Inondations, montée des eaux, vagues de chaleur intense, etc. Chaque jour, nous constatons les catastrophes causées par le changement climatique. Alors que la terre se réchauffe, en partie à cause de l’agissement des États et des entreprises, ce sont nos droits qui sont menacés : droit à la vie, droit à l’eau, à un logement sain. Et aujourd’hui, même les personnes qui défendent l’environnement sont menacées, voire assassinées dans certaines régions du monde. Voici comment notre organisation travaille et se mobilise sur le sujet.
Nos droits brûlent. Chaleur extrême au Pakistan entraînant de graves problèmes de santé, sécheresse extrême à Madagascar causant famine et autres problèmes graves, etc. : ces situations, que nous avons récemment documentées, témoignent des effets dévastateurs des changements climatiques sur les droits humains.
Quels droits humains sont menacés par les changements climatiques ? Quelles sont les causes premières des changements climatiques ? Quelles sont les solutions ? Qui sont les plus impactés par les changements climatiques ? Pourquoi les défenseur·e·s de l’environnement sont-ils·elles menacé·e·s ? Qu’est-ce que la justice climatique ? Quelles sont les revendications d’Amnesty International ? Nous apportons des éclairages et des réponses à ces questions. Il y a encore des raisons d'espérer, d’entrer en action contre l’inaction. Car le changement climatique est une affaire de droits humains, c’est notre affaire à toutes et tous.
Les effets dramatiques du changement climatique ont révélé à quel point un environnement sain fait partie intégrante de la jouissance de tous nos autres droits.
Agnès Callamard, secrétaire générale d'Amnesty International
Une famille au Bangladesh marche sur un champ de fissures profondes alors que l'élévation du niveau de la mer provoque des fissures en laissant du sel sur le sol après évaporation, à Satkhira, le 20 janvier 2016 / © Zakir Hossain via AFP
Quelles sont les causes du changement climatique ?
Combustion d’énergies fossiles
Agriculture, déforestation et changement d'affectation des sols
La cause du changement climatiques sont directement liées aux activités humaines et à celles des entreprises, comme par exemple la combustion d’énergies fossiles (charbon, gaz, pétrole), l’exploitation des terres pour l’agriculture et la déforestation. C’est ce qui a libéré une grande partie de ce qu’on appelle les gaz à effet de serre, des gaz qui retiennent la chaleur.
Le problème : ces émissions de gaz modifient le climat à une vitesse trop rapide pour que les organismes vivants puissent s’y adapter.
Les conséquences : une hausse des températures, mais pas seulement. Les changements climatiques provoqués par ces émissions de gaz génèrent des événements météorologiques extrêmes de plus en plus fréquents et intenses, une élévation du niveau des océans ou encore des changements de la faune et de son habitat.
Combustion d’énergies fossiles
Lorsque les combustibles fossiles comme le gaz naturel, le pétrole et le charbon sont brûlés pour la production d’énergie, ils émettent une pollution toxique qui empoisonne notre air et nos poumons. Cette combustion est la première cause, responsable de plus de 70 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre.
Les effets néfastes des émissions de combustibles fossiles s'aggravent à un rythme alarmant. Cela s'explique par le fait que nos gouvernements n'opèrent pas assez rapidement la transition de nos économies afin qu'elles ne dépendent plus des combustibles fossiles.
Centrale électrique en Allemagne, à Brandebourg, février 2022 / © Patrick Pleul via AFP
Les États doivent s’accorder sur un processus urgent et équitable d’abandon de tous les combustibles fossiles.
Les États doivent adopter un engagement pour que tous les pays cessent toute nouvelle exploration et exploitation de pétrole, de gaz ou de charbon. Les pays industrialisés et les autres pays à fortes émissions du G20, ainsi que les États producteurs d’énergies fossiles à hauts revenus, doivent agir en premier et le plus rapidement possible.
