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URGENCE PROCHE ORIENT

Exigez avec nous la protection sans condition des populations civiles

©Said Khatib/AFP/Getty Images

©Said Khatib/AFP/Getty Images

Palestine (État de)

Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 155 pays analysés. Voici ce qu’il faut savoir sur les droits humains en Palestine en 2023.

Du 10 au 13 mai, des groupes armés palestiniens ont procédé à des centaines de tirs de roquettes aveugles sur Israël. Le 7 octobre, des combattants appartenant à la branche armée du Hamas et à d’autres groupes armés palestiniens ont pénétré dans le sud d’Israël et tué au moins 1 000 personnes, civiles pour la plupart, dont 36 enfants. Quelque 245 personnes ont été prises en otage ou faites prisonnières. Environ 12 000 roquettes ont été tirées à partir d’octobre en direction d’Israël, faisant 15 morts. Tout au long de l’année, les autorités palestiniennes de Cisjordanie et de la bande de Gaza ont réprimé les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion. Des actes de torture et d’autres mauvais traitements ont été signalés dans des centres de détention palestiniens. Des membres de groupes armés palestiniens ont exécuté sommairement plusieurs « collaborateurs » présumés. À Gaza, des condamnations à mort ont été prononcées et des exécutions ont eu lieu.

CONTEXTE

Cette année encore, les Palestiniens et Palestiniennes vivant dans les territoires palestiniens occupés et en Israël, ainsi que les réfugié·es palestiniens, ont subi les effets du système israélien d’apartheid.

Moins de 40 % de la Cisjordanie occupée était toujours administrée par le Fatah, un parti nationaliste palestinien, tandis que la bande de Gaza occupée et assiégée était gérée par le Hamas, un parti nationaliste islamiste ; aucune élection nationale n’a eu lieu depuis 2006. En juillet, les chefs des factions palestiniennes rivales se sont rencontrés en Égypte dans le cadre d’une « commission de réconciliation », sans résultat.

Le taux de pauvreté dans la population palestinienne a atteint 25 %, selon la Banque mondiale, et touchait en particulier Gaza, dont 73 % des habitant·es étaient déjà tributaires de l’aide humanitaire avant octobre. En janvier, Israël n’a pas procédé au transfert des impôts prélevés pour le compte des autorités palestiniennes. Le déficit de financement qui en a découlé n’a fait qu’aggraver la pauvreté. Les fonctionnaires ont reçu un salaire minoré et les entreprises se sont heurtées à des difficultés liées aux restrictions imposées par Israël. Le transfert des recettes fiscales aux autorités de Cisjordanie a repris partiellement en novembre.

L’économie et les infrastructures de la bande de Gaza se sont effondrées en octobre, sous l’effet des destructions engendrées par l’opération militaire israélienne, à laquelle s’est ajouté le durcissement du blocus illégal maintenu par Israël depuis 16 ans. Au bout du premier mois de conflit, le Programme des Nations unies pour le développement a estimé que 96 % de la population de Gaza avait besoin d’une aide de base pour survivre. Le conflit a aussi nui à l’économie en Cisjordanie. Les forces israéliennes avaient tué 21 600 Palestiniens et Palestiniennes à Gaza à la fin décembre, selon le ministère de la Santé de Gaza (voir Israël et territoires palestiniens occupés), et 493 en Cisjordanie, ce qui faisait de 2023 l’année la plus meurtrière depuis au moins 1967.

En octobre et en novembre, le Qatar et d’autres intermédiaires ont négocié la libération de 109 otages par le Hamas et de 240 Palestinien·ne·s détenus par Israël.

VIOLATIONS DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE

EXACTIONS PERPÉTRÉES PAR DES GROUPES ARMÉS BASÉS À GAZA

En mai, les Brigades Al Qods, branche armée du Djihad islamique palestinien, et des groupes armés de taille plus restreinte ont tiré sans discernement des centaines de roquettes sur des villes israéliennes, tuant deux civil·e·s en Israël et trois civil·e·s palestiniens à Gaza, dont deux enfants. Les forces israéliennes avaient tué des combattants palestiniens ainsi que 10 civil·e·s à Gaza le 9 mai (voir Israël et territoires palestiniens occupés).

Le 7 octobre, des combattants du Hamas et des membres d’autres groupes armés palestiniens, ainsi que des particuliers armés, ont pénétré dans le sud d’Israël et attaqué des zones militaires et civiles. Des combattants ont été filmés en train de tirer délibérément sur des civil·e·s et d’en prendre certain·e·s en otage. D’après les chiffres officiels des autorités israéliennes, au moins 1 000 personnes, majoritairement civiles, ont été tuées. L’un des sites attaqués était celui du festival de musique Nova organisé à Réïm, dans le sud-ouest d’Israël, où 364 personnes ont trouvé la mort, selon la police israélienne. Parmi les personnes tuées figuraient des Palestinien·ne·s de Gaza et des migrant·e·s d’Asie du Sud-Est qui travaillaient en Israël.

