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Vue d'une rue à Hebron, un territoire palestinien occupé © Amnesty International / Credit : Richard Burton
Responsabilité des entreprises

Colonies israéliennes : le rôle de la France

Les colonies israéliennes grignotent de plus en plus de terres dans les Territoires palestiniens occupés depuis la guerre de 1967. La communauté internationale, singulièrement l’Union européenne, ne cesse de dénoncer cette colonisation, illégale au regard du droit international.

Des entreprises européennes et françaises participent à cette entreprise de colonisation, pourtant condamnée. Cette participation prend trois formes.

Soutien économique direct et indirect

Des entreprises européennes et françaises participent à cette entreprise de colonisation, pourtant condamnée. Cette participation prend trois formes.

La première, invisible sur le terrain, consiste pour les sociétés françaises concernées à avoir des liens économiques et financiers avec des entreprises israéliennes, elles-mêmes mises en cause pour leurs activités liées à la colonisation.

En février 2017, l’ONG israélienne Who Profits, spécialisée dans la recherche des bénéfices économiques de la colonisation, publie un rapport mettant en cause les grandes banques israéliennes.

Quelques semaines plus tard, un rapport français de l’ONG CCFD révèle que quatre banques françaises et une entreprise d’assurance (BNP Paribas, Crédit agricole, Société générale, BPCE, AXA) ont des participations dans ces banques israéliennes. Elles ont donc un lien avec l’entreprise de colonisation.

Aussi indirect qu’il puisse paraître, ce lien n’en n’est pas moins réel et fondamental. Selon un diplomate qui a tenu à rester anonyme, « toute relation économique avec une entité israélienne quelle qu’elle soit pourrait être mise en cause dans ce cadre de fourniture de services aux colonies. Ça toucherait alors toute la relation économique entre la France et Israël. »

Le deuxième type de participation est direct et concerne exclusivement le tramway de Jérusalem. Ce tramway présente une ligne en service avec un projet d’extension et deux lignes en projet.

Il relie des blocs colonies de Jérusalem-Est (occupée) à la partie ouest de la ville (israélienne). De ce fait, il est considéré comme illégal au regard du droit international.

Dans ce cas, les entreprises françaises qui y participent se font les acteurs directs d’une entreprise de colonisation.

Veolia s’est retiré suite à une campagne internationale. Alstom est toujours présente, ainsi qu’Egis Rail. Systra, filiale de la SNCF, a annoncé son retrait le 20 juin 2018 après la publication d’un rapport mettant en évidence le rôle des trois entreprises françaises dans la conception, la réalisation et le fonctionnement du tramway.

La troisième forme de participation à l’économie des colonies concerne les biens produits dans les colonies et exportés vers la France ou d’autres pays de l’UE.

Le consommateur les trouve sur ses marchés, dans ses supermarchés, chez son caviste, dans son centre de beauté ou sur le site Internet de sociétés dont le siège social est en France.

Il s’agit principalement de produits alimentaires (fruits, légumes, herbes aromatiques, vins) et cosmétiques. Ces produits doivent, conformément à plusieurs directives et recommandations internationales, européennes et françaises, porter la mention de leur provenance exacte, c’est-à-dire qu’il doit être clairement indiqué qu’ils proviennent de colonies israéliennes de Cisjordanie, Jérusalem-Est ou Golan syrien occupés.

Lire aussi : Le business des colonies israéliennes

Un étiquetage qui pose question ?

C’est l’exportateur qui étiquette ses produits, et une société agréée, dans le pays d’origine, délivre une déclaration d’origine.

Mais, et la Commission européenne l’a précisé en 2015, il incombe au pays importateur d’appliquer la législation européenne sur l’étiquetage des produits des colonies.

La France s’en donne-t-elle les moyens ?

Le contrôle relève, au sein du ministère de l’Économie, de la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes). Les autorités compétentes peuvent obtenir l’information sur l’origine par les documents douaniers, les facteurs, documents de transport, et par les codes postaux des lieux de production.

