Interdiction de rassemblement, répression violente des forces de sécurité, arrestations massives de manifestants… il devient très difficile de manifester en Égypte. La société civile égyptienne résiste tant bien que mal mais craint des représailles.
L’Égypte est sous les projecteurs du monde entier : elle accueille du 6 au 19 novembre la 27ème conférence annuelle de l'ONU sur le climat, la COP27. A cette occasion, nous souhaitons porter une attention particulière à la situation du droit de manifester dans le pays et soutenir la société civile égyptienne, qui va se mobiliser lors de cet événement mondial.
Ramy Shaath, célèbre militant égypto-palestinien a passé deux ans et demi dans les prisons égyptiennes. Libéré en janvier 2022 grâce à une intense mobilisation internationale, il continue de se mobiliser activement, depuis la France, pour soutenir celles et ceux qui croupissent encore dans les prisons. Il explique que cela fait de nombreuses années que la société civile égyptienne est harcelée et souligne, gravement, que la situation a empiré ces derniers temps.
Manifester est devenu extrêmement dangereux en Égypte. Récemment, 1000 activistes ont été arrêtés pour avoir protesté. Une simple "blague" sur les réseaux sociaux peut mener à une arrestation. La police est bien plus violente. Les partis politiques sont interdits. Les militantes et militants harcelés, attaqués, leurs comptes gelés. Elles et ils risquent entre cinq et dix ans de prison.
Ramy Shaath, miliant égypto-palestinien
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Les stratégies des autorités contre le droit de manifester
En 2013, la loi relative à l'organisation du droit aux réunions publiques, aux processions et aux manifestations pacifiques a donné aux forces de sécurité toute latitude pour interdire les manifestations et réprimer violemment les manifestants pacifiques. Les autorités ont utilisé cette loi, pour poursuivre des milliers de manifestants dans le cadre de procès collectifs inéquitables.
Après la révolution égyptienne, tous les jours, il y avait des manifestations. La population réclamait la liberté. La peur avait disparu. Aujourd’hui, elle est revenue.
Céline Lebrun Shaath, défenseure des droits humain, épouse de Ramy Shaath, elle a conduit la campagne pour sa libération
Les rares manifestations qui ont eu lieu ces dernières années ont été réprimées : violences des forces de sécurité, recours illégal à la force, arrestations massives de manifestants… ça a été le cas notamment lors des manifestations antigouvernementales de septembre 2019 et septembre 2020 où des milliers de manifestants, de militants, de défenseurs des droits humains, d'avocats et de passants, y compris des enfants, en ont fait les frais.
En réalité, les autorités égyptiennes font preuve de tolérance zéro pour les manifestations, même vis-à-vis de celles qui ne critiquent pas les autorités. En novembre 2020, les autorités égyptiennes ont arrêté et détenu arbitrairement 70 migrants et réfugiés soudanais qui participaient à une manifestation pacifique à la suite du meurtre d'un enfant soudanais par un Égyptien. Cette répression exercée sur les manifestants envoie un signal très inquiétant dans toute l'Égypte, instillant la peur et dissuadant les gens d'exercer leur droit de manifester.
Printemps arabe, Black Lives Matter, Mariage pour tous, marches pour le droit à l’avortement… Manifester est un puissant levier de changement. L’histoire le prouve. Mais aujourd’hui, le droit de manifester est menacé. Face à l’urgence, nous lançons une grande campagne mondiale.
COP 27 : des « zones délimitées » pour manifester
A l’occasion de la COP27, de nombreuses mobilisations vont avoir lieu partout dans le monde pour inciter les Etats à prendre des mesures fortes face à l’urgence climatique. Mais qu’en sera-t-il en Egypte ? Les autorités ont déclaré permettre les actions de protestation à des « zones délimitées ». Cette restriction nous inquiète car elle n’offre aucune protection aux personnes qui souhaitent manifester et limite considérablement les possibilités de rassemblement de la société civile égyptienne, soumise à des risques de représailles.
En vertu de la législation et des normes internationales relatives aux droits humains, les manifestations devraient être facilitées en règle générale. Les autorités égyptiennes devraient autoriser sans condition les manifestations et les rassemblements pacifiques à l'occasion de la COP27, notamment au Caire, la capitale égyptienne, et dans d'autres villes.
Nos demandes
Les autorités égyptiennes doivent libérer toute personne détenue arbitrairement
Les autorités égyptiennes doivent modifier la législation sur le droit de réunion pacifique afin qu'elle soit conforme aux obligations de l'Égypte en vertu du droit international
Les autorités doivent s'engager à faire respecter le droit à la liberté de réunion pacifique à tout moment, y compris pendant les événements internationaux, et s'abstenir de limiter indûment les manifestations à une zone désignée spécifique.
Les États membres de l'ONU, en particulier ceux qui assistent à la COP27, doivent demander aux autorités égyptiennes de ne pas limiter la liberté de réunion, d'association et d'expression
Les Etats membres de l’ONU présents à la COP 27 doivent également prendre des mesures significatives pour répondre aux préoccupations de la société civile et assurer sa participation sûre qui peut contribuer au succès de la COP27.
MANIFESTEZ-VOUS PENDANT LA COP 27 !
Nous pouvons faire de cette COP 27 un moment crucial pour les droits humains. Saisissons-le. Manifestez-vous en interpellant dès maintenant les autorités françaises, présentes en Égypte pour la 27ème conférence des Nations Unies sur le climat.
Pendant que les chefs d’Etats se rencontreront, autour de grandes réceptions sur tapis rouge, l’Amazonie continuera de brûler et des milliers de prisonniers et de prisonnières d’opinion continueront de croupir dans les prisons égyptiennes.