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URGENCE PROCHE ORIENT

Exigez avec nous la protection sans condition des populations civiles

Gaza fait face à une crise de la faim et que la situation s'aggrave en raison du blocus dû à l'offensive israélienne en cours, le 29 février 2024, à Deir al Balah, dans le centre de Gaza. Ali Jadallah / ANADOLU / Anadolu via AFP
Conflits armés et protection des civils

Risque de génocide à Gaza : Israël ne respecte pas la décision de la CIJ en bloquant l'aide humanitaire

Un mois après que la Cour internationale de justice (CIJ) a ordonné à Israël de tout faire pour protéger les Palestininien·nes de la bande de Gaza contre le risque de génocide, Israël continue de limiter l’aide humanitaire alors que la population civile, au bord de la famine, s’apprête à subir une offensive terrestre de l’armée israélienne à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza.

Nous continuons de demander un cessez-le feu immédiat et durable de toutes les parties au conflit et un embargo total sur les armes à destination d’Israël !

16 octobre 2024

Au cours des derniers jours, le nombre de civil·es tué·es dans la bande de Gaza occupée a continué d’augmenter et les frappes aériennes meurtrières d’Israël ont laissé derrière elles des scènes épouvantables, en particulier dans le gouvernorat de Gaza-Nord. 

Le blocage de l’aide humanitaire par Israël condamne la population civile assiégée dans le nord de Gaza à un choix terrible entre la famine ou le déplacement forcé sous les bombes et les tirs d’obus incessants.  

Cela fait neuf mois que la Cour internationale de Justice a averti d’un risque réel de génocide à Gaza. Pourtant, les autorités israéliennes continuent de refuser d’appliquer les mesures conservatoires que cette juridiction a ordonnées comme la permission de l’acheminement de l’aide humanitaire.  

Le monde doit cesser de rester les bras croisés pendant qu’Israël a recours au siège, à la famine et à des atrocités pour déplacer de force des civil·es et détruire leur vie.  Un cessez-le-feu doit être proclamé immédiatement par toutes les parties au conflit pour arrêter l’avalanche de souffrances qui envahit la population civile de Gaza depuis plus d’un an.  

Nous rappelons notre demande d’embargo sur les ventes d’armes à Israël à tous ses fournisseurs de matériel de guerre dont la France. 

Parmi les six mesures conservatoires ordonnées par la CIJ le 26 janvier dernier, Israël avait l’obligation de permettre la fourniture d’une aide humanitaire suffisante dans la bande de Gaza pour soulager la population gazaouie. Les autorités avaient aussi un mois pour rendre compte de l’ensemble des mesures prises pour exécuter l’ordonnance. Mais au cours de cette période, Israël a continué d’ignorer son obligation, en tant que puissance occupante, de répondre aux besoins fondamentaux de la population palestinienne à Gaza.

Lire aussi : Ce qu'il faut savoir de la décision de la CIJ

Israël n'a pas levé les restrictions d'entrée des produits vitaux, ni ouvert de nouveaux points d'accès et de passage pour l'aide, ni mis en place un système efficace de protection des humanitaires contre les attaques. La situation s’est même détériorée et est devenue encore plus précaire depuis la décision de la juridiction onusienne.

Grave crise humanitaire

À maintes reprises, Israël s’est abstenu de prendre les mesures minimales que les organisations humanitaires réclament pour alléger les souffrances des civil.es.

Israël a favorisé une très grave crise humanitaire et fait preuve d’une froide indifférence à l’égard du sort de la population de Gaza en créant des conditions qui, selon la CIJ, l’exposent à un risque imminent de génocide

Heba Morayef, directrice régionale pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord à Amnesty International

Israël a totalement échoué à répondre aux besoins élémentaires des Gazaouis, bloque et entrave le passage d’une aide suffisante vers la bande de Gaza, en particulier vers le nord, quasiment inaccessible démontrant ainsi qu’il ne respecte pas la décision de la CIJ et son obligation de prévenir le génocide.

