Ada* est Nigériane, réfugiée en Italie, elle essaye de reconstruire sa vie après avoir subi des viols au Nigéria puis en Libye. Voici son témoignage.
> A l’occasion de la journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, nous publions les témoignages de femmes réfugiées. Retrouvez les témoignages de Diana, de Maryam et de Patricia.
Au Nigeria, je ne suis pas allée à l'école. J'ai perdu mes parents quand j'avais 10 ans et mon oncle ma emmenée à Port Harcourt. Il couchait tout le temps avec moi. Je suis tombée quatre fois enceinte et j'ai avorté quatre fois.
Mon oncle ne voulait pas que je sorte, je devais rester dans l'enceinte du logement. Il avait un fusil et me menaçait de me tuer si je racontais ce qui se passait. À chaque fois qu'il couchait avec moi, il me donnait de l'argent.
La dernière fois qu'il a couché avec moi, j'en ai parlé à une femme que je connaissais et elle m'a conseillé de m'enfuir.
Je lui ai donné l'argent que j'avais pour qu'elle m'aide à partir et elle m'a fourni un téléphone portable et une carte SIM. Elle a organisé mon voyage vers la Libye avec un groupe d'autres personnes en avril 2015.
Nous sommes arrivés en Libye en mai. Des hommes nous ont enlevés et nous ont enfermés dans une grande maison à Sabah. Ils nous ont demandé de l'argent. Je leur ai dit que je n'en avais pas.
Signer la pétition : pour les réfugiés, la France doit faire le choix de l'accueil !
Chaque nuit, ils couchaient avec toutes les femmes. Ils nous emmenaient dans une pièce à part. Ils ont enlevé d'autres personnes, et une des filles qui venaient d'arriver m'a demandé pourquoi je pleurais tout le temps. Je lui ai expliqué que je ne pouvais pas partir et que j'étais là depuis sept mois. Elle a trouvé quelqu'un qui a payé pour moi et elle m'a conseillé de venir avec elle en Italie.
Nous avons été transférés en voiture à un autre endroit, puis nous avons marché pendant plusieurs heures dans la nuit avant d'atteindre la plage. Quand j'ai vu la mer et le bateau, j'ai eu peur. C'était un bateau gonflable et ils nous poussaient en criant « Montez, montez ! ». Nous étions plus d'une centaine dans ce bateau, c'était très inconfortable.
Je suis arrivée en Italie deux jours plus tard. Je ne sais même pas comment nous avons pu arriver jusque-là. Quand les Italiens nous ont secourus, j'ai pleuré. Nous avons tous survécu.
Quand nous sommes arrivés au port de Crotone, j'ai été effrayée par le nombre de policiers. De là, nous avons été emmenés en bus vers un centre d'accueil, où je suis restée quatre jours. Des soldats vérifiaient que personne ne s'était échappé.
Puis nous sommes repartis en bus pour le centre d'aide de Bari. Dans chacun des deux centres, j'ai dû donner mon nom, mon prénom et ma nationalité, mais j'avais l'esprit embrouillé. Je ne me souvenais même pas du nom de mes parents.
J'ai raconté mon histoire et j'ai donné mes empreintes digitales. Maintenant, j'espère obtenir d'une protection. J'apprécie ma vie actuelle, sans personne pour m'embêter, mais je pense [souvent] à mes parents. Je veux rester en Italie, je veux apprendre l'italien, j'aime beaucoup les Italiens.
Ada*, réfugiée nigériane
La Libye : un véritable enfer pour les réfugiées
Des centaines de milliers de personnes réfugiées ou migrantes rejoignent la Libye pour fuir la guerre, les persécutions ou l’extrême pauvreté, souvent dans l’espoir de s’installer en Europe.
Dans un contexte où le non-droit et la violence continuent de régner en Libye, une industrie lucrative du trafic d’êtres humains s’est installée le long des routes migratoires vers l’Europe.
Les réfugiées et migrantes sont agressées sexuellement par les passeurs eux-mêmes, par des trafiquants ou par des membres de groupes armés, ou même dans les centres de détention pour migrants gérés par le ministère de l'Intérieur. Ces agressions sont tellement répandues que des réfugiées et migrantes prennent des contraceptifs pour éviter de tomber enceinte pendant leur passage en Libye.
L’avènement ces dernières années de puissants groupes armés, dont certains ont prêté allégeance au groupe armé État islamique (EI), fait peser un risque accru d’atteintes aux droits humains et de possibles crimes de guerre sur les étrangers, en particulier sur les chrétiens.
Les réfugiées et les migrantes non musulmanes enlevées par l'EI subissent des pressions très fortes pour se convertir et sont encore davantage exposées au risque de violence, de viol et d'esclavage sexuel.
Pourtant des solutions existent. Les Etats, notamment les Etats Européens, ont la capacité d’offrir des voies légales et sûres directement depuis les premiers pays d’accueil pour permettre aux réfugiés de voyager en sécurité en avion.