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URGENCE PROCHE ORIENT

Exigez avec nous la protection sans condition des populations civiles

Rohingyas

des preuves accablantes

Plus de 530 000 Rohingyas – hommes, femmes et enfants – ont fui ces dernières semaines le nord de l'État d'Arakan, où les forces de sécurité du Myanmar mènent une campagne ciblée, se livrant à des meurtres, des viols et des incendies généralisés et systématiques.

Les forces de sécurité du Myanmar mènent une campagne de répression systématique, planifiée et impitoyable contre la population des Rohingyas, depuis qu'un groupe armé rohingya a attaqué une trentaine de postes de sécurité le 25 août.

Lire aussi : Rohingyas, pourquoi nous parlons de crime contre l'humanité

Le massacre de Chut Pyin

Nous avons interrogé 17 survivants du massacre de Chut Pyin, dont six ont été blessés par balles.

Fatima, 12 ans, a raconté qu'elle se trouvait chez elle avec ses parents, huit frères et sœurs et sa grand-mère, lorsqu'elle a vu de la fumée monter d'une autre partie du village. Alors que la famille prenait la fuite, des hommes en uniforme leur ont tiré dessus par derrière. Elle a vu son père et sa sœur de 10 ans tomber sous les balles, et elle a elle-même été touchée à l'arrière de la jambe droite, juste au-dessus du genou.

Je suis tombée par terre, mais mon voisin m'a attrapée et m'a portée. Après avoir passé une semaine à fuir, elle a finalement été soignée au Bangladesh. Sa mère et son frère aîné ont été tués à Chut Pyin.

Fatima, 12 ans

Des professionnels de santé au Bangladesh ont relaté avoir soigné de nombreuses blessures qui semblaient résulter de balles tirées par derrière – ce qui corrobore les récits de témoins selon lesquels l'armée a tiré sur les Rohingyas alors qu'ils tentaient de s'enfuir.

À Chein Kar Li et Koe Tan Kauk, deux villages voisins, nous avons constaté la même tactique mise en œuvre par l'armée du Myanmar.

Sona Mia, 77 ans, dans le camp de Kutupalong au Bangladesh, le 27 Septembre 2017 »

Sona Mia, 77 ans, a déclaré qu'il se trouvait chez lui à Koe Tan Kauk, le 27 août, lorsque des soldats birmans ont encerclé le village et ouvert le feu. Sa fille de 20 ans, Rayna Khatun, handicapée, ne pouvait ni marcher ni parler. L'un de ses fils l'a portée sur ses épaules et la famille s'est lentement mise en route vers les collines, à l'orée du village. Comme ils entendaient les coups de feu se rapprocher dangereusement, ils ont décidé de laisser Rayna dans une maison rohingya qui avait été abandonnée.

Nous pensions qu'on n'y arriverait jamais.

Sona Mia, 77 ans

Sona Mia poursuit « Je lui ai dit de s'asseoir là, que nous allions revenir... a déclaré . Une fois sur la colline, nous avons repéré la maison où elle se trouvait. Elle était un peu loin, mais nous pouvions la voir. Les soldats mettaient le feu [aux maisons] et au final nous avons vu la maison, en proie aux flammes. »

Lorsque les militaires ont quitté le village en fin d'après-midi, les fils de Sona Mia sont redescendus et ont trouvé le corps calciné de Rayna Khatun dans la maison réduite en cendres. Ils ont creusé une tombe en bordure de la cour et l'y ont enterrée.

Parmi les violences, des violences sexuelles

Après être entrés à Min Gyi (appelé localement Tula Toli) dans la matinée du 30 août, les soldats birmans ont pourchassé les villageois rohingyas qui s'enfuyaient vers la rive d’un cours d’eau et ont ensuite séparé les hommes et les adolescents des femmes et des jeunes enfants.

Ils ont ouvert le feu et exécuté de nombreux hommes et adolescents, ainsi que certaines femmes et jeunes enfants. Puis, ils ont emmené les femmes, par groupes, dans les maisons voisines où ils les ont violées, avant d'incendier ces maisons et d'autres quartiers rohingyas du village.