De 146 à 105 camions par jour

Les approvisionnements parvenus dans la bande de Gaza, soumise à un blocus total (terrestre, maritime et aérien) et illégal depuis 16 ans, ont été une goutte d'eau dans l'océan par rapport aux besoins de la population. Mais au cours des trois semaines qui ont suivi la décision de la CIJ, le nombre de camions entrant à Gaza a diminué d'environ un tiers, passant d'une moyenne de 146 par jour au cours des trois semaines précédentes à une moyenne de 105 par jour.

Des véhicules blindés israéliens sont vus au poste de contrôle à l'entrée nord de Huwara près de Naplouse en Cisjordanie occupée le 27 février 2023.
© JAAFAR ASHTIYEH / AFP via Getty images

Des véhicules blindés israéliens sont vus au poste de contrôle à l'entrée nord de Huwara près de Naplouse, en Cisjordanie occupée. 27 /02/2023 © Jaafar Ashtiyeh/AFP via Getty images

Avant le 7 octobre, environ 500 camions en moyenne entraient dans Gaza chaque jour, acheminant de l’aide et des marchandises, notamment de la nourriture, de l’eau, du fourrage destiné au bétail, des fournitures médicales et du carburant.

Les seuls points de passage autorisés à ouvrir l’ont été pendant moins longtemps, illustrant le non-respect par Israël de l’ordonnance de la CIJ. Les travailleurs·euses humanitaires ont signalé de multiples difficultés et affirmé qu’Israël refusait de prendre des mesures effectives pour améliorer la situation.

L’Afrique du Sud, à l’origine de la requête soumise à devant la CIJ accusant Israël de violer la Convention sur le crime de génocide a fait valoir que le refus délibéré d'Israël d'accorder une aide humanitaire aux Palestinien·nes pouvait constituer l'un des actes prohibés par cette Convention en « soumettant intentionnellement le groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ».

Vers une famine à grande échelle

Le 19 février, des organismes humanitaires ont signalé que la malnutrition aiguë augmentait à Gaza menaçant ainsi la vie des enfants. Avec 15,6 % d'enfants de moins de deux ans souffrant de malnutrition aiguë dans le nord de Gaza et 5 % d'enfants de moins de deux ans à Rafah, le déclin de l'état nutritionnel de la population en l'espace de seulement trois mois est "sans précédent au niveau mondial".

Des bénévoles distribuent des rations de soupe de lentilles rouges aux Palestiniens déplacés à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 18 février 2024, dans le cadre du conflit entre Israël et le groupe militant Hamas. Photo by Said Khatib/AFP

Hamza, un habitant du nord de Gaza dont la femme, Kawthar, a donné naissance à leur quatrième enfant le 17 février, nous explique que sa famille de six personnes parvient à peine à s'assurer un demi-repas par jour en raison des graves pénuries de nourriture et d'eau. Lorsque les réserves de farine et de maïs ont été épuisées, ils ont dû moudre de l'orge et des aliments pour animaux pour faire du pain. « Aujourd'hui, même le fourrage [pour les animaux] se fait rare ».

Lire aussi : Lettre ouverte : face au risque de génocide, il est urgent de suspendre toutes les ventes d'armes à Israël

Sa femme a accouché à l'hôpital Kamal Adwan de Beit Lahia, qui ne fonctionnait déjà plus. Elle n'a pas eu de lait maternel après l'accouchement et a dû se battre pour nourrir son nouveau-né. « Ma tante a réussi à nous trouver du lait aujourd'hui, je ne sais pas comment (…) Il n'y a pas de riz, pas de viande. Je suis allé au marché hier pour chercher de la nourriture et je suis rentrée bredouille : pas de viande, pas de pois chiches, rien », raconte le jeune père.

La menace imminente d'une offensive terrestre de grande envergure sur Rafah, où plus de 1,2 million de civils sont actuellement réfugiés, ne ferait qu’aggraver la situation humanitaire.

Lire aussi : Rafah, ultime refuge et nouveau cimetière des familles gazaouies

Actuellement les denrées qui parviennent à Gaza transitent par deux points de passages à la frontière égyptienne : celui de Rafah et de Karem Abu Salem à la frontière avec l’Égypte. Une opération terrestre autour de ces deux postes-frontières, seuls points d’entrée des camions dans le sud, risquerait de bloquer l’approvisionnement et de détruire les derniers vestiges de l’aide.

