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Ouganda. Détention d’une universitaire féministe ayant critiqué le président
Il faut que l’enseignante d’université ougandaise qui a critiqué le président et son épouse sur Facebook soit libérée immédiatement et sans condition, a déclaré Amnesty International lundi 10 avril 2017, après que cette femme a été inculpée d’outrage au président et de violation de son droit à la vie privée en vertu de la Loi de 2011 relative à l’utilisation abusive de l’informatique. Les poursuites engagées à son encontre bafouent les obligations qui incombent à l’Ouganda en matière de droit à la liberté d’expression aux termes de la Constitution, ainsi que du droit régional et international relatif aux droits humains.
Stella Nyanzi, mère célibataire de trois enfants, a critiqué à plusieurs reprises le président Yoweri Museveni et son épouse Janet, ministre de l’Éducation et des Sports, parce que l’État ne fournit pas de serviettes hygiéniques à toutes les filles scolarisées alors qu’il s’y est engagé. Cette universitaire féministe a été arrêtée le 7 avril. Elle a plaidé non coupable le 10 et a été placée en détention provisoire le 25.
« En Ouganda, de nombreuses filles abandonnent l’école faute de protections périodiques ; c’est même l’une des principales causes de défection. Stella Nyanzi mène une campagne afin que les filles puissent se rendre à l’école en toute dignité pendant leurs règles et, plutôt que de l’en féliciter, les autorités la harcèlent, tentent de l’intimider et viennent de l’arrêter, a déclaré Muthoni Wanyeki, directrice du programme Afrique de l’Est, Corne de l’Afrique et Grands Lacs à Amnesty International.
« L’arrestation de Stella Nyanzi à la suite des critiques qu’elle a formulées à l’égard du président et de son épouse n’a pas d’objectif légitime. L’État devrait cesser de gaspiller ses ressources en engageant des poursuites inutiles et sous-tendues par des considérations politiques, abandonner immédiatement toutes les charges retenues contre cette femme et la libérer sans condition.
« Il faut aussi que les autorités abrogent sans délai la Loi relative à l’utilisation abusive de l’informatique et qu’elles respectent, protègent, promeuvent et concrétisent le droit à la liberté d’expression pour tous les Ougandais. »
Les charges pesant sur Stella Nyanzi sont liées à des déclarations qu’elle a publiées sur des réseaux sociaux, notamment une dans laquelle elle qualifiait le président Museveni de « paire de fesses », entre autres critiques.
Les représentants de l’État devraient tolérer les critiques davantage que les autres personnes. Toute loi ayant pour objectif ou effet de sanctionner les outrages au chef ou aux autres représentants de l’État est disproportionnée et superflue, outre le fait qu’elle entrave le plein exercice de la liberté d’expression.
Complément d’information
Stella Nyanzi a été arrêtée moins de deux mois après avoir commencé à critiquer Mme Museveni, en sa qualité de ministre de l’Éducation et des Sports, parce que l’État ne fournit pas de serviettes hygiéniques à toutes les filles scolarisées. Il s’agit pourtant de l’une des promesses formulées par le président Museveni il y a deux ans, lorsqu’il faisait campagne pour être réélu après trois décennies au pouvoir. Le 14 février, Mme Museveni a informé le Parlement que l’État n’avait pas les moyens d’acheter des protections périodiques.
Stella Nyanzi a organisé une collecte publique de fonds en vue d’en fournir aux filles scolarisées ; son action a permis de récolter des milliers de dollars et de faire connaître largement le problème auprès des Ougandais, aussi bien sur place qu’à l’étranger.
Le 6 mars, la police a interrogé Stella Nyanzi au sujet de ses critiques à l’égard du président Museveni et de son épouse et, une semaine plus tard, l’a empêchée d’embarquer sur un vol à destination des Pays-Bas, où elle devait participer à un colloque universitaire. Dans une interview rare, diffusée à la télévision le 30 mars, Mme Museveni a déclaré qu’elle avait pardonné à Stella Nyanzi, ce qui n’a pas empêché l’arrestation de celle-ci quelques jours plus tard.
Le 8 avril, une éminente journaliste a été enlevée et interrogée par des inconnus pendant plusieurs heures, peu après avoir été menacée parce qu’elle avait témoigné son soutien à Stella Nyanzi sur des réseaux sociaux. Gertrude Tumusiime Uwitware a indiqué qu’elle avait été enlevée et conduite, les yeux bandés, dans un lieu tenu secret, où elle avait été interrogée pendant des heures. La police a condamné son enlèvement et affirmé avoir ouvert une enquête.
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