PRISES D’OTAGES

Le 7 octobre, quelque 245 personnes, dont des enfants et des personnes âgées, ont été prises en otage ou faites prisonnières par des groupes armés palestiniens. La prise d’otages était un crime de guerre au regard du droit international. Des combattants palestiniens ont enlevé Aviv Asher, une fillette de deux ans, et sa sœur de quatre ans, Raz, au kibboutz de Nir Oz le 7 octobre et les ont gardées en otage jusqu’au 24 novembre. Le Hamas a relâché quatre otages les 20 et 23 octobre, en coordination avec le CICR. Entre le 24 et le 30 novembre, il a libéré 105 otages supplémentaires, dont certain·e·s ont dit avoir subi des mauvais traitements. Le CICR n’a pas été autorisé à entrer en contact avec les personnes détenues.

AUTRES ATTAQUES ILLÉGALES

Les quelque 12 000 roquettes tirées sans discernement pendant 12 semaines à partir d’octobre ont tué 15 personnes en Israël, selon les autorités israéliennes, et endommagé des bâtiments en Israël et en Palestine. Une roquette lancée depuis Gaza le 7 octobre a tué cinq enfants âgés de 11 à 14 ans dans le village bédouin de Kuhleh, dans le Néguev/Naqab (sud d’Israël). Environ 120 000 Israélien·ne·s qui vivaient dans le sud d’Israël ont été déplacés du fait des attaques de groupes armés palestiniens.

LIBERTÉ D’EXPRESSION ET DE RÉUNION

Selon le Centre palestinien pour le développement et la liberté des médias (MADA), les attaques contre des journalistes se sont multipliées, en particulier lorsque ceux-ci couvraient des événements hostiles aux autorités. En général, la police palestinienne dispersait rapidement les manifestations indépendantes, en ayant recours à une force excessive.

CISJORDANIE

Les forces de sécurité palestiniennes harcelaient régulièrement les organisateurs et organisatrices de manifestations ainsi que des dissident·e·s en les menaçant par téléphone ou en personne. Le 18 juin, les Forces de sécurité préventive palestiniennes ont roué de coups Abdel Majid Hassan, responsable du conseil des étudiant·e·s de l’université de Beir Zeit. Elles l’ont ensuite maintenu en détention à Ramallah pendant un mois, ainsi qu’un autre étudiant, Yahya Farah. Selon leurs familles, ces deux jeunes hommes ont subi des actes de torture.

En octobre, la police palestinienne a eu recours à la force pour disperser des manifestations de solidarité avec la population de Gaza, semble-t-il en coordination avec des militaires israéliens. Le 17 octobre, après une frappe ayant touché l’hôpital Al Ahli, situé dans la ville de Gaza, des manifestant·e·s se sont rassemblés à Ramallah, le centre administratif de la Cisjordanie, pour protester contre l’inaction du président palestinien, Mahmoud Abbas. Ils ont été dispersés au moyen de grenades incapacitantes et de gaz lacrymogène.

BANDE DE GAZA

Le 30 juillet et le 4 août, dans la ville de Gaza et à Khan Younès, des milliers de manifestant·e·s ont demandé au gouvernement du Hamas d’assurer un approvisionnement fiable en combustibles et en électricité et de ne plus réquisitionner les prestations sociales destinées aux familles vivant dans la pauvreté. Les manifestant·e·s ont été dispersés violemment et plusieurs dizaines d’entre eux ont été arrêtés. Des agents en civil ont agressé un journaliste qui couvrait la manifestation du 30 juillet dans la ville de Gaza, selon le MADA. À Khan Younès, d’après des journalistes se trouvant sur place, la police a détruit les téléphones de plusieurs manifestant·e·s qui avaient filmé les événements.

LIBERTÉ D’ASSOCIATION

CISJORDANIE

Plusieurs personnes ayant les faveurs du régime ont été nommées par décret présidentiel à des postes dans différentes institutions gouvernementales et judiciaires de Cisjordanie, ce qui sapait l’indépendance de la magistrature.

Le 5 juin, des agents ont interrogé les responsables d’AMAN, une coalition d’organisations de la société civile œuvrant pour que les autorités aient à répondre de leurs actes. Il leur était reproché d’avoir écrit des diffamations à l’encontre de hauts fonctionnaires dans le rapport annuel de la coalition, paru le 17 mai.

BANDE DE GAZA

En janvier, des policiers palestiniens ont interrompu des ateliers organisés dans la ville de Gaza par un groupe de femmes à l’intention de journalistes et d’étudiant·e·s. La police a interrogé des membres du personnel au sujet de la violation des règles de ségrégation entre les genres et les a forcés à signer des « engagements » de moralité, d’après les témoignages recueillis par la commission d’enquête des Nations unies.

DÉTENTION ARBITRAIRE

Selon la Commission indépendante des droits humains (ICHR), organisme faisant office d’institution nationale de protection des droits fondamentaux en Palestine, 235 Palestiniens étaient détenus arbitrairement en Cisjordanie et 61 autres à Gaza, où aucune donnée n’était disponible depuis octobre.