« Autour de moi, les gens sont brisés »

Une dizaine de travailleurs de cinq agences ou organisations humanitaires nous ont décrit les conditions effroyables qui règnent à Gaza, ainsi que les restrictions d'accès sévères. Tous font le même constat : leur capacité à acheminer l'aide à l'intérieur et autour de Gaza est restée la même ou s'est aggravée depuis l’ordonnance de la CIJ.

La résolution du Conseil de sécurité des Nations unies adoptée en décembre 2023 exigeait que les parties "autorisent et facilitent l'utilisation de tous les itinéraires disponibles vers et dans l'ensemble de la bande de Gaza, y compris les points de passage frontaliers" afin de garantir que l'aide vitale parvienne aux civils "par les voies les plus directes". Là encore, malgré cette résolution, Israël a refusé d'ouvrir d'autres points de passage.

Ils soulignent qu'Israël n'a pas ouvert tous les points d'accès et de passage disponibles pour leur permettre de transférer l'aide plus rapidement et à plus grande échelle vers les zones dans le besoin, ou s'assurer que les opérations humanitaires ne soient pas  la cible d’attaques militaires.

« Nous n’arrivons pas à nous procurer la nourriture de base. Il n'y a rien et le peu qui reste est hors de prix (…) J'en suis arrivée à souhaiter la mort de ma propre mère (atteinte de démence) plutôt que de la voir souffrir en pensant que nous la négligeons », raconte Fathia qui travaille dans le domaine de la santé mentale. Tout autour de moi, des gens sont brisés parce qu'ils ne peuvent pas nourrir leurs enfants, leur famille, et je suis incapable de leur offrir des conseils ou un soutien utile parce que je suis moi-même brisée", poursuit-elle.

Un blocage arbitraire et imprévisible

L’accessibilité de Gaza est aussi entravée par des manifestant.es israéliens qui demandent au gouvernement d’interdire toute aide tant que les otages n'auront pas été libérés.

Cette situation a conduit au blocage, à plusieurs reprises, du poste-frontière de Karem Abu Salem, à l’extrême sud-est de la bande de Gaza, le forçant à fermer à plusieurs reprises, parfois pendant plusieurs jours.

Dans le nord de la bande, la situation est particulièrement grave. Entre le 1er janvier et le 12 février, l'OCHA a indiqué qu'Israël avait refusé l'autorisation à plus de la moitié des demandes d'accès au nord formulées par les humanitaires. Le 6 février, l'OCHA a indiqué qu'Israël n'avait accepté aucune des 22 demandes de l’ONU d'ouverture anticipée des points de contrôle, y compris pour accéder aux zones situées au nord de Wadi Gaza.

« Il n'y a pratiquement pas d'accès [au nord]. Le cessez-le-feu de novembre a permis d'acheminer de nombreux camions vers le nord. À part cela, nous n’avons pas pu envoyer d’autres camions vers le nord. En 2024, c'est encore pire. Certaines personnes sont déjà affamées », alerte un travailleur humanitaire que nous avons interrogé.

Une ambulance endommagée dans un camp de réfugiés à Tulkarm, où l'armée israélienne a effectué des raids nocturnes. Cisjordanie occupée. 19/01/2024 © Zain Jaafar/AFP via Getty Images.

D’un côté, les organisations humanitaires continuent de décrire des refus et des restrictions fréquents, imprévisibles et "arbitraires" à l’acheminement de l’aide humanitaire. De l’autre, les autorités israéliennes accusent les organisations humanitaires d'être responsables des lacunes dans l'acheminement de l'aide, arguant qu'elles sont incapables d’en expédier et d’en distribuer davantage, ou pointant les pillages à Gaza.

Les humanitaires dépeignent une toute autre réalité et exposent une série de moyens par lesquels les autorités entravent leur travail :

Israël refuse régulièrement l’entrée de  produits essentiels en quantité suffisante.

Israël a refusé à plusieurs reprises l’ouverture des points de contrôle plus tôt.

Les travailleurs humanitaires et les bureaux d’aide ont fait l’objet d’attaques récurrentes alors qu’Israël doit veiller à la sécurité de base pour les convois d’aide.

Un besoin crucial de carburant

En plus des denrées alimentaires de base, Gaza a aussi besoin de carburant pour purifier l'eau, transformer les aliments et faire fonctionner les équipements médicaux.

