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URGENCE PROCHE ORIENT

 Exigez avec nous la justice pour toutes les victimes et la protection sans condition des populations civiles

Des réfugié·es soudanais·es et des rapatrié·es sud-soudanais·es qui ont fui la guerre au Soudan portent leurs effets personnels à leur arrivée dans un centre de transit pour réfugiés à Renk, le 14 février 2024.  © LUIS TATO / AFP
Des réfugié·es soudanais·es et des rapatrié·es sud-soudanais·es qui ont fui la guerre au Soudan portent leurs effets personnels à leur arrivée dans un centre de transit pour réfugiés à Renk, le 14 février 2024. © LUIS TATO / AFP
Conflits armés et protection des civils

Violences sexuelles au Soudan : les témoignages des victimes des forces armées 

Deux ans après le début de la guerre civile au Soudan, les populations civiles continuent de subir les atrocités commises par les deux parties au conflit. Nous dénonçons dans un dernier rapport les violences sexuelles commises par les Forces de soutien rapide envers les femmes et les filles soudanaises et appelons à une enquête pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.

Attention, certains témoignages peuvent heurter la sensibilité. 

Ce fut le jour le plus horrible de ma vie

À Nyala, dans le sud du Darfour, des soldats des Forces de soutien rapide (FSR) ont attaché une femme à un arbre, avant qu'elle ne soit violée par l’un d’entre eux sous le regard des autres.  

Ce témoignage fait partie des 30 autres récoltés dans notre rapport “They raped all of us”: Sexual violence against women and girls in Sudan. Certaines des victimes n’avaient que 15 ans. Les victimes et les témoins ont tous attribué la responsabilité des exactions à des combattants des Forces de soutien rapide. 

Viols, viols en réunion, esclavage sexuel : les FSR se sont rendues coupables de violences sexuelles qui constituent des crimes de guerre et de possibles crimes contre l’humanité.  

Comment a éclaté la guerre civile au Soudan ?  

Après trente années de règne, le dictateur Omar el-Béchir a été renversé en 2019 par des forces menés par deux hommes : Abdel Fattah al-Burhan qui dirige les forces armées soudanaises (FAS) et Mohamed Hamdane Daglo, dit le général « Hemetti », à la tête des forces de soutien rapide (FSR).  

Entre 2019 et 2021, les deux hommes s’entendent pour diriger un gouvernement mixte militaire et civil. Mais les espoirs des populations civiles pour une transition vers un régime démocratique ont été balayés par un nouveau coup d’Etat en octobre 2021. Un gouvernement militaire mené par al-Burhan et le général Hemetti se met alors en place.  

Les rivalités entre les deux hommes pour le contrôle de l’Etat soudanais n’ont fait que s’intensifier avant d’aboutir au déclenchement de la guerre civile le 15 avril 2023. Depuis lors, les populations civiles se retrouvent au cœur du conflit qui opposent les FAS et les FSR et sont victimes de graves violations commises par les deux parties.  

Lire aussi : Au Soudan, la population confrontées à des horreurs inimaginables

11 millionsde personnes ont été déplacées au Soudan depuis avril 2023.
24,6 millionsde personnes souffrent d'une insécurité alimentaire aiguë.

D'autres témoignages figurent dans le rapport comme celui d’une mère violée à qui les soldats avaient arraché son bébé pendant qu’elle l’allaitait et l’esclavage sexuel imposé à une femme à Khartoum pendant 30 jours. Les témoignages font également état de graves violences physiques, d’actes de torture infligés au moyen de liquide brûlant ou de lames aiguisées, et des féminicides. 

Des violences sexuelles généralisées  

Depuis les débuts du conflit au Soudan, les populations subissent des actes de violences sexuelles. Ces violences sexuelles généralisées commises par les Forces d’appui rapide ont été commises dans le but d’humilier, d’asseoir leur contrôle et de déplacer des populations dans l’ensemble du pays. 

L’utilisation des violences sexuelles en temps de conflit constitue un crime de guerre, voire un crime contre l’humanité.   

