Depuis plus de huit mois, la bande de Gaza occupée est plongée dans un cycle de violences inédit aux conséquences dévastatrices. Pour éviter l’irréparable, nous ne cessons de demander un cessez-le-feu immédiat et durable à Gaza ainsi qu’un embargo sur les armes de toutes les parties au conflit face à la crise humanitaire sans précédent qui se déroule sous nos yeux.
Pour endiguer la crise, une solution : mettre fin de toute urgence aux transferts d'armes vers Israël.
Dans une lettre ouverte adressée à Emmanuel Macron en février 2024, notre président Jean-Claude Samouiller alertait sur l'urgence de suspendre toutes les ventes d’armes à Israël. Ces ventes d’arme sont toujours en cours. D'autres continuent également d'envoyer du matériel de guerre à Israël.
Le navire portugais MV Kathrin transporte des explosifs à destination d’Israël, selon le gouvernement namibien et le ministre portugais des Affaires étrangères.
Selon les derniers chiffres, plus de 41 500 personnes palestinien·nes sont morts sous les bombes et assauts de l’armée israélienne, dont plus de 14 000 enfants. Les civil·es de Gaza subissent une crise humanitaire provoquée alors que 100 % de la population souffre d'insécurité alimentaire et que la famine est désormais une réalité, selon la Cour internationale de justice.
Alors que le conflit ne cesse de s’intensifier, alimentée par la disponibilité des armes, il est impératif d’agir pour que soit mis un terme à tout transfert d’armes, dès lors qu’il existe un risque sérieux de violations graves du droit international humanitaire et des droits humains, ainsi que d’obtenir un cessez-le-feu immédiat et durable.
C’est pourquoi de nombreuses organisations de défense des droits humains, dont Amnesty International et d’autres acteurs de la société civile ont engagé des procédures judiciaires dans plusieurs pays. Elles exigent en plus l’adoption d’un embargo sur les armes à destination de toutes les parties au conflit en cours. On fait le point 👇
En France
Nous avons déposé, le 12 avril 2024, un référé-liberté auprès du Tribunal administratif de Paris auquel la Ligue des droits de l'Homme s'est associée par une intervention volontaire.
Cette action en justice visait à demander la suspension des licences d’exportation de matériels de guerre à destination de l’État d’Israël. Les armes visées : les catégories ML5 (matériels de conduite de tir) et ML15 (matériels d’imagerie).
Il existe clairement un risque que les armes et les équipements militaires que la France exporte vers Israël soient utilisés pour commettre de graves crimes contre des populations civiles dans la bande de Gaza occupée.
La France ne peut pas ignorer le fait que des composants français pourraient être utilisés dans la bande de Gaza car assemblés dans des armes israéliennes.
Elle viole ainsi les règles internationales relatives notamment au Traité sur le commerce des armes auquel elle est partie et risque de devenir complice de violations graves du droit international, qu’il s’agisse de crimes de guerre voire d’un possible crime de génocide.
Lire aussi : Vente d’armes à Israël : pourquoi nous saisissons la justice française ?
Mais samedi 13 avril 2024, nous avons appris avec regret le rejet de notre demande de suspension en urgence de certaines licences exportation d’armes à destination d’Israël. Le juge administratif a rejeté notre requête s’estimant incompétent.
Ce contentieux vient mettre en exergue l’opacité du gouvernement français en matière de ventes d’armes et l’absence de contrôle parlementaire. Le juge administratif étant incompétent, qui l’est pour examiner les exportations d’armes décidées par le pouvoir exécutif ?
Nous avons fait appel de ce rejet le 29 avril 2024. Le Conseil d’État a rejeté notre pourvoi le 1er mai confirmant la décision du Tribunal administratif du 13 avril. En parallèle, d’autres requêtes présentées d’une part par un collectif d’associations et de syndications dont l’AFPS et Attac et d’autre part par les ONG Aser, Stop Fuelling War et Acat France ont également été rejetées.
Ces démarches contentieuses s’inscrivent dans un contexte de très graves violations du droit international humanitaire justifiant une urgence dans la réponse de la justice.
Tous les États parties à la Convention des Nations unies pour la prévention et la répression du crime de génocide (1948), dont la France, ont l'obligation de prévenir la commission d’un génocide et de s'abstenir de contribuer à sa commission.
Enfin, nous avons saisi la Commission d’accès aux documents administratifs, le Premier ministre ayant par refus tacite rejeté notre demande d’accès aux informations relatives aux licences d’exportations d’armes pour lesquelles nous avons fait notre référé-liberté en avril 2024.
