2015.
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Une bien sombre réalité
Face à cette sombre réalité, des milliers de personnes sont descendues dans la rue pour réclamer un changement de gouvernement. Entre le 21 et le 25 janvier 2019, de nombreuses manifestations ont eu lieu, dont un grand nombre dans des quartiers populaires où les mouvements de protestation qui demandent ce changement n’avaient jusqu’alors pas été aussi visibles.
On observe une forte présence des groupes armés soutenant Nicolás Maduro (généralement appelés « colectivos ») dans ces quartiers, où les habitants dépendent largement des programmes publics, actuellement limités, de distribution de denrées alimentaires de base.
En l’espace de cinq jours seulement, au moins 41 personnes sont mortes au cours de ces manifestations, toutes des suites de blessures par arme à feu. Plus de 900 personnes ont été arrêtées de façon arbitraire, et le 23 janvier 2019 (le jour où des manifestations ont eu lieu dans tout le pays), 770 arrestations arbitraires ont été recensées.
Exécutions extrajudiciaires
Nous avons des informations sur six exécutions extrajudiciaires commises par les Forces d’action spéciale (FAES) dans plusieurs endroits du pays et toujours selon le même mode opératoire. Dans chacun de ces cas, les victimes étaient liées d’une manière ou d’une autre aux manifestations qui avaient eu lieu au cours des jours précédents, et les jugements critiques portés par plusieurs d’entre elles sur Nicolás Maduro avaient largement circulé sur les réseaux sociaux.
Les six victimes sont toutes de jeunes hommes qui, selon les autorités, ont été tués lors d’affrontements avec les FAES.
Ces forces publiques de sécurité étatiques ont altéré les scènes de crime et décrit les victimes comme étant des délinquants, en indiquant que plusieurs d’entre elles avaient un casier judiciaire, tentant ainsi de justifier leur mort.
Luis Enrique Ramos Suárez avait 29 ans quand des agents des FAES l’ont exécuté, le 24 janvier 2019, dans la ville de Carora. La veille, un message audio annonçant les manifestations contre Nicolás Maduro et le conseil municipal de Carora était devenu viral. Dans ce message vocal, Luis Enrique était mentionné, sous son surnom, comme faisant partie des organisateurs.
Alixon Pizani, un boulanger âgé de 19 ans, est mort le 22 janvier 2019 après avoir reçu une balle dans le thorax alors qu’il manifestait avec un groupe d’amis à Catia, dans l’ouest de Caracas. Selon des témoins, un motard portant l’uniforme de la PNB ("Policia Nacional Bolivariana") a tiré sur la foule au hasard avec une arme de poing, blessant grièvement deux personnes.
Détentions arbitraires
Selon l’organisation vénézuélienne Foro Penal, les autorités ont arrêté 137 enfants et adolescents à travers le pays, entre le 21 et le 31 janvier 2019.
Parmi tous ces cas, six personnes, dont quatre adolescents, ont participé à une manifestation ou simplement regardé en se tenant tout près, dans la ville de San Felipe, le 23 janvier 2019. Tous les quatre nous ont déclaré que lors de leur arrestation les autorités les avaient frappés, traités de « guarimberos » (manifestants violents) et de « terroristes », exposés à des substances irritantes, privés de sommeil et menacés de mort.
D’après leur témoignage, les agents qui les ont arrêtées appartenaient à plusieurs branches des forces de sécurité étatiques et étaient accompagnés de personnes habillées en civil.
Les quatre adolescents ont été accusés d’infractions pour lesquelles, au regard du droit national, ils n’auraient pas dû être placés en détention ; ils ont pourtant été incarcérés pendant huit jours sur décision judiciaire. Ils ont passé quatre jours dans le Centre de réadaptation pour mineurs, une institution militaire où on leur a rasé la tête et où ils ont été obligés de chanter des slogans tels que « Nous sommes les enfants de Chávez ».
Le 29 janvier 2019, l’une des juges chargés de trois de ces affaires a déclaré publiquement qu’elle avait reçu l’ordre de maintenir les adolescents en détention, alors que cela n’était pas justifié d’un point de vue juridique.
À la suite de cette déclaration, elle a été démise de ses fonctions et a quitté le pays. Les quatre adolescents attendent leur procès et ils sont toujours soumis à des restrictions de leurs libertés.
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