En mars 2022, Edward Kaprov part, à son compte, couvrir le conflit en Ukraine. Ce photographe israélien d’origine soviétique – comme il se définit – n’a pas cessé d’y retourner.
Écrit par Edward Kaprov
Pour notre magazine La Chronique #247
Paru au mois de février 2024
En mars 2022, Edward Kaprov part, à son compte, couvrir le conflit en Ukraine. Ce photographe israélien d’origine soviétique – comme il se définit – n’a pas cessé d’y retourner. Il utilise un procédé ancien, le collodion humide, qui capture l’image sur une plaque de verre. De ses séjours ukrainiens, Edward Kaprov a tiré une série photographique, Le Visage de la dernière guerre, ainsi qu’un film, écrit à la première personne, Un photographe dans la guerre. Documentaire qui a reçu le prix Bayeux catégorie Grand format en 2023. En voici des extraits.
« Maintenant, courez-vous cacher avant qu’on nous bombarde ! »
« Nous avons embarqué le corps d’un soldat russe, il gisait dans les bois... Peu probable que ses proches puissent le retrouver. Ils ont dû recevoir un avis de disparition. »
« On se réveille chaque jour en pensant qu’on a rêvé, puis on ferme les yeux. Notre maison, il n’y a plus rien. »
« J’ai décidé de documenter cette “dernière guerre” en utilisant la première technique de photographie jadis utilisée lors de la guerre de Crimée, au milieu du xixe siècle. Après l’apparition de ces preuves par l’image, l’humanité ne pouvait plus ignorer les atrocités commises. Les guerres n’ont pas pour autant cessé.
J’ai transformé un van en laboratoire mobile et j’ai pris la route jusqu’à la ligne de front. Jamais je n’aurais pensé être témoin d’événements comparables. Dans la cour de l’église de Bucha, sous mes yeux, les corps ont été sortis un à un d’une fosse commune. Certains dans des sacs, d’autres dans des couvertures. Mes yeux refusaient de croire à cette cruauté et à ce cynisme. Pour moi, cette guerre est devenue une guerre personnelle, une guerre contre la réalité que je refuse d’accepter.
Les gens que j’ai photographiés ont accueilli ma démarche avec respect. Beaucoup m’ont demandé pourquoi je venais risquer ma vie. La réponse est ce que je ressens : je ne peux pas rester à l’écart. En me faisant confiance, avec mon vieil appareil, nous étions eux et moi unis pendant les longues secondes d’exposition… Je ne pense pas que la photographie puisse mettre fin à la guerre. Mais cela me donne une excuse pour rester près de ces gens, dans la douleur et compassion. »
1— Légendes tirées du film Un photographe dans la guerre, réalisé par Edward Kaprov, Daniel Fainberg, Eugene Titov (Arte/Magneto Presse), disponible sur Arte.
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