Nul ne devrait être contraint de subir les conditions inhumaines auxquelles les Gazaouis sont soumis

Heba Morayef, directrice régionale pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord à Amnesty International

Depuis le 11 octobre, la bande de Gaza est soumise à une coupure générale d'électricité, Israël ayant coupé l'approvisionnement. De début octobre au 18 novembre 2023, Israël a totalement bloqué l’importation de carburant. Aujourd’hui autorisée, les quantités restent très insuffisantes.

Dans le quartier Huzaa de Khan Yunis, à Gaza, les Palestiniens sont confrontés au froid, à des ressources limitées et à une coupure généralisée du courant. 26/11/2023 :© Mohamad Zaanoun/AFP via Getty Images

Fin février, les autorités israéliennes ont régulièrement rejeté les demandes humanitaires visant à faire entrer d'autres sources d'énergie, telles que des panneaux solaires, des générateurs et des batteries.

Troisième véto américain contre un cessez-le-feu

Le 20 février dernier, les États-Unis ont, pour la troisième fois, opposé leur veto à une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies exigeant un cessez-le-feu immédiat, donnant ainsi le feu vert à de  nouveaux homicides et à de nouvelles souffrances massives pour les Palestinien·nes.

Le soutien de ces États aux actions d'Israël, y compris à son non-respect de la décision de la CIJ, est indéfendable et pourrait constituer une violation de leur obligation de prévenir le génocide

Heba Morayef, directrice régionale pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord à Amnesty International

Les pays qui exercent une influence sur le gouvernement israélien, notamment les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Allemagne et d'autres alliés, ne doivent pas rester les bras croisés alors que les civils palestiniens meurent de morts évitables dues aux bombardements, au manque de nourriture et d'eau, à la propagation de maladies et à l'absence de soins de santé.

NOS DEMANDES

        🔴 Un cessez-le-feu immédiat et durable sur la bande de Gaza de toutes les parties au conflit

       🔴 Un embargo sur les armes à l’encontre d’Israël et des groupes armés palestiniens

       🔴 Israël et tous les États doivent se conformer à l’ordonnance de la CIJ

       🔴 Israël doit lever le blocus illégal et inhumain sur la bande de Gaza

       🔴 Israël doit autoriser l’acheminement sans entrave de l’aide humanitaire

       🔴 Que l'UNRWA reçoive des fonds suffisants pour poursuivre ses activités, après qu'un certain nombre d'États ont suspendu leur financement

🔴 Nous exhortons le Hamas et les autres groupes armés palestiniens à libérer tous les otages encore captifs, qu’ils soient civils ou militaires.

Agir

Pour un cessez-le-feu à Gaza !

Demandez à Emmanuel Macron d’appeler à un cessez-le-feu immédiat de toutes les parties afin de mettre fin aux crimes de guerre, de protéger les civil·es et de faire en sorte que l’aide humanitaire puisse parvenir à Gaza.

Complément d’information

La catastrophe humanitaire qui frappe aujourd’hui la bande de Gaza occupée découle du blocus imposé par Israël depuis 16 ans et de son intensification, ainsi que des opérations militaires dévastatrices récurrentes.

Depuis 2007, Israël contrôle l’espace aérien, les frontières terrestres et les eaux territoriales de Gaza, limitant fortement l’entrée et la sortie des biens de première nécessité et des personnes, ce qui favorise cette terrible situation.

Le blocus imposé par Israël est une forme de punition collective et constitue un crime de guerre. C’est l’un des outils clés qui lui permet de maintenir son système d’apartheid contre la population palestinienne, ce qui constitue un crime contre l’humanité.

Le 7 octobre 2023, le Hamas et d’autres groupes armés ont lancé des tirs de roquettes sans discrimination et déployé des combattants dans le sud d’Israël, et se sont livrés à des crimes de guerre. Selon les autorités israéliennes, au moins 1 139 personnes ont été tuées et plus de 200 personnes, principalement des civil·e·s, dont 33 enfants, ont été prises en otage par le Hamas et d’autres groupes armés à Gaza. Au 1er décembre, 113 otages détenus par le Hamas et d’autres groupes armés à Gaza avaient été libérés.