Vingt ans après la création de Guantánamo Bay, on fait le point sur le tristement célèbre centre de détention. Depuis deux décennies, ce camp est devenu le symbole des violations des droits humains perpétrées par les États-Unis au nom de la « guerre contre le terrorisme ». Voici ce que vous devez savoir sur cet enfer.
Tout cela a eu lieu au nom de la démocratie. Au nom de la sécurité. Au nom du peuple américain.
Mohamedou Ould Slahi
Un ancien détenu de Guantánamo
1 – Guantánamo Bay se trouve à Cuba
Créée en réponse aux attentats du 11 septembre 2001, l’administration Bush a choisi de construire la base militaire en dehors du sol des États-Unis afin d’échapper à la justice car, là-bas, la législation américaine ne s’applique pas.
Ils me disent [les Américains] : "Ici t’es qu’un numéro, t’as pas de droits, pas de loi, on fait ce qu’on veut."
Témoignage de Mourad Benchellali, un ancien détenu français
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2 – 780 hommes et garçons sont passés par le centre de détention
Après la création du centre, un statut spécial pour les détenus a été créé : celui de « combattant ennemi ». Il permet de les maintenir en détention, pour une durée indéterminée, sans qu’aucune charge ne soit retenue contre eux.
Plus des deux tiers des 39 détenus restants sont détenus sans inculpation, certains depuis près de 20 ans.
Je suis certainement la preuve vivante que les soupçons d’un gouvernement ne peuvent jamais servir de motif pour saper l’état de droit, pour lequel plusieurs générations se sont battues aux États-Unis. J’en suis la preuve car les soupçons du gouvernement selon lesquels j’étais un criminel étaient totalement infondés. Je n’ai jamais été inculpé, et encore moins reconnu coupable, de la moindre infraction.
Témoignage de Mohamedou Slahi, un ancien détenu
Lire aussi : Le témoignage de Mohamedou Slahi, un ancien détenu
3 – Tous les prisonniers ont été torturés
Très rapidement après sa création, le camp de détention militaire américain s’est érigé en zone de non-droit. Tous les détenus ont subi des mauvais traitements ou de la torture. Parmi les « techniques d’interrogatoires renforcées » nous pouvons citer ; la privation de sommeil, la simulation de noyade, l’exposition à des températures extrêmes ou encore des humiliations sexuelles.
Sans étonnement, les suicides, les morts et les grèves de la faim se sont donc multipliés.
« Ils utilisent ce qu’ils ont appelé des techniques d’interrogatoire « musclées » ou « coercitives ». Je vais vous donner deux ou trois exemples. La privation de sommeil […] On est transféré d’une cellule à l’autre toutes les demi-heures. Forcément, c’est impossible de dormir. Une fois que l’on est épuisé, on passe à l’interrogatoire. Il y a aussi la climatisation, c’est-à-dire, que l’on nous jette de l’eau froide et on nous laissait greloter sous la clim toute la nuit […] Le fait d’être menotté dans des positions douloureuses, les humiliations sexuelles… »
Extrait du témoignage de Mourad Benchellali, un ancien détenu français
4 – Neuf détenus sont morts là-bas
Ces neuf personnes s’appelaient Adnan Farhan Abdul Latif, Ali Abdullah Ahmed, Abdul Rahman Ma'ath Thafir al Amri, Awal Gul, Mohammad Ahmed Abdullah Saleh al Hanashi, Abdul Razzaq Hekmati, Inayatullah, Mana Shaman Allabardi al Tabi et Yasser Talal al Zahrani.
Le plus jeune, Yasser Talal al Zahrani, avait 21 ans. Le plus âgé, Abdul Razzaq Hekmati, avait 69 ans.
5 – Tous les prisonniers sont de confession musulmane
Les États-Unis ont pris pour cible des hommes et des garçons musulmans dans leur prétendue « guerre contre le terrorisme ». Guantánamo a été utilisé pour détenir des musulmans à l'étranger afin de contourner les exigences de l’Etat de droit américain.
6 – Des mineurs ont été détenus sur le camp militaire américain
Nous ne connaissons pas leur âge exact mais les deux plus jeunes détenus avaient entre 13 et 14 ans. En 20 ans, 15 mineurs sont passés par ce centre de détention.
7 – Par an, l’entretien de la prison coûte plus de 540 millions de dollars au gouvernement américain
Cela fait 14 millions de dollars par prisonnier restant. Il s’agit probablement de la prison la plus chère au monde.
8 – 13 des 39 hommes restants ont été autorisés à être libérés
Un comité d'examen interne composé de membres des agences de sécurité nationale américaines a déterminé que 13 des hommes restants pouvaient être transférés en toute sécurité de Guantánamo vers d'autres pays.
Certains, comme Toffiq al-Bihani, ont été autorisés à être libérés depuis plus de dix ans, mais restent emprisonnés parce que les États-Unis n'ont pas pris les dispositions nécessaires pour les transférer.
9 – Nous continuerons de nous battre jusqu’à la fermeture de ce camp !
L’année dernière, nous avions l’espoir que la nouvelle administration Biden fermerait ENFIN cette zone de non-droit. Car 13 ans avant son investiture Joe Biden déclarait : « Nous respecterons les droits de ceux que nous traduisons en justice. Et nous fermerons le centre de détention de Guantánamo Bay. »
Résultat ? Un an après le début de sa présidence, cet engagement n’est toujours pas tenu.
20 ans est une date d’anniversaire qui n’aurait jamais dû être atteinte. Tant que l’ensemble des détenus de ce camp de l’horreur n’auront pas été libérés ou transférés pour être jugés, tant qu’il restera ouvert, nous continuerons inlassablement de nous mobiliser.
Si vous souhaitez creuser le sujet, visionner le témoignage de Mourad Benchellali, un Français qui a vécu le pire là-bas. De son quartier des Minguettes (Vénissieux) au centre de détention militaire de Guantánamo, il vous raconte deux ans et demi d’enfer 👇