Israël/Gaza : signez notre pétition pou réclamer un cessez-le-feu immédiat et durable pour protéger les civil·es !
Aux États-Unis
Avec 69 % des importations, les États-Unis sont le premier fournisseur d’armes d’Israël à l’échelle mondiale.
Dans une note d'information soumise au gouvernement américain dans le cadre du Mémorandum de sécurité nationale-20 (National Security Memorandum-20, NSM-20), Amnesty International USA démontre que des armes fournies par les États-Unis au gouvernement israélien ont été utilisées dans le cadre de graves violations du droit international humanitaire et du droit relatif aux droits humains, et d'une manière incompatible avec le droit et la politique des États-Unis.
Le règlement du NSM-20 exige que les partenaires étrangers des États-Unis en matière de sécurité, tels qu’Israël, garantissent aux départements américains d’État et de la Défense qu’ils ne bloquent pas arbitrairement l’aide humanitaire américaine et ne violent pas le droit international humanitaire. Les secrétaires d’État et de la Défense doivent ensuite déterminer si ces assurances sont crédibles.
Afin de respecter les lois et les politiques américaines, les États-Unis doivent immédiatement suspendre tout transfert d'armes au gouvernement d'Israël.
Les États-Unis sont, et de loin, le principal fournisseur de l'armée israélienne, avec 69 % des importations totales d'armes d'Israël entre 2019 et 2023, selon l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm.
Cela comprend toute la gamme d'armes et de munitions conventionnelles, des avions de combat aux véhicules blindés de combat, en passant par les bombes guidées, les kits de guidage de bombes et les armes légères et de petit calibre.
Israël bénéficie également d'un accès privilégié aux exportations de défense américaines, y compris un financement anticipé, des périodes d'examen accélérées par le Congrès et l'utilisation des stocks américains de missiles, de véhicules blindés et de munitions d'artillerie situés à l'intérieur d'Israël.
Les États-Unis se sont formellement engagés à maintenir l' « avantage militaire qualitatif » d'Israël sur ses voisins en termes de sophistication technique de ses systèmes militaires. Les entreprises de défense américaines ont des liens historiques étroits avec l'industrie de défense israélienne et des accords de coopération de plusieurs milliards de dollars dans le domaine de la défense qui s'étendent à l'avenir.
Lire aussi : Gaza : des munitions fabriquées aux Etats-Unis ont tué au moins 43 civils lors de deux frappes aériennes israéliennes
Defence of Children International - Palestine, Al-Haq et le CRR ont intenté une action en justice devant un tribunal fédéral américain contre l'administration Biden pour manquement à son devoir de prévenir le génocide en cours commis par le gouvernement israélien contre les plaignant·es, leurs familles et les 2,2 millions de Palestiniens et Palestiniennes à Gaza, et pour complicité de génocide.
Selon les plaignants, de nombreux dirigeants gouvernementaux israéliens ont exprimé clairement des intentions génocidaires et ont employé des expressions déshumanisantes pour se référer aux Palestinien·nes, les qualifiant notamment d’« animaux humains ».
L'affaire a malgré tout été rejetée pour des raisons de compétence liées à la conduite des relations extérieures de l'administration, mais le juge a imploré l'administration Biden de mettre fin à son soutien indéfectible à Israël.
En Belgique
Amnesty Belgique ainsi que la Coordination nationale d’action pour la paix et la démocratie (CNAPD), la Ligue des droits humains (LDH) et Vredesactie, ont envoyé une lettre ouverte au ministre-président de la Wallonie pour contester l'exportation de poudre à canon vers Israël et ont menacé d'intenter une action en justice si l'octroi de licences se poursuivait.
Peu après, les autorités wallonnes ont annoncé la suspension temporaire de deux licences accordées en 2023 pour l'exportation de poudre à canon vers Israël.
Fin mai, nous avons pu obtenir des preuves incontestables de transit par l’aéroport de Liège d’armes exportées vers Israël depuis les États-Unis. Les données récoltées concernent une dizaine de vols ayant transité par l’aéroport de Liège entre le 7 novembre 2023 et le 4 mars 2024, rien n’indiquant du reste que le transit d’armes à destination d’Israël par cet aéroport ss soit tari après cette date.
Des documents auxquels nous avons pu avoir accès nous apprennent que des dizaines de tonnes de matériel militaire à destination d’Israël ont transité – et transitent peut-être encore – par l’aéroport de Liège.