Une liste des codes postaux des localités situées dans les Territoires occupés (Cisjordanie, Jérusalem-Est, Golan syrien) est publiée par l’Union européenne Sur le papier, tout est donc fait pour que soient dûment signalés les produits issus des colonies.

David Elhaiini, président du Conseil régional de la vallée du Jourdain, représentant les colons et lui-même agriculteur, nous déclare que l’étiquette elle seule est « un appel au boycott ».

Du coup, les colonies de la Vallée du Jourdain ont fait une croix sur le marché européen : « Les exportations vers l’Europe ne représentent plus que 5 à 10 % de notre production globale aujourd’hui, contre 80 % il y a dix ans, affirme David Elhaiini. Nous serions fiers de les étiqueter ‘"production de la vallée du Jourdain", comme BMW est fier d’apposer sa marque sur ses voitures, mais les risques de boycott sont trop grands. »

Toujours selon lui, les produits sont donc exportés vers la Russie et l’Europe de l’Est, ce qui entraîne un manque à gagner financier.

Le discours de David Elhaiini est en partie au moins contredit par une enquête de terrain. Nous avons constaté que des entreprises situées dans des colonies de la vallée du Jourdain apposent une étiquette « made in Israel » ou « produce of Israel » sur des dattes et des herbes aromatiques destinés au marché français.

Ainsi, l’usine de conditionnement Tamar Dvash, installée depuis trois ans dans la colonie de Naama, trie et conditionne les dattes d’une vingtaine d’agriculteurs, dont un seul Palestinien.

Comprendre : pourquoi les colonies israéliennes sont illégales

En 2015, première année de son activité, 400 tonnes sont passées sur ses chaînes de conditionnement. Elles étaient 1 200 tonnes en 2016 et le chiffre est monté à 1 600 tonnes en 2017.

Les cartons sont étiquetés en fonction de la demande du client : « Pour certaines commandes, on ne remplit pas la case concernant l’origine du pays », nous dit l’employée responsable du conditionnement.

Quand cette origine est mentionnée, elle l’est par le « produit en Israël ». Ces dattes sont exportées vers l’Union européenne, notamment la France et l’Espagne, par l’entreprise coopérative Galilee Export qui possède une filiale en France. « Produce of Israel » aussi sur les cartons des herbes aromatiques exportées par la coopérative The Growers située dans la même colonie de Naama.

Les bureaux exigus et la petite unité de conditionnement occupent une partie seulement d’un bâtiment bas et délabré sur les murs extérieurs desquels on peut voir les enseignes défraîchies de Carmel et d’Agrexco. Cette dernière a fait faillite deux fois, en 2011 puis en 2016. Sept producteurs d’herbes aromatiques ont alors décidé de se regrouper et de vendre directement leur production, soit 3 000 tonnes par an. 30 % de celle-ci part sur le marché israélien, 70 % à l’export, dont l’immense majorité vers l’Union européenne.

Les cartons de basilic, romarin et autres menthes partent chaque jour vers Amsterdam et trois fois par semaine vers Rungis. Tous sont étiquetés « Produce of Israel ».

Certaines sociétés tentent de « maquiller » leur localisation en ayant leur siège social dans les limites internationalement reconnues d’Israël et leurs moyens de production dans un des Territoires occupés.

C’est le cas des Laboratoires de la Mer Morte, qui fabriquent et commercialisent la marque Ahava. Ils ont promis de déménager leur usine, leur centre de recherches et leur centre visiteurs situés à Mitzpe Shalem, en Cisjordanie, mais ils sont toujours au même endroit.

D’autres, en revanche, ont fini par déménager, comme le producteur de boissons Soda Stream.

Mais ces derniers exemples sont rares et l’étiquetage tel qu’il est appliqué aujourd’hui paraît une arme bien peu efficace pour faire respecter le droit international.

Agir

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