Cette année, la 5éme conférence des États Parties au Traité sur le Commerce des Armes (TCA), qui s’est tenue à Genève du 26 au 30 août, avait pour thème les violences liées au genre. Une problématique importante et omniprésente dans les conflits armés, mais qui a surtout permis aux délégations présentes d'éviter les questions qui fâchent : les grands exportateurs ne respectent toujours pas le Traité.
Les femmes et les enfants sont parmi les grandes victimes des violences armées : le viol et l’esclavage sexuel sont depuis longtemps utilisés comme armes de guerre massives, et les dommages collatéraux vécus par ces populations sont nombreux.
Toute une séance de la conférence était consacrée aux violences liées au genre avec des interventions fortes venant surtout de délégués de la société civile.
LES SUJETS ÉPINEUX IGNORÉS
Le thème des violences liées au genre a semblé mettre toutes les délégations d’accord - même les plus réticentes à l’application du Traité, ayant pour effet de masquer les enjeux principaux du TCA. Le cas des transferts d’armes irresponsables ou illégaux n’ont pas été abordés alors que nombre d’États parties enfreignent notoirement le Traité. Le cas des exportations d’armes déployées dans le cadre de la guerre au Yémen, au mépris des engagements internationaux pris dans le cadre du traité, est le plus flagrant.
Durant ces 5 jours de conférence, ce sont surtout les organisations de la société civile qui ont su mettre en avant ces graves violations du TCA, ignorés lors des plénières.
LE MANQUE DE TRANSPARENCE, PRINCIPAL OBSTACLE AU BON FONCTIONNEMENT DU TCA
Le secrétariat a cependant pris le temps de mettre en lumière le manque de rigueur des États Parties concernant les rapports annuels qu’ils sont censés lui remettre.
Un des grands objectifs du Traité est en effet d’obtenir de tous les pays qui l’ont ratifié, toutes les données possibles sur les transferts d’armes et ainsi retrouver dans les rapports des pays exportateurs les mêmes chiffres que ceux transmis par les importateurs.
Or ce n’est quasiment jamais le cas. L’analyse de l’ATT Monitor produite chaque année par la coalition internationale Control Arms montre que seules 1,6% des données correspondent à ce que l’on appelle un effet miroir : les données globales d'exportation correspondent bien aux données d’importations.
Le taux de remise des rapports - qui est pourtant une obligation juridique - est plus faible que l’année dernière (60% en 2018 contre 64% en 2017), et se réduit chaque année comme peau de chagrin.
Force est de constater que les principaux pays exportateurs fournissent des informations partielles ou erronées voire aucune donnée sur leurs importations. Ces manquements représentent un obstacle majeur au contrôle de leur conduite en matière de droits humains.
YÉMEN : DE PLUS EN PLUS D'ÉTATS POURSUIVIS EN JUSTICE
Le conflit au Yémen est aujourd’hui alimenté par des armes provenant en grande partie des États-Unis, du Royaume Uni, de la France et du Canada. Au vu des nombreuses preuves attestant de crimes de guerre, commis avec des armes fournies à la coalition Saoudienne, ces transferts sont une grave violation du traité. Le TCA ne peut pas sanctionner ces États, mais les systèmes juridiques de ces derniers, saisis par la société civile, ont la possibilité de traduire leurs gouvernements (voire les entreprises exportatrices) en justice.
C’est ainsi qu’un premier grand succès a eu lieu au Royaume-Uni, où toute délivrance de nouvelles licences d’exportation d’armes a été jugée illégale par la cour d’appel du pays.
Des procédures similaires sont en cours dans d’autres pays, notamment au Canada, où plusieurs tentatives ont échoué récemment. Le gouvernement canadien sera convoqué pour un nouveau jugement le 17 septembre jour de l’entrée en vigueur du TCA pour le pays. Des procédures ont également été lancées aux Pays Bas et en France mais ont été rejetées. Aux Pays-Bas cependant, le gouvernement Néerlandais a admis après coup qu’il y avait violation de la Position commune 2008/944/PESC de l’Union Européenne et du TCA, arrêtant ainsi toute exportation d’armes vers la coalition saoudienne.
Pas de procès en revanche contre le premier exportateur d’armes du monde, les États-Unis, qui après avoir retiré leur signature du Traité en avril dernier, étaient cette année absents de la conférence…
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