Depuis, la Wallonie a interdit tout transit d’armes vers Israël. Au moins 70 tonnes de munitions et d’explosifs ont transité par l’aéroport de Liège depuis le 7 octobre 2023, grâce à une faille dans la législation régionale sur le transit d’armes.
Il a fallu que les ONG interviennent publiquement à de multiples reprises. Et on peut regretter qu’il ait fallu attendre plus de sept mois après le début de la guerre à Gaza. Il a fallu des mois d’interpellation et des preuves indiscutables pour que les autorités bougent. Or ces preuves étaient disponibles.
François Graas, chargé de plaidoyer à Amnesty International.
Au Danemark
Le 12 mars 2023, Amnesty Danemark et trois autres ONG (Oxfam Danemark, Action Aid et l’organisation palestinienne de défense des droits humains Al Haq) ont poursuivi la police nationale danoise et le ministère des Affaires étrangères afin que cessent les exportations danoises d’armements vers Israël.
Nous avons recueilli des informations sur plusieurs bombardements israéliens à Gaza qui n’ont pas établi de distinction entre cibles civiles et militaires et ont anéanti des familles entières. Ces attaques disproportionnées constituent une violation des lois de la guerre. Le Danemark ne doit en aucune façon contribuer à rendre possibles ces attaques illégales contre des civils. C’est pourquoi nous demandons au tribunal de déterminer si le pays s’acquitte de ses obligations
Vibe Klarup, secrétaire générale d’Amnesty International Danemark.
Par cette action, les ONG souhaitent que les tribunaux déterminent si ces exportations enfreignent les règles sur le commerce des armes que le Danemark s’est engagé à respecter.
Aux Pays-Bas
Le 12 février 2024, la Cour d’appel de la Haye a ordonné au gouvernement néerlandais de cesser d’exporter des composants d'avions de chasse F-35 utilisés par Israël dans la bande de Gaza.
Le tribunal néerlandais a estimé qu’il y avait un « risque évident » que les appareils soient impliqués dans une violation du droit international humanitaire.
Cette décision donne raison à la requête des trois organisations de défense des droits humains qui en sont à l’origine (Oxfam Novib, PAX et The Rights Forum), avec le soutien d’Amnesty Pays-Bas, selon lesquelles ces pièces contribuent aux violations du droit international par Israël dans sa guerre contre le groupe armé Hamas.
L’Etat néerlandais a annoncé vouloir se pourvoir en cassation devant la Cour suprême des Pays-Bas.
En Allemagne
Le 11 avril 2024, devant le tribunal administratif de Berlin, le Centre européen pour les droits constitutionnels et les droits humains (ECCHR) a intenté une action en justice contre le gouvernement allemand pour l’exportation d’armes vers Israël en vue de leur utilisation à Gaza. Cette action est soutenue par le Centre palestinien pour les droits de l'homme (PCHR) et le Centre Al Mezan pour les droits humains ainsi que par l'organisation palestinienne de défense des droits humains Al Haq.
Les organisations demandent au tribunal de suspendre les licences d'exportation délivrées par le gouvernement allemand pour les livraisons d'armes à Israël, dans le cadre de mesures provisoires. L'action en justice concerne en particulier les licences pour les armes antichars. Selon ECCHR, la justice aurait donné raison aux ONG en soumettant la délivrance de toute nouvelle licence à l’examen de la justice.
L’Allemagne fournit 30 % des importations d’armes d'Israël, ce qui la place en deuxième position après les États-Unis.
Au Royaume-Uni
La Haute Cour de justice a d'abord rejeté une requête déposée le 6 décembre 2023 par l‘ONG de défense palestinienne des droits humains Al-Haq et l’ONG britannique Global Legal Action Network (GLAN), demandant l’'arrêt des ventes d’armes. Le 23 avril 2024, le recours des ONG a été relancé par la Haute Cour de justice. Une audience est prévue en octobre.
En Italie
Un avocat palestinien, Abdalaty Salahaldin, soutenu par quatre avocats italiens spécialisés dans les droits de l'homme, a déposé une plainte civile contre le gouvernement italien pour complicité de crimes internationaux, demandant la suspension immédiate des transferts d'armes vers Israël.
Pour un cessez-le-feu à Gaza !
Pour prévenir un « risque de génocide », un cessez-le-feu est primordial. Pour la libération des otages, un cessez-le-feu est primordial. Pour permettre un accès à l’aide humanitaire, un cessez-le-feu est primordial. Signez notre pétition pour demander la mise en place immédiate d’un cessez-le-feu de toutes les parties au conflit. Face à l’horreur, l’humanité doit prévaloir et la solidarité internationale doit être plus forte que jamais.