En raison de la criminalisation des relations homosexuelles entre adultes au sein de l’armée, les soldats homosexuels et transgenres en Corée du Sud sont harcelés et discriminés.
En Corée du sud, l’article 92-6 du Code pénal militaire sanctionne les relations sexuelles entre hommes au sein de l’armée, qu’ils soient ou non en service, d’une peine pouvant aller jusqu’à deux ans de prison au titre de la clause sur les « actes indécents ».
En Corée du Sud, tous les hommes doivent accomplir un service militaire obligatoire pendant au minimum 21 mois. Cette criminalisation crée donc un environnement où la discrimination est tolérée, voire encouragée, en se fondant sur ce que sont les personnes concernées. Bien qu’elle ne s’applique qu’au sein de l’armée, du fait qu’environ la moitié de la population remplit un service militaire obligatoire assez tôt dans la vie, elle a un impact social important. Pour de nombreux soldats, anciens et actuels, cela s’avère toxique.
Les violences et les viols
De nombreux soldats nous ont raconté que des violences sexuelles sont commises contre des homosexuels réels ou présumés au sein de l’armée. Ces sévices sont généralement décrits comme des sanctions pour les soldats qui « ne sont pas assez masculins », montrent des « signes » comme par exemple le fait de marcher d’une manière « efféminée », ont le teint plus clair ou parlent d’une voix aiguë.
« U », un ancien soldat qui a servi il y a une dizaine d’années, a raconté qu’il avait été conduit à tenter de se suicider à cause des violences qu’il a subies : « Une nuit, j’ai vu un soldat se faire abuser sexuellement. Lorsqu’il s’est mis en colère, son supérieur qui abusait de lui s’est mis à le frapper sauvagement et l’a forcé à boire dans la cuvette des toilettes. Quelques jours plus tard, le soldat victime de ces sévices a décidé de signaler les faits et m’a demandé de l’aider. »
Lorsque le gradé en a entendu parler, il a menacé « U » de le frapper si violemment qu’il ne s’en remettrait pas.
En 2017, les autorités militaires ont mené une enquête agressive afin d’identifier et de sanctionner les soldats soupçonnés d’avoir des relations sexuelles avec des hommes. En conséquence, plus de 20 soldats ont été inculpés d’avoir eu des relations homosexuelles.
Ces poursuites scandaleuses ne représentent qu’une petite partie des préjudices que la criminalisation inflige aux homosexuels réels ou présumés. Le Code militaire fait plus que légiférer contre des actes sexuels particuliers ; il institutionnalise la discrimination et risque d’inciter ou de justifier les violences contre les personnes LGBTI au sein de l’armée et dans l’ensemble de la société. »
Envoyé dans des centres de Santé mentale : l’histoire de Jeram
Plusieurs militaires homosexuels ont déclaré qu’ils ont été envoyés dans des centres militaires de santé mentale, les « camps verts » ou « camps de guérison »
Après avoir subi des agressions sexuelles répétées, l’état de santé physique et mental de Jeram s’est dégradé. On lui a proposé d’entrer dans un hôpital psychiatrique de l’armée ou de séjourner dans une cellule en ayant un accès limité au monde extérieur.
« L’hôpital souhaitait me diagnostiquer comme " inapte au service ", des membres du personnel me donnant même des instructions sur la manière de me comporter comme un incompétent mental, afin d’être renvoyé à la vie civile », se souvient Jeram.
J’ai refusé de me laisser coller cette étiquette. Je sentais que j’avais bien vécu ma vie avant l’armée et savais que je n’étais pas la source du problème. Toutes ces épreuves m’ont amené à faire une tentative de suicide, car j’avais perdu le goût de vivre.
Jeram a expliqué qu’un membre du panel examinant son dossier lui a dit : « Même si je t’abats ici, ce sera simplement couvert comme une mort suspecte et fin de l’histoire. La compensation que ta famille recevrait sera inférieure à celle allouée pour un chien militaire, fixée à 2 millions de Wons sud-coréens (environ 1 510 euros). »
Condition pour que Jeram puisse quitter l’armée, sa mère a été contrainte de signer un document dans lequel elle acceptait de ne pas poursuivre l’armée pour mauvais traitements.
Des lacunes institutionnelles
En criminalisant les relations sexuelles entre hommes au sein de l’armée, le gouvernement sud-coréen manque donc à son devoir de respecter tout un éventail de droits humains, notamment les droits à la vie privée, à la liberté d’expression, à l’égalité et à la non-discrimination.
La Cour constitutionnelle de Corée du Sud va une nouvelle fois se prononcer sur la constitutionnalité de la criminalisation d’actes sexuels entre personnes de même sexe par des membres de l’armée, après avoir statué à trois reprises depuis 2002 que tel est le cas.
La criminalisation des relations homosexuelles dans l’armée constitue une violation choquante des droits fondamentaux. Nul ne devrait subir des discriminations et des sévices en raison de qui il est ou de qui il aime.
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