Homicides, viols, enlèvements, incendies : au lendemain de l'accord de paix signé en août 2015, les civils ont vécu l'horreur aux mains des forces gouvernementales.
L’impunité nourrit le conflit
Le rapport d’Amnesty “We are still running”: War crimes in Leer, South Sudan, relate les actes terribles de violence infligés à des civils et à des villages entiers par les forces gouvernementales et les milices alliées, en violation flagrante de l'accord de paix conclu en août 2015 entre le président Salva Kiir et son vice-président Riek Machar.
Il dévoile que les forces gouvernementales sud-soudanaises et les milices alliées ont pourchassé et tué des civils, violé et enlevé des femmes, volé du bétail et incendié des villages dans des bastions de l'opposition situés dans le comté de Leer, dans l'État d'Unité, entre août et décembre 2015.
Ces crimes de guerre et autres atteintes aux droits humains commis à travers le pays sont la conséquence de l'impunité qui nourrit le conflit au Soudan du Sud, comme en témoigne la recrudescence des combats ces dernières semaines.
Des témoignages accablants
Parmi les personnes interrogées, 26 femmes et jeunes filles s'étaient enfuies ou avaient été libérées de captivité. Beaucoup ont été victimes de violences sexuelles et physiques répétées alors qu'elles étaient captives.
Selon le témoignage de Nyamile, qui a assisté à l'attaque contre la ville Adok Payam le 28 octobre, six jeunes filles ont été attachées, violées, puis kidnappées. Elle a déclaré : « Nous avons élu le président et maintenant il nous tue... C'est pourquoi nous demandons à la communauté internationale de dire à Kiir d'arrêter de nous tuer. Les femmes souffrent beaucoup. Une femme a été utilisée [violée] par six hommes. » Des femmes et des filles ont été enlevées et contraintes de servir de porteuses, transportant les biens pillés par les soldats dans les villages attaqués, de servir de cuisinières et de s'acquitter d'autres tâches domestiques dans les camps de combattants.
Certaines, ayant tenté de s'évader, ont été tuées par leurs ravisseurs, d'autres y sont parvenues, mais certaines demeurent en captivité. Tous les témoins et victimes interrogés ont déclaré que les soldats qui les ont attaqués portaient des tenues militaires de camouflage. Une femme a déclaré : « L'uniforme était celui des soldats de Salva Kiir. »
Homicides, viols et destructions
Maluth, père de trois enfants qui a survécu à l'attaque contre la ville Gondor Payam en novembre 2015, a déclaré : « Les ennemis sont arrivés. Nous avons couru jusqu'à la rivière. Ils ont tiré [et tué] mon frère dans la rivière. Et ils ont tiré [et tué] ma belle-mère chez elle. Ensuite, ils ont attrapé ma sœur et mon épouse, les ont emmenées à la rivière et les ont violées. Puis ils ont mis le feu aux maisons. »
Nyewutda, âgée de 31 ans, qui a perdu cinq de ses amis dans l'attaque contre Toch Reah Island en septembre, a déclaré : « Lorsque les forces gouvernementales sont arrivées, nous avons fui avec notre bétail jusqu'à Bul. Le gouvernement a pris mon bétail. Nous sommes restés dans l'eau pendant quatre jours, et par la suite les ongles de mes orteils sont tombés. » Nyamot, une vieille femme qui a survécu à l'attaque contre Gondor Payam, a déclaré : « Les soldats ont trouvé mon mari caché dans le bush. Ils lui ont tiré dans la tête, la poitrine et le dos... J'ai vu mon mari se faire tuer, mais je suis restée cachée. »
Justice pour les victimes
À ce jour, aucune mesure n'a été prise en vue d'identifier et de traduire en justice les responsables de ces attaques brutales contre des civils. Le gouvernement du Soudan du Sud doit immédiatement assurer la libération des femmes et des filles kidnappées et garantir leur retour en toute sécurité dans leurs villages, et mener des enquêtes approfondies et impartiales sur les meurtres, les viols et les enlèvements de civils.
Il doit également soutenir la création du tribunal hybride pour le Soudan du Sud, afin de juger ceux qui portent la plus grande responsabilité. S'il ne le fait pas, tous les États doivent envisager d'invoquer le principe de compétence universelle afin de garantir l'obligation de rendre des comptes pour ces crimes et d'autres crimes relevant du droit international.