Des méthodes arbitraires, punitives et répressives : c’est ce que mettent en évidence près 60 événements analysés par notre Evidence Lab et les experts régionaux dans la région Amériques ces sept dernières semaines.
Depuis début avril, de nombreux pays des Amériques ont instauré l’état d’urgence et mis en place des quarantaines ou des couvre-feux, dans le but de stopper la propagation du Covid-19. Si les restrictions varient, les gouvernements réactivent globalement des pratiques répressives déjà constatées en 2019 et auparavant.
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Des vidéos attestent ainsi de l’usage de la détention en premier plutôt qu’en dernier recours, de l’emploi d’une force inutile et excessive ainsi que le placement en quarantaine obligatoire dans des conditions inhumaines dans le cadre de la lutte contre le Covid-19. Ces vidéos laissent à penser que les personnes vivant dans la pauvreté, les sans-abris et les personnes migrantes et réfugiées sont probablement plus touchées par ces mesures punitives.
Réprimer les populations ne les protègera pas de la maladie.
En détention pour être sorti acheter à manger
En République dominicaine, selon les informations de la police nationale, l’application de l’état d’urgence et du couvre-feu a donné lieu à environ 27 000 placements en détention entre le 8 avril et le 7 mai. D’après les vidéos que nous avons vérifiées, la police dominicaine arrête régulièrement des personnes parce qu’elles ne portent pas de masque et les place en détention sans distanciation physique. Lors de ces interpellations, une force inutile est fréquemment employée, une tendance déjà constatée par le passé dans nos enquête sur l’arrestation arbitraire répétée de travailleuses du sexe et de jeunes dans le pays.
Au Salvador, des milliers de personnes suspectées d’avoir enfreint les règles du confinement sont détenues dans des « centres de confinement » depuis le mois de mars. Selon des documents légaux que nous avons consultés, certaines étaient simplement sorties de chez elles pour acheter de la nourriture ou des médicaments. D’autres vidéos à Puerto Rico, au Mexique et en République dominicaine, montrent que la police semble stopper ou interpeller des personnes sorties pour les mêmes raisons.
Une personne sans-abris frappée pour non-respect du confinement
D’autres vidéos que nous avons vérifiées montrent des policiers infligeant des punitions humiliantes et dégradantes à des personnes ayant enfreint le confinement.
En Argentine, nous avons authentifié une vidéo dans laquelle un policier frappe une personne sans-abri, parce qu’elle se trouve dans la rue en plein confinement. Dans le contexte du Covid-19, les gouvernements doivent proposer des structures aux personnes qui n’ont pas de logement pour s’auto-isoler en cas de besoin et veiller à ce que nul ne soit exposé au risque d’être infecté.
Usage illégal de la force contre des manifestants
Pendant la pandémie, dans plusieurs États, des personnes ont protesté contre le manque d’accès à l’alimentation, à l’eau et aux installations sanitaires. En avril, le Programme alimentaire mondial avait mis en garde contre de possibles famines « aux proportions bibliques » en raison de l’impact économique du Covid-19 et cité 10 pays, dont Haïti et le Venezuela, comme étant les plus à risque.
Au Venezuela, où une urgence humanitaire avait amené près de cinq millions de personnes à fuir le pays, malgré la quarantaine, au mois d’avril, l’Observatoire vénézuélien du conflit social a recensé 464 rassemblements pour réclamer l’accès à des services essentiels comme l’électricité, l’eau et le gaz et 150 manifestations liées à des revendications alimentaires. Au Honduras, l’ONG ACI Participa a également recensé 106 manifestations pacifiques organisées pour réclamer l’accès à des produits de première nécessité (médicament, nourriture, eau).
Dans ces deux pays, un recours excessif et inutile à la force comme l’utilisation de gaz lacrymogènes et d’armes à feu a parfois été constaté pour disperser les manifestations.
Des quarantaines obligatoires dans des conditions inhumaines
Certains gouvernements imposent des quarantaines obligatoires, soit aux personnes qui ne respectent pas le confinement, comme au Salvador, soit aux migrants, réfugiés et personnes rentrées dans leur pays d’origine, comme au Venezuela, au Honduras, au Guatemala, au Salvador et au Paraguay.
Dans de multiples vidéos, des personnes racontent leur détention dans des centres qui ne sont pas équipés pour la distanciation sociale et manquent d’abris, d’eau et d’installations sanitaires. Certains n’ont pas été testés ou n’ont pas reçu les résultats de leur test de Covid-19. Cela signifie que des personnes n’ayant pas contracté le virus peuvent se voir privées de leur liberté de manière arbitraire dans un lieu où elles risquent encore davantage d’être infectées.
Une vidéo filmée au Salvador montre des personnes migrantes affronter un violent orage dans un centre presque à ciel ouvert.
Le 30 avril, nous avons écrit avec d’autres organisations de défense des droits humains au président du Salvador pour lui faire part de notre inquiétude. Les autorités ne peuvent priver des personnes de leur liberté au motif qu’elles ont enfreint le confinement. Le placement en confinement forcé sans preuves de symptômes ou d’exposition au Covid-19 est d’ailleurs contraire à la Constitution, comme l’a rappelé un arrêt de la Cour constitutionnelle du Salvador.
Nos recommandations
En période de Covid-19, les états doivent :
Assurer la protection des populations et privilégier des actions qui aident les citoyens et leur donnent les moyens de respecter les restrictions imposées en réponse au Covid-19
Interdire les détentions arbitraires et n’envisager les sanctions pour non-respect de ces restrictions qu’en dernier recours et de façon strictement proportionnée à l’objectif de protection de santé publique.
Permettre à tous les citoyens d’avoir accès à des denrées alimentaires et autres produits de première nécessité
Proposer des structures aux personnes qui n’ont pas de logement pour s’auto-isoler en cas de besoin
Garantir des conditions humaines et non-discriminatoires aux personnes placées en quarantaine : accès aux soins, aide juridique, protection contre les mauvais traitements
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