S.K., 30 ans, a déclaré qu'après avoir assisté aux exécutions, elle a été emmenée, avec beaucoup d'autres femmes et jeunes enfants, jusqu'à un fossé, où elles ont dû rester debout, avec de l'eau jusqu'aux genoux : « Ils ont emmené les femmes par groupes dans différentes maisons... Nous étions cinq [femmes], emmenées par quatre soldats [en uniforme de l'armée]. Ils ont pris notre argent, nos biens et nous ont frappées à coups de baguette en bois. Mes enfants étaient avec moi. Ils les ont également frappés. Shafi, mon fils de deux ans, a reçu un violent coup de baguette. Un coup, et il est mort... Trois de mes enfants ont été tués. Mohamed Osman (10 ans) [et] Mohamed Saddiq (cinq ans). D'autres femmes [dans la maison] avaient aussi des enfants [avec elles] qui ont été tués.

Toutes les femmes ont été déshabillées... Ils avaient des baguettes de bois vraiment dures. Ils nous ont asséné des coups sur la tête, pour nous affaiblir. Puis des coups [dans le vagin] avec leurs baguettes en bois. Et nous ont violées. Un soldat différent pour chacune.

S.K., 30 ans

Après avoir violé les femmes et les jeunes filles, les soldats ont incendié les habitations, où de nombreuses victimes ont péri.

Incendies de villages délibérés et organisés

Le 3 octobre, le programme opérationnel pour les applications satellitaires de l'UNITAR (UNOSAT) a signalé avoir identifié 20,7 km2 de bâtiments détruits par le feu dans les municipalités de Maungdaw et Buthidaung depuis le 25 août. Ce chiffre est probablement sous-estimé par rapport à l'ampleur totale des destructions et des feux, car les satellites ont eu du mal à détecter tous les incendies du fait d'une couverture nuageuse dense.

Selon notre analyse des données satellites de détection d'incendies, au moins 156 incendies de grande ampleur ont eu lieu dans le nord de l'État d'Arakan depuis le 25 août – là encore sans doute une sous-évaluation. Ces incendies étaient probablement volontaires, puisqu’au cours des cinq dernières années sur la même période, qui correspond à la mousson, les capteurs satellites n'en avaient décelé aucun.

Les images satellite avant/après illustrent avec force ce que les témoins ont déclaré à Amnesty International : les forces de sécurité birmanes n'ont brûlé que des villages ou des quartiers rohingyas. Les images satellite d'Inn Din et de Min Gyi montrent de larges bandes de bâtiments réduits en cendres, tandis que les quartiers adjacents ont été épargnés. En recoupant les caractéristiques des zones intactes et les informations des habitants rohingyas concernant l'endroit où ils vivaient et la répartition d'autres communautés ethniques dans ces villages, on s'aperçoit que seuls les quartiers rohingyas ont été rasés.

Shara Jahan, 40 ans, a été brûlée dans sa maison. Son mari et un de ses fils ont été tués par les militaires lors de la même attaque.

On note un schéma analogue dans au moins une dizaine d'autres villages où des Rohingyas vivaient juste à côté d'autres communautés ethniques.

Comprendre : Qui sont les Rohingyas ?

Au regard de leurs dénégations, les autorités du Myanmar ont pu penser qu'elles pouvaient commettre des meurtres à grande échelle en toute impunité. La technologie moderne, alliée à des recherches humaines rigoureuses, en a décidé autrement.

La communauté internationale s'indigne mais n'agit pas

Il est temps pour la communauté internationale de dépasser le stade de l'indignation et de passer à l'action pour mettre fin à la campagne de répression qui a conduit plus de la moitié de la population des Rohingyas à quitter le Myanmar.

En interrompant la coopération militaire, en imposant des embargos sur les armes et des sanctions ciblées contre les responsables d'atteintes aux droits humains, le message sera clair : les crimes contre l'humanité imputables à l'armée dans l'État d'Arakan ne seront pas tolérés.

La communauté internationale doit veiller à ce que la campagne de nettoyage ethnique n'atteigne pas son objectif illégal et condamnable. Aussi doit-elle à la fois encourager et soutenir le Bangladesh pour qu'il fournisse des conditions adéquates et un asile sûr aux réfugiés rohingyas, et veiller à ce que le Myanmar respecte leur droit de rentrer de manière sûre, volontaire et digne dans leur pays, tout en faisant pression pour qu’il éradique la discrimination systématique dont font l'objet les Rohingyas et s'attaque aux autres causes profondes de la crise.

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Stop au nettoyage ethnique des Rohingyas

Interpellez le commandant en chef des forces armées