Aller au contenu
Agir
Faire un don
ou montant libre :
/mois
Grâce à la réduction d'impôts de 66%, votre don ne vous coûtera que : 5,1 €/mois
URGENCE PROCHE ORIENT

 Exigez avec nous la justice pour toutes les victimes et la protection sans condition des populations civiles

Un homme parle au mégaphone lors d'une manifestation à Paris contre l'ordre du préfet de police de Paris d'évacuer la Gaîté Lyrique, occupée depuis trois mois par 450 mineurs isolés, le 17 mars 2025 / © Thibaud MORITZ via AFP
Personnes réfugiées et migrantes

Personnes exilées : de Washington à Paris, un scénario que nous pouvons encore réécrire

Des États-Unis jusqu’en France, les personnes exilées se voient stigmatisées et fragilisées : discours médiatiques brutaux, adoptions de mesures restreignant leurs droits, immigration utilisée comme un Cheval de Troie contre l'État de droit... trois actes que notre présidente, Anne Savinel-Barras, appelle à réécrire, pour protéger les droits des personnes exilées.

Cette tribune a été publiée initialement dans La Croix, le 4 avril 2025

Alors que le monde est sidéré par la politique menée par Donald Trump depuis son investiture, en France l'érosion de nos droits est moins spectaculaire mais tout aussi inquiétante, particulièrement pour les personnes exilées.

En l’espace de quelques semaines, des magistrats, avocats, et associations françaises ont été les cibles de campagnes de cyberharcèlement, voire de menaces de mort. Leur point commun ? Avoir aidé, défendu ou rendu des décisions de justice protégeant des personnes migrantes, en se fondant exclusivement sur le droit.

Ces attaques, trop peu dénoncées dans l’espace public, sont la conséquence désastreuse de la mise en scène d’une tragédie dont le scénario se répète, des deux côtés de l’Atlantique.

La saturation de l'espace médiatique

Premier acte, la saturation de l’espace médiatique avec des discours stigmatisant les personnes exilées. Moins absurdes que les sorties de Donald Trump, les discours politiques autour des personnes migrantes n’en ont pas moins pris une tournure brutale en France. La peur et les faits y sont instrumentalisés, des débats sur la loi Darmanin en 2023 et 2024 jusqu’au Premier ministre actuel, François Bayrou, qui, utilisant de manière surprenante un champ sémantique xénophobe, évoque une prétendue “submersion migratoire”, en dépit des chiffres officiels qui prouvent le contraire. Quant au ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, celui-ci déclare que l’immigration ne serait tout simplement “pas une chance” pour la France.

Sur les réseaux et dans certains médias, des faits divers sont par ailleurs manipulés, sans vérification des sources, pour entraîner l’opinion publique dans le même narratif de méfiance, voire de haine des personnes migrantes.

Face à ce déferlement, les voix qui refusent cette banalisation de la haine ne sont pas entendues. Pire, lorsque certaines associations s’expriment ou agissent en soutien aux personnes exilées, elles sont publiquement accusées de partialité par le ministre de l’Intérieur, qui va jusqu’à leur reprocher de ne pas adhérer à la politique gouvernementale.

La stigmatisation permet aussi la banalisation des violences physiques et verbales. A l’encontre des personnes exilées bien sûr, mais également contre ceux et celles qui les défendent ou prennent des décisions en leur faveur. Dernier exemple en date : les professionnels du tribunal administratif de Melun, qui ont reçu des injures et des menaces de mort nominatives en réaction à l’annulation d’une expulsion, prise en conformité avec la loi. Ces faits très graves ne sont pas suffisamment dénoncés publiquement, ni condamnés par nos responsables politiques, ce qui non seulement les renforce, mais entraîne l’autocensure de certains citoyens et associations solidaires.

Le recul des droits et son acceptation

Deuxième acte : le recul des droits et son acceptation. L’omniprésence de ce narratif délétère favorise l’adhésion à des mesures adoptées aux conséquences graves pour des personnes déjà marginalisées, qui ont de plus en plus de difficultés à accéder à leurs droits et à pourvoir à leurs besoins essentiels. Restrictions de l’accès aux soins (Aide Médicale d’Etat), précarisation des travailleurs migrants, remise en cause de la vie de famille (regroupement familial, droit au mariage), jusqu’aux 450 mineurs isolés abandonnés par l’Etat à la suite de l’évacuation de la Gaîté Lyrique. Une série de mesures et de lois répressives prises sans qu’en soient évalués la pertinence ou l’impact concret dans la vie des personnes exilées.

L’immigration comme un Cheval de Troie contre l'Etat de droit

C’est là que le troisième acte prend forme. Ceux qui s’attaquent à l’Etat de droit ont régulièrement utilisé et utilisent encore l’immigration comme un Cheval de Troie pour s’attaquer au socle commun de droits qui nous protège. Ainsi aux Etats-Unis, les mesures drastiques contre les droits des personnes migrantes s’accompagnent de l’interdiction de manifester dans des universités, de restriction aux libertés d’association et d’expression, et d’atteintes récurrentes au droit d’informer, sans oublier les attaques récentes contre le système judiciaire.

Et lorsque Gérald Darmanin, alors ministre de l'Intérieur, revendique d'expulser des personnes étrangères en violation de la CEDH, ou que son successeur Bruno Retailleau, affirme que l’Etat de droit n’est pas intangible, ce ne sont plus seulement les personnes exilées qui se trouvent stigmatisées, précarisées, et voient leurs droits reniés, mais bien nos droits et libertés à toutes et tous qui se trouvent menacés.

Face à cette déferlante massive d’attaques ininterrompues contre les personnes migrantes contre celles et ceux qui les défendent, et contre l’Etat de droit, de part et d’autre de l’Atlantique, faut-il céder à la sidération, à l’abattement et au repli sur soi ? Il est grand temps, bien au contraire, d’y résister en défendant les personnes exilées qui nous entourent, en s’engageant dans les nombreuses associations locales, nationales et internationales qui défendent nos droits humains, en manifestant et en nous mobilisant collectivement : nous pouvons encore réécrire la fin de cette tragique mise en scène.