Les États doivent rejoindre l'Alliance Beyond Oil and Gas et l'Alliance Powering Past Coal et soutenir l'appel à l'adoption et à la mise en œuvre d'un traité de non-prolifération des énergies fossiles.
Agriculture, déforestation et changement d'affectation des sols
Le deuxième pollueur est le secteur agricole. Des pratiques telles que l'élevage industriel, la déforestation et le changement d'affectation des sols contribuent non seulement aux émissions de gaz à effet de serre dans l'air, mais détruisent également nos défenses naturelles contre l'augmentation des niveaux de dioxyde de carbone.
Les forêts et les arbres consomment du dioxyde de carbone et jouent un rôle important dans la protection de notre atmosphère, mais ils sont régulièrement détruits par des incendies dans le but de dégager des terres pour l'agriculture commerciale.
Du bétail paît dans une zone brûlée en arrière-plan après un incendie dans la forêt amazonienne près de Novo Progresso, dans l'État de Para, au Brésil, 25 août 2019 / © Joao Laet via AFP
Garantir une agriculture durable et mettre fin au déboisement.
Transformer le modèle actuel d’agriculture industrielle.
Adopter des politiques publiques visant à promouvoir et à faciliter une transition juste pour passer d’un système alimentaire intensif. intenable, à des pratiques foncières et agricoles durables, compatibles avec le respect des droits humains.
Adopter et mettre en œuvre des lois et des politiques de conservation des forêts et autres écosystèmes naturels.
Les entreprises ne doivent pas provoquer de déboisement et d’atteintes aux droits humains, y contribuer ou y être liées, que ce soit par l’intermédiaire de leurs activités, de leurs produits ou services ou de leur chaîne de valeur.
Éviter de recourir excessivement aux bioénergies;
Qui pollue le plus ?
Quels droits humains sont menacés par le dérèglement climatique ?
➡️ Ce que dit le droit : Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant, y compris à un logement convenable
➡️ Ce que dit le droit : toute personne a droit d'avoir accès à l'eau potable et à des installations sanitaires qui permettent de rester en bonne santé
➡️ Ce que dit le droit : toute personne a le droit de jouir du meilleur état de santé physique et mentale susceptible d’être atteint
➡️ Ce que dit le droit : toute personne a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne
Qui est le plus impacté par le dérèglement climatique ?
Les populations des pays les moins développés
Les peuples autochtones
Les enfants
Le dérèglement climatique nuit à toutes et à tous et continuera de nous nuire si les gouvernements et entreprises ne s’engagent pas pour la justice climatique. Cependant, ses conséquences seront plus fortes encore pour certains groupes de populations déjà vulnérables.
Les populations des pays les moins développés
À l’échelle nationale, les personnes vivant dans des pays moins riches, particulièrement les petits États insulaires, seront et sont déjà, parmi les plus affectées par le dérèglement climatique. Ce sont souvent les personnes qui contribuent le moins au changement climatique qui en subissent le plus les conséquences.
Prenons par exemple le Pakistan. Depuis 1959, le pays représente 0,4 % des émissions produites, mais il fait partie des régions du monde les plus menacées par les changements climatiques, selon les conclusions conjointes de la Banque mondiale et de la Banque asiatique de développement. Les inondations de 2022 ont causé à elles seules au moins 1 600 morts et coûté 10 milliards de dollars.
Les États les plus riches, en tant que premiers responsables du réchauffement climatique, doivent fournir une indemnisation pour les pertes et dommages (pertes et préjudices) qu’ils engendrent. Car ce sont les pays industrialisés qui portent la plus grande part de responsabilité dans le réchauffement climatique, pas les pays les moins développés. Pourtant, ces derniers en sont les premières victimes.
Les peuples autochtones
Plusieurs peuples autochtones, héritiers d’une Terre millénaire, doivent faire face aux appétits des entreprises.