En Cisjordanie, l’organisation palestinienne de services juridiques Lawyers for Justice a indiqué que, en juin et en juillet, au moins 20 journalistes, militants politiques et avocats avaient été arrêtés arbitrairement pour outrage aux autorités palestiniennes, incitation au conflit ethnique et diffamation à l’égard du président.

La procédure judiciaire relative à la mort en détention du dissident Nizar Banat, survenue en Cisjordanie en 2021, était toujours à l’arrêt à cause de retards administratifs et de manœuvres d’intimidation contre des témoins.

TORTURE ET AUTRES MAUVAIS TRAITEMENTS

L’ICHR a reçu des plaintes pour des actes de torture et d’autres formes de mauvais traitements commis dans des centres de détention palestiniens : 94 concernant la Cisjordanie et 86 relatives à Gaza.

À Hébron, en Cisjordanie, les forces palestiniennes ont arrêté arbitrairement 22 Palestiniens le 23 mai et les ont torturés, d’après des informations communiquées par Lawyers for Justice. Cinq de ces hommes ont dû être hospitalisés à la suite de ces violences, selon leurs familles.

HOMICIDES ILLÉGAUX

Le 8 avril, dans la ville de Naplouse (nord de la Cisjordanie), des membres d’un groupe armé palestinien ont tué un homme qu’ils soupçonnaient de travailler pour les services de surveillance israéliens. C’était la première fois depuis près de 20 ans qu’un « collaborateur » présumé était ainsi assassiné. Le 24 novembre, dans le camp de personnes réfugiées de Tulkarem, à l’ouest de Naplouse, des membres d’un groupe armé ont tué en public deux Palestiniens qu’ils accusaient d’être des « collaborateurs ». La police palestinienne n’a procédé à aucune arrestation dans ces affaires.

À Gaza, le 21 novembre, des hommes armés appartenant au Hamas ont rassemblé une douzaine d’hommes à qui ils reprochaient de travailler pour les forces israéliennes et les ont exécutés sommairement.

PEINE DE MORT

Les autorités palestiniennes de Gaza ont prononcé de nouvelles condamnations à mort, selon le Centre de défense des droits humains Al Mezan. Des hommes condamnés à mort pour « collaboration avec l’ennemi » ont été exécutés le 7 octobre.

DROITS DES FEMMES ET DES FILLES

Les femmes n’avaient toujours pas les mêmes droits que les hommes au regard de la législation relative au statut personnel, qui s’appuyait encore sur le droit religieux. Selon le Bureau central palestinien des statistiques, 59 % des femmes et des jeunes filles mariées subissaient des violences de la part de leur conjoint ; le Centre d’aide juridique et d’accompagnement des femmes s’attendait à ce que le chiffre pour l’année 2023 soit plus élevé en raison du conflit et du dénuement. Moins de 2 % des victimes ont porté plainte auprès de la police et seules 40 % de ces affaires ont donné lieu à une enquête, selon l’Initiative palestinienne pour la promotion du dialogue mondial et de la démocratie.

Wissam et Fatimah al Tawil, deux sœurs, ont été arrêtées sans explication le 5 janvier dans le foyer d’accueil où elles s’étaient réfugiées pour échapper aux violences de leur père. Les services de sécurité du Hamas les ont remises à leur oncle paternel, qui les a ramenées chez leur père à Rafah, dans le sud de Gaza. Aucun contact n’a ensuite pu être établi avec elles car leur père les a séquestrées.

Le 25 septembre, la police palestinienne, en collaboration avec des organismes des Nations unies, a ouvert un bureau chargé de mener des enquêtes et d’engager des poursuites dans les affaires de violence domestique à Hébron, après l’ouverture d’un bureau similaire à Naplouse.

DROITS DES LESBIENNES, DES GAYS ET DES PERSONNES BISEXUELLES, TRANSGENRES OU INTERSEXES

Les rapports consentis entre personnes de même sexe étaient toujours interdits à Gaza, en vertu d’une ordonnance émise en 1936 sous mandat britannique.

En septembre, les autorités du Hamas ont condamné la publication d’un document par l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) qui, selon elles, faisait l’apologie « de la déviance et de la décadence morale ». Le document contenait des directives à l’intention du personnel de l’UNRWA pour que les personnes LGBTI soient traitées sur un pied d’égalité avec les autres personnes, quel que soit leur genre.

DROIT À UN ENVIRONNEMENT SAIN

Les autorités palestiniennes de Cisjordanie n’ont pas atteint leur objectif visant à recycler 30 % des déchets solides domestiques, dont ce territoire produisait non moins d’un kilo par personne et par jour, selon le Bureau central palestinien des statistiques. Moins de 10 % du plastique était recyclé et un tiers des déchets solides, déversés dans des décharges illégales, polluaient l’environnement, selon la fondation politique Heinrich Böll, affiliée au parti écologiste allemand.

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