Six mois après la violente répression des manifestations de novembre dernier, nous publions des informations détaillées sur la mort de 304 hommes, femmes et enfants tués par les forces de sécurité iraniennes.
Nous avons établi que parmi les décès enregistrés, plus de 220 ont eu lieu au cours de deux journées seulement, les 16 et 17 novembre. Dans la vaste majorité des cas, des recherches approfondies ont permis de conclure que les forces de sécurité ont fait usage de la force de façon illégale. Nous avons appuyé notre analyse sur des vidéos et des photos, des certificats de décès et d’inhumation, des récits de témoins directs et de proches des victimes et d’informations collectées par des militants des droits humains et des journalistes. En plus de ces 304 morts, nous pensons que d’autres personnes ont été tuées.
Retour sur six mois d’enquête.
L’intention claire des forces de l’ordre : tuer
En Iran, les forces de sécurité ont fait des victimes dans 37 villes, dans huit provinces à travers le pays, ce qui témoigne du caractère généralisé de la répression. Les banlieues pauvres de Téhéran présentent le plus lourd bilan, avec au moins 163 décès enregistrés. Les provinces du Khuzestan et de Kermanchah, où vivent des minorités, ont également été très touchées – 57 et 30 morts respectivement. Au total, au moins 23 mineurs font partie des victimes.
D’après les informations recueillies, dans tous les cas sauf quatre, les victimes ont été abattues par les forces de sécurité iraniennes – gardiens de la révolution, paramilitaires bassidji et forces de police – qui ont tiré à balles réelles, souvent au niveau de la tête et du torse, ce qui indique qu’ils tiraient pour tuer. Quant aux quatre victimes restantes, deux auraient succombé à des blessures à la tête après avoir été rouées de coups par des membres des forces de sécurité, deux autres seraient mortes asphyxiées par les gaz lacrymogènes.
Des manifestants qui ne représentaient aucun danger
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Lors de la quasi-totalité des manifestations qui se sont déroulées entre le 15 et le 19 novembre, aucun élément ne prouve que les participants étaient en possession d’armes à feu ou représentaient une menace imminente pour la vie d’autrui qui aurait justifié le recours à la force meurtrière. Nous n’avons constaté que deux exceptions, le 18 novembre, dans la ville de Mahchahr, où des tirs ont été échangés entre manifestants et forces de sécurité.
Le fait qu’un si grand nombre de personnes ont été abattues alors qu’elles ne représentaient aucune menace témoigne du caractère impitoyable de la folie meurtrière qui s’est emparée des forces de sécurité.
Les familles des victimes réclament justice
Six mois plus tard, les familles endeuillées des victimes continuent de lutter pour obtenir vérité et justice, et sont en butte aux mesures de harcèlement et d’intimidation des autorités.
L’impunité générale dont jouissent les forces de sécurité permet l’usage répété de la force pour écraser la dissidence. En l’absence de toute perspective d’obligation de rendre des comptes au niveau national, nous demandons une nouvelle fois aux membres du Conseil des droits de l’homme de l’ONU de réagir. Ils doivent ordonner la tenue d’une enquête sur les homicides en vue d’identifier les pistes permettant de faire éclater la vérité, de rendre justice et d’accorder des réparations.
Mensonges d’État et dissimulation
Six mois après les faits, les autorités iraniennes n’ont toujours pas publié de bilan officiel. Elles expliquent qu’il est très long de classer les victimes par catégories selon leur degré d’implication dans les manifestations. En fonction de ce classement, elles détermineront si les victimes sont désignées comme « martyrs », ce qui permettrait aux familles de recevoir des indemnisations financières et d’autres réparations.
Les autorités iraniennes ont fait une série de fausses déclarations et diffusé des vidéos de propagande à la télévision d’État, affirmant que la plupart des victimes avaient été tuées par des « émeutiers » armés ou des « agents suspects » travaillant pour les « ennemis » de la République islamique d’Iran. Or, nous n’avons recensé que deux manifestations au cours desquelles des tirs ont été échangés entre des manifestants armés et les forces de sécurité. Même lors de ces heurts, d’après les témoignages de manifestants et les vidéos analysées, les forces de l’ordre n’ont pas limité l’usage de la force meurtrière aux seules personnes représentant une menace imminente pour la vie d’autrui, mais ont aussi ouvert le feu sur des manifestants non armés, faisant plus d’une dizaine de victimes.
Libérez les manifestants emprisonnés en Iran !
Les autorités iraniennes ont arrêté des milliers de manifestants, ainsi que des journalistes, des étudiants et des défenseurs des droits humains. Leur but ? Passer sous silence cette répression impitoyable et anéantir toute forme de dissidence.
Agissez maintenant pour demander la libération de milliers de manifestants détenus arbitrairement !