Neuf mois après les terrifiantes attaques commises par le Hamas et d’autres groupes armés le 7 octobre 2023, nous réitérons notre appel à la libération immédiate et sans condition de tous les otages civils retenus en captivité dans la bande de Gaza. Nous nous sommes entretenus avec des familles d'otages dont certaines appellent à un cessez-le-feu.
Source sur le nombre de morts confirmés : autorités israéliennes
On estime à 116 le nombre de personnes encore retenues en otages ou en captivité par le Hamas et d'autres groupes armés à Gaza depuis le 7 octobre. Au moins 79 des personnes retenues en captivité seraient des civil·es.
Lire aussi : Nos enquêtes et déclarations depuis le 7 octobre
Signez notre pétition pour un cessez-le-feu immédiat pour protéger les civils !
La prise d’otages et l’enlèvement de civil·es sont interdits par le droit international et constituent des crimes de guerre. Notre organisation demande au Hamas et aux autres groupes armés de libérer les otages civiles et de traiter avec humanité et conformément au droit international humanitaire toutes les personnes retenues en captivité.
Au lieu d’utiliser des otages civils en détresse pour marquer des points sur le plan politique, le Hamas devrait libérer immédiatement et sans condition ces personnes.
Agnès Callamard
Secrétaire générale d'Amnesty International
Les violences envers les otages dévoilées
Des otages ont été détenus dans des conditions très difficiles. Nous craignons que certains d’entre eux aient été soumis à la torture ou à d'autres formes de mauvais traitements pendant leur captivité.
Selon des professionnels de la santé israéliens, des otages rentrés chez eux ont subi des violences physiques et psychologiques à Gaza. Certains otages ont déclaré avoir été frappés, contraints à assister ou à participer à des actes de violence, soumis à des violences sexuelles, y compris à la nