Un équipage de sauveteurs risque 20 ans de prison alors qu'ils ont sauvé 14 000 vies, le bateau Ocean Viking de SOS Méditerranée est retenu à quai… Le harcèlement des ONG se poursuit en Méditerranée. A l’heure actuelle, plus aucun bateau de sauvetage n’opère en mer : cela met en danger la vie de milliers de personnes.
Trois ans après la mise sous séquestre du navire de sauvetage Iuventa, l’épée de Damoclès pèse toujours au-dessus des dix têtes de l’équipage. Bien qu’elles aient sauvé plus de 14 000 vies, ces personnes sont accusées d’avoir « facilité l’entrée irrégulière » de migrants en Italie. Des faits passibles d’une peine de 20 ans de prison.
Une situation représentative de la criminalisation des sauvetages en Méditerranée centrale, mais aussi de la politique plus large de répression des actions de solidarité à travers l’Europe dans laquelle elle s’inscrit.
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Le cas Iuventa
L’équipage du Iuventa est accusée de complicité avec des passeurs. À l’occasion de trois opérations de sauvetage entre 2016 et 2017, les procureurs de l’affaire les accusent d’avoir récupéré des réfugiés et des migrants en mer avec l’aide des passeurs et de leur avoir rendu les bateaux vides afin qu’ils les réutilisent. Des accusations graves que l'ensemble de l’équipage du Iuventa nie fermement.
Une récente reconstitution par ordinateur effectuée par Forensic Oceanography sur ces trois sauvetages abonde d’ailleurs en ce sens. Leur travail avait pour objectif d’évaluer les allégations des autorités italiennes. Les résultats sont clairs : « Rien ne permet de dire que l’équipage du Iuventa a conspiré avec des passeurs », a déclaré Lorenzo Pezzani, chercheur à Forensic Oceanography, à l’université Goldsmiths de Londres. Au contraire, l'étude démontre que les 10 du Iuventa sauvaient des vies.
Nous ne pouvions plus regarder sans rien faire tandis que des gens sombraient dans la Méditerranée, devenue une véritable fosse commune. Nous avons décidé d’user de notre privilège pour observer, rendre compte, et offrir un refuge à des milliers de personnes en mouvement.
Sauver des vies humaines dès que cela est possible, offrir une protection à ceux qui en ont besoin, traiter tout le monde avec dignité et nous battre aux côtés de ces personnes pour le monde dans lequel nous souhaitons vivre était, est encore et restera notre devoir à tous.
L’un des membres des 10 du Iuventa.
Plus aucun bateau de sauvetage en mer
Le cas du Iuventa n’est malheureusement pas un cas isolé. Depuis le 22 juillet, le bateau de sauvetage de SOS Méditerranée, l’Ocean Viking, est détenu par les garde-côtes italiens. Pour justifier sa mise à quai, les garde-côtes évoquent des "irrégularités techniques". Des motifs déjà utilisés précédemment pour saisir d'autres navires de sauvetage, comme le Sea Watch 3, l’Alan Kurdi ou l’Aita mari.
La criminalisation des sauvetages en mer a atteint de telles proportions qu’aujourd’hui, plus aucun bateau n’opère au large de la Libye pour secourir les migrants. Une catastrophe pour des milliers de personnes qui risquent leur vie en traversant seule et sans secours la Méditerranée.
Des personnes vont devoir payer de leur vie
La réduction des ressources en matière de sauvetage a déjà conduit à une hausse du taux de mortalité en 2018 et 2019.
Par ailleurs, depuis 2016, plus de 50 000 hommes, femmes et enfants ont été interceptés en mer par les garde-côtes libyens, et renvoyés en Libye, où ils risquent d’être victimes d’arrestations arbitraires, d’actes de torture, d’extorsion et de viol. Un demandeur d'asile secouru par le Iuventa a déclaré avoir vu des personnes se faire violer, torturer et tuer en Libye.
Les gens étaient heureux et se sont mis à chanter, en remerciant dieu. Voilà dans quelles circonstances nous avons rencontré le Iuventa.
Si quelqu’un m’avait dit que j’allais être renvoyé en Libye, j’aurais préféré mourir en mer.
Un demandeur d’asile secouru par le Iuventa
Retenir les bateaux de sauvetage les empêche de sauver des vies en mer. Le travail essentiel des défenseurs de droits humains doit être protégé au lieu d’être entravé.
PROTÉGEONS LES DÉFENSEURS DES DROITS DES MIGRANTS
Les personnes et organisations en France, qui défendent les droits des personnes exilées (migrants, réfugiés) font l’objet de pressions de plus en plus importantes en raison de leurs actions pacifiques et désintéressées.