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URGENCE PROCHE ORIENT

Exigez avec nous la protection sans condition des populations civiles

Une manifestation contre le président Robert Mugabe en 2016 © Stringer/Anadolu Agency/Getty Images
Justice internationale et impunité

Trois motifs d’optimisme pour les personnes qui défendent les droits humains à l’heure actuelle

Arrêtons-nous un moment sur trois événements majeurs ayant eu lieu la semaine dernière. Un billet d'Anna Neistat, Responsable des recherches à Amnesty International.

Le général Ratko Mladiæ, surnommé le « Boucher des Balkans », a enfin été déclaré coupable de génocide, de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre.

Le Bureau du procureur de la Cour pénale internationale a requis l’ouverture d’une enquête sur les crimes attribués à l’ensemble des protagonistes, y compris les forces américaines, en Afghanistan depuis 2013.

Et puis Robert Mugabe a démissionné de la présidence du Zimbabwe après 37 années au pouvoir marquées par des homicides, la torture et des disparitions forcées.

Pour celles et ceux d’entre nous qui travaillent dans le domaine des droits humains, l’importance de ces événements ne saurait être sous-estimée.

Une des questions que les victimes de violations, les journalistes et même certains décideurs me posent le plus souvent est la suivante : y a-t-il un intérêt à enquêter et recueillir des informations sur les violations des droits humains alors qu’elles semblent se poursuivre sans relâche dans le monde entier, et que les auteurs, en particulier ceux qui sont au pouvoir, bénéficient très largement de l’impunité ? « Y a-t-il un espoir ? », demandent-ils. Je réponds toujours « oui », et ces nouvelles informations qui font les gros titres nous rappellent pourquoi il ne faut jamais abandonner.

Il est facile de perdre espoir lorsque nous faisons état en détail d’horribles crimes de droit international commis en Syrie, au Yémen, au Soudan du Sud, au Darfour, au Myanmar, au Nigeria et dans de nombreux autres pays du monde. Il est également décourageant de présenter nos conclusions aux personnes ayant le pouvoir d’arrêter les violations et d’obliger les responsables présumés à rendre des comptes, mais de faire face au lieu de cela à des années de déni, de manipulations politiques, voire de manœuvres visant à soustraire les responsables à la justice.

Les corps s’entassent tandis que les responsables sourient aux caméras, présentent des versions alternatives des faits, se décrivent en sauveurs de leur nation et tissent des alliances, convaincus que leur statut et leurs puissants protecteurs leur vaudront l’impunité.

Ce fut le cas de Ratko Mladiæ, qui, selon l’un des survivants du massacre de Srebrenica, souriait et donnait du chocolat aux enfants en promettant que tout le monde s’en sortirait, tandis qu’il envoyait des milliers d’hommes et de garçons à la mort. Le général a par ailleurs admis avec fierté « tuer quelqu’un à chaque fois qu[’il allait] à Sarajevo » et affirmé ainsi « protéger [son] pays et [son] peuple ».

On trouve des parallèles avec le président Mugabe, qui était convaincu d’avoir été désigné par dieu et déclarait que tous ses actes visaient à rendre justice à son peuple - alors que sous sa présidence, des Zimbabwéens ont été tués, torturés, déplacés de force et soumis à des violences politiques ciblées.

C’était également vrai des différentes parties au conflit en Afghanistan, qui portent chacune une part de responsabilité considérable dans de nombreux crimes, notamment la torture et l’homicide de civils, tout en étant convaincues que leurs agissements ne tombaient pas sous le coup de la justice internationale.

Le chemin de la justice, de la vérité et des réparations a toujours été incroyablement long et escarpé. Dans le cas de Ratko Mladiæ, les victimes et familles de victimes attendent depuis plus de 20 ans sa déclaration de culpabilité, et des milliers d’affaires de disparitions forcées n’ont toujours pas été élucidées.

Nous verrons bien si, après la démission de Robert Mugabe, le nouveau gouvernement renoncera aux abus du passé et établira les responsabilités pour l’ensemble des violations commises. La Cour pénale internationale n’a pas encore pris de décision quant à la requête de la procureure concernant l’Afghanistan, et il est possible que des années s’écoulent avant que les auteurs de violations comparaissent et commencent à rendre des comptes.

Ces trois cas sont toutefois notables pour trois raisons.

Tout d’abord, ils servent de rappel et de mise en garde à certains dirigeants, commandants miliaires et hauts responsables actuels, en leur montrant que leur immunité apparente n’est peut-être pas absolue. Cela leur indique aussi qu’en dépit de leur sentiment actuel de force et d’invulnérabilité, et de leur conviction qu’ils sont en mesure de combattre des accusations d’infractions graves, le vent peut tourner. Comme Ratko Mladiæ, ils auront peut-être eux aussi à répondre de leurs actes un jour.

En avoir conscience peut avoir un puissant effet dissuasif. Cela ne mettra pas fin aux guerres et aux conflits, mais pourrait réduire un peu la probabilité d’une nouvelle attaque contre des civils, d’une exécution ou d’un bombardement contre un hôpital.

Ensuite, ils représentent le meilleur des encouragements pour celles et ceux d’entre nous qui enquêtent de façon méticuleuse sur les violations des droits fondamentaux et les dénoncent, et cela inclut les militants en faveur des droits humains et les journalistes. C’est une incitation à poursuivre notre travail - même si la possibilité d’obtenir justice peut paraître mince. Sans les témoignages des victimes, les photographies et les autres éléments de preuve que nous recueillons, parfois pendant des mois voire des années, il serait impossible d’intenter une action en justice contre les auteurs de violations et les amener à rendre des comptes.

Enfin, et c’est le plus important, chacun de ces événements, qu’il s’agisse d’une décision de justice, de la perspective d’une enquête internationale ou du départ d’un président aux politiques répressives, donne de l’espoir à des millions de personnes du monde entier qui subissent d’énormes injustices au quotidien.

Cet espoir alimente leur force, et leur permet de survivre et de garder leur foi en l’humanité dans des circonstances particulièrement pénibles.

Nous ne devons pas oublier qu’il est également de notre devoir de faire vivre cet espoir - en poursuivant sans relâche notre combat en faveur de la justice.

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