Au Canada, la nation wet’suwet’en se bat contre un projet faramineux de gazoduc qui traverse leurs terres et représente une catastrophe écologique. En traversant leurs terres ancestrales, ce projet de gazoduc franchirait par exemple la rivière Wedzin Kwa, l’une des dernières sources d’eau potable et l’une des dernières frayères à saumon dont bénéficie la nation wet’suwet’en.
Lire aussi : Le combat de la nation autochtone wet'suwet'en pour sauver ses terres
Mobilisation contre le projet de pipeline Coastal Gaslink qui menace les terres des Wet'suwet'en avec la présence de l'un des chef du peuple autochtone, Canada, Québec
En Australie, en raison du dérèglement climatique, un peuple autochtone des îles du détroit de Torres risque de tout perdre. Dans les îles du détroit, l’élévation du niveau de la mer augmente deux fois plus vite que la moyenne mondiale. Les conséquences sont destructrices : érosion des côtes, destruction de sites sacrés, menace sur les infrastructures.
➡️Si des actions ne sont pas urgemment mises en place par le gouvernement australien, des parties des îles du détroit de Torrès deviendront inhabitables, et de nombreux habitants devront quitter leurs terres ancestrales.
Nous demandons l’abandon immédiat des poursuites engagées contre les défenseur·e·s de la terre qui s’opposent à la construction du gazoduc Coastal GazLink par le gouvernement canadien et que cesse l’exploitation des terres des Wet’suwet’en sans leur consentement prélable, libre et éclairé.
Nous demandons à l’Etat australien de protéger les droits humains des communautés des Premières nations du détroit de Torrès, en réduisant rapidement les émissions de carbone, conformément à l’engagement pris au niveau mondial de limiter le réchauffement climatique à 1,5° C et dans le respect des meilleures recherches scientifiques disponibles à l’heure actuelle.
Les enfants
Les jeunes et le enfants souffrent déjà du dérèglement climatique en raison de leurs besoins métaboliques, physiologiques et développementaux. Cela implique, par exemple, que les déplacements forcés qui affectent tout un éventail de droits – depuis le droit à l’eau, à l’assainissement et à l’alimentation jusqu'au droit à un logement convenable, à l’éducation et au développement – toucheront probablement les enfants de manière plus grave.
Vous dites aimer vos enfants plus que tout au monde, et pourtant vous les privez de leur avenir devant leurs propres yeux.
Greta Thunberg, militante sur le climat et fondatrice de l’organisation Climate School Strike
Pourquoi les défenseurs de l’environnement sont-ils menacés ?
Les défenseur·e·s des droits humains liés à l’environnement sont parmi les défenseur·e·s les plus en danger dans le monde. En se dressant par exemple contre les projets d’extraction de combustibles fossiles, contre la déforestation, contre des projets faramineux d’entreprises, ils entrent en conflit avec des intérêts puissants et des lobbies forts.
Par leur combat juste et nécessaire, ces personnes sont fortement exposées à des agressions physiques, à des homicides, à des poursuites judiciaires et à des menaces et des manœuvres d’intimidation. Ce constat est particulièrement vrai pour les personnes qui se battent en faveur d’un environnement sain et sûr et pour avoir accès à leurs terres et leurs territoires, notamment les défenseur·e·s des droits des populations autochtones.
Les Amériques sont la région la plus meurtrière au monde pour ceux qui défendent la terre, le territoire et l’environnement. Dans un rapport publié en novembre 2023, nos équipes se sont entretenues avec six personnes, groupes et organisations qui défendent les droits humains dans le contexte de la crise climatique, dans cinq pays : l’Argentine, le Brésil, le Canada, la Colombie et l’Équateur.
Nos derniers rapports.
Qu’est-ce que la justice climatique ?
Le terme de « justice climatique » est utilisé par les mouvements sociaux et les organisations de la société civile pour mettre en évidence les implications de la crise climatique en termes de justice, et la nécessité d’élaborer des politiques justes pour faire face au dérèglement climatique.