Lire aussi : 10 choses à savoir sur les violences sexuelles dans les conflits

Le monde détourne le regard  

La réponse des acteurs régionaux et internationaux aux souffrances des populations civiles soudanaises est inadmissible. 

Des dizaines de milliers de personnes sont mortes au Soudan depuis le début de la guerre civile en avril 2023.

Jusqu'à présent, les efforts diplomatiques n'ont pas permis de mettre fin aux violations, de protéger les civil·es, de fournir une aide humanitaire suffisante ou d'obliger les auteurs de crimes de guerre à rendre compte de leurs actes. 

Le commerce d’armes vient également alimenter le conflit au Soudan. Nous avions dévoilé dans un récent rapport que des armes et des munitions récemment fabriquées ou transférées provenant de pays tels que la Chine, les Émirats arabes unis, la Russie, la Serbie, la Turquie et le Yémen étaient importées en grande quantité au Soudan, puis, dans certains cas, détournées vers le Darfour. 

Lire aussi : Comment le commerce des armes alimente le conflit au Soudan 

Les attaques des Forces de soutien rapide contre les civil·es sont honteuses et lâches, et tout pays soutenant les Forces de soutien rapide, notamment en leur fournissant des armes, partage cette honte.

Deprose Muchena, directeur régional pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe à Amnesty International

Les victimes de violences sexuelles privées de soin  

Aucune des victimes qui ont témoigné dans notre rapport n’a bénéficié de soins après avoir subi des violences sexuelles. Elles n’ont également pas pu signaler ces attaques aux autorités soudanaises, à cause des affrontements en cours ou par peur de la stigmatisation ou des représailles.  

Les conséquences physiques et psychologiques sont durables. Certaines souffrent de douleurs rénales, de règles irrégulières, de difficultés à se déplacer ou de traumatismes psychologiques. Les enfants ayant été témoins du viol de personnes de leur famille font des cauchemars. 

“Ces trente jours de captivité ont eu un impact durable sur ma santé et ma priorité est désormais d'obtenir des soins de santé appropriés. Avant, j'étais forte et en bonne santé, mais maintenant je suis malade tous les deux jours. J'ai besoin d'aide pour aller à Kampala et recevoir un traitement adéquat.” a déclaré la victime d'esclavage sexuel et violée de manière répétée pendant 30 jours consécutifs à Khartoum. 

Toutes les victimes réfugiées ont déclaré que leur priorité était d’obtenir des traitements médicaux pour les blessures et maladies dont elles souffrent à la suite des attaques des FSR. Cependant, le gel des programmes financés par l’USAID (l’Agence des États-Unis pour le développement international) a réduit les possibilités d’accès à des soins de santé sexuelle complets. 

Les Etats-Unis ont annoncé début 2025 la suspension à effet immédiat de 83% des programmes de l’USAID, portant un coup dévastateur à l’aide humanitaire internationale dont celle au Soudan.  

L’impunité des auteurs de violences  

Depuis le début du conflit, les FSR ont recours aux violences sexuelles, en toute impunité. De nombreuses attaques ont eu lieu en présence d’autres soldats, victimes et civil·es. Tout indique que les responsables ne semblent pas avoir ressenti le besoin de dissimuler leurs crimes ni ne craignent aucune répercussion.  

Les victimes de violences sexuelles appellent à la justice et à l’obligation de rendre des comptes. Une femme qui a été violée à Omdurman a déclaré : « Les femmes ne dirigent pas cette guerre et n’y participent pas, pourtant, ce sont elles qui en souffrent le plus. Je veux que le monde entier soit au courant des souffrances des femmes et des filles soudanaises et fasse en sorte que les hommes qui nous ont violées soient punis. »  

Le monde n’a pas protégé les civil·es, n’a pas fourni une aide humanitaire suffisante et n’a pas amené les responsables de ces crimes à rendre des comptes. Il est temps que les populations et les gouvernements du monde entier établissent la vérité sur ce qui s’est produit au Soudan, traduisent les responsables présumés en justice et fournissent des réparations et des services de santé sexuelle et reproductive complets aux victimes.

Deprose Muchena, directeur régional pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe à Amnesty International