Le décès d’une jeune femme, arrêtée par la police des mœurs pour port du voile non conforme à la loi, a embrasé la jeunesse iranienne. Depuis, les manifestations pour défendre la liberté et des changements politiques et économiques se multiplient dans le pays. Elles sont brutalement réprimées par les autorités iraniennes.
Le drame de trop. Mahsa (Zhina) Amini est devenue un symbole de l'oppression des femmes exercée par la République islamique d'Iran et de la brutalité du régime.
« Femmes, vie, liberté ! », voici l’un des slogans scandés dans les rues iraniennes. À cette vague de protestation largement pacifique, les autorités répondent par la violence et la censure. Nous avons obtenu des documents officiels révélant que la plus haute instance militaire iranienne a ordonné aux forces armées de blesser ou tuer les manifestants. À ce jour, le bilan de la répression s’élèverait à plus de 300 morts, dont 41 enfants. Des homicides illégaux perpétrés par les forces iraniennes. Le bilan humain pourrait être bien plus élevé. On compte aussi des centaines de blessés et plus d'un millier de personnes arrêtées et détenues arbitrairement.
Téhéran a sévèrement restreint l'accès à Internet et aux réseaux mobiles. Instagram, le réseau social le plus populaire du pays, est drastiquement limité, ainsi que Whatsapp, Linkedin et Skype. Nous appelons la communauté internationale à prendre des mesures significatives contre la répression de plus en plus sanglante qui a lieu en ce moment en Iran, à l’abri des regards.
Interpellez la communauté internationale pour soutenir la jeunesse iranienne réprimée
Elle s’appelait Mahsa Amini
Elle avait 22 ans. Le 13 septembre 2022, alors qu’elle visite Téhéran avec sa famille, la jeune kurde-iranienne est arrêtée arbitrairement par la police des mœurs. Elle porte mal son voile. Elle est alors embarquée par cette unité spéciale chargée de faire respecter des règles vestimentaires strictes, en vertu de la législation abusive, dégradante et discriminatoire imposant le port du voile.
Des témoins expliquent que Mahsa Amini a été violemment battue lors de son transfert forcé dans un centre de détention à Téhéran. Elle tombe dans le coma et est transférée à l'hôpital. Elle décède trois jours plus tard. Sa mort embrase le pays.
Depuis, la colère de la jeunesse iranienne explose. Le visage de Mahsa Amini est partout, son nom est scandé dans les rues. Des gestes symboliques accompagnent la protestation : des femmes se filment sur les réseaux sociaux en train de se couper les cheveux, d’autres vont jusqu’à brûler leur voile dans les rues.
Les autorités iraniennes ont annoncé des enquêtes tout en niant tout acte répréhensible. L'enquête promise, qui sera confiée au ministère de l'Intérieur, ne répond pas aux exigences d'indépendance. Nous appelons à la création d'un mécanisme international indépendant d'enquête pour remédier à la crise d’impunité qui sévit en Iran !
Des manifestants tués
Les éléments recueillis par notre organisation montrent que les forces de sécurité iraniennes ont tiré délibérément et illégalement à balles réelles sur les manifestants. Nous avons également des preuves de l’utilisation illégale par les forces de sécurité iraniennes de grenaille de plomb et autres billes métalliques, de gaz lacrymogènes, de canons à eau et de coups de matraque pour disperser les manifestants.
Dans la seule nuit du 21 septembre 2022, les tirs des forces de sécurité ont fait au moins dix-neuf morts, dont au moins trois enfants.
Les 26 et 27 octobre, alors que les Iraniens commémoraient le 40ème jour de la mort de Mahsa Amini, les forces de sécurité ont tué illégalement au moins huit personnes dans les provinces du Kurdistan, d’Azerbaidjan occidental, de Lorestan et de Kermanchah.
Les forces de sécurité sont en train de nous tuer directement.
Un témoin des manifestations en Iran
Des manifestants ont perdu la vue. Des centaines d'autres personnes, dont des enfants, ont subi des blessures douloureuses assimilables à des actes de torture ou de mauvais traitements en raison de l'utilisation illégale de munitions à leur encontre. La plupart des manifestants et passants blessés ne voulaient pas à se faire soigner à l'hôpital par crainte d'être arrêtés.
Rejoignez notre campagne pour défendre le droit de manifester
Contre la brutalité du régime
Le soulèvement massif des Iraniennes et des Iraniens dans les rues révèle l’ampleur de leur indignation face à l'omniprésence de la police des mœurs et face aux lois discriminatoires comme celle sur le port obligatoire du voile, en vigueur depuis la révolution islamique de 1979. Il est grand temps que ces lois et les forces de sécurité qui les appliquent soient définitivement écartées de la société iranienne.
En manifestant dans la rue, le peuple iranien demande des changements pour ses libertés les plus fondamentales. Des revendications légitimes et qui, en rien, ne doivent faire l’objet de répression.
Appel à un soulèvement mondial
L'élan mondial suscité par la mort de Mahsa Amini doit être suivi de mesures concrètes de la part de la communauté internationale pour s'attaquer à la crise de l'impunité qui sévit en Iran. Car il n’existe pas d'« enquête impartiale » en Iran.
Nous nous sommes entretenus avec le père d’un jeune homme de 21 ans tué par les forces de sécurité iraniennes : "Les gens attendent des Nations unies qu'elles nous défendent, nous et les manifestants. Moi aussi, je peux condamner [les autorités iraniennes], le monde entier peut les condamner, mais à quoi servent ces condamnations ?". C’est pour cette raison que les États membres de l'ONU ne doivent pas se contenter de simples déclarations. Ils doivent aller plus loin pour entendre les appels à la justice des victimes et pour mettre en place, de toute urgence, un mécanisme d'enquête indépendant des Nations unies.
Avec 42 organisations, nous demandons officiellement au Conseil des droits de l'homme des Nations unies de tenir une session spéciale sur l'Iran. Lire notre appel
Les forces de sécurité iraniennes continueront de tuer ou blesser des manifestants si elles ne sont pas tenues de rendre des comptes. Faute de possibilité d’établir les responsabilités de manière indépendante au niveau national, le Conseil des droits de l'homme des Nations unies a le devoir d'envoyer un message fort aux autorités iraniennes : les responsables de crimes relevant du droit international ne resteront pas impunis.
Diana Eltahawy, directrice adjointe pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord à Amnesty International
Une manifestante brandit un portrait de Mahsa Amini lors d'une manifestation à Istanbul, en Turquie, le 20 septembre 2022 / © Ozan Koze - AFP
La mort de Mahsa Amini est un drame qui doit mobiliser la communauté internationale. Nous appelons à la création d’un mécanisme international indépendant d’enquête ! Nous sommes aux côtés de sa famille, soutenons la mobilisation de la jeunesse iranienne et saluons le courage de ces femmes qui se battent pour leur liberté. Les Iraniennes et les Iraniens ont le droit de manifester, d’exprimer leurs opinions, d’exiger des changements. Manifester est un droit fondamental et nous serons à leurs côtés pour le protéger.
MANIFESTEZ-VOUS POUR LA JEUNESSE IRANIENNE réprimée
Appelez la communauté internationale à prendre des mesures significatives contre la répression de plus en plus sanglante qui a lieu en ce moment en Iran.