Les démarches fondées sur la justice climatique se concentrent sur les causes fondamentales de la crise climatique et sur la façon dont les changements climatiques amplifient les inégalités qui existent entre les États et à l'intérieur des pays. Les revendications en matière de justice climatique se fondent sur la nécessité absolue de redresser ces déséquilibres et ces injustices, en commençant par orienter l’action pour le climat en s’appuyant sur les perspectives, le savoir et les demandes des groupes et communautés les plus touchés par la crise climatique.
Que faire pour défendre les personnes menacées et lutter contre le dérèglement climatique ?
1. Défendre les personnes menacées
Parce que les défenseur·e·s des droits de l’environnement sont les personnes les plus menacées dans le monde, nous devons les défendre. Plusieurs actions sont possibles.
👉 En signant nos pétitions
👉 En relayant nos rapports
Notre rapport Sans leur combat, pas d’avenir. Les défenseur·e·s des droits humains des Amériques face à la crise climatique
2. Lutter contre le dérèglement climatique
👉 En demandant aux États de sortir de l'inaction
Les États ont l’obligation de nous protéger contre les effets négatifs du changement climatique. Ils doivent donc prendre les mesures les plus ambitieuses possibles pour réduire et éviter les émissions de gaz à effet de serre le plus rapidement possible. En particulier, les pays les plus riches doivent agir plus rapidement (les pays du G20 sont responsables de 78 % des émissions annuelles globales).
Amnesty International appelle les États à faire tout leur possible pour empêcher la hausse des températures d’atteindre 1,5° C, notamment :
en réduisant leurs émissions de gaz à effet de serre à zéro, d’ici à 2050 ;
en cessant d’utiliser des énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz), dans les plus brefs délais ;
en mettant en œuvre des politiques climatiques ambitieuses qui soient respectueuses des droits humains et qui contribuent à réduire les inégalités ;
en travaillant ensemble pour lutter contre le dérèglement climatique . Les États riches doivent notamment assumer leur responsabilité historique et aider les États disposant de moins de ressources.
👉 En exigeant des entreprises qu'elles fassent baisser les émissions de gaz à effet de serre
Les entreprises ont elles aussi leur part de responsabilité dans le combat contre le changement climatique. Elles ont l’obligation de respecter les droits humains et doivent prévoir des mesures afin d’éviter et d’atténuer au maximum les émissions de gaz à effet de serre.
Les producteurs d’énergies fossiles ont été les principaux responsables du changement climatique, et le sont toujours. Des études montrent que 100 entreprises productrices d’énergies fossiles sont responsables de 71 % des émissions de gaz à effet de serre depuis 1988. Ces entreprises ont agi en toute connaissance de cause sans prendre de mesures pour tenter d’atténuer les effets nocifs de leurs activités et ont mené des campagnes de désinformation.
Amnesty International appelle les entreprises à :
évaluer les conséquences de leurs activités sur les droits humains et à prendre des mesures pour prévenir et remédier aux atteintes de droits humains qu’elles causent ou auxquelles elles contribuent ,
mettre en place des mesures pour minimiser les émissions de gaz à effet de serre et à rendre publiques les informations concernant leurs émissions et les mesures prises pour les limiter
Si nous ne faisons rien, les effets du dérèglement climatique risquent d’empirer et de nous affecter de plus en plus dans notre quotidien, et dans celui des générations futures. Plus que jamais, notre organisation se mobilise face à l’urgence de la situation à laquelle nous sommes confrontés.
Et aussi... Découvrez notre podcast « Amazonie : sous la jungle, le pétrole »
Le 20 août 2023, 59 % de Ia population équatorienne approuvait par référendum l’interdiction totale de forages pétroliers dans le Bloc 43 du parc national Yasuní. Ce parc protégé d’Amazonie abrite une des réserves de biodiversité les plus riches au monde ainsi que de peuples autochtones ancestraux, qui se battent depuis des décennies pour défendre leurs droits. Une mobilisation que l’on retrace dans cette série documentaire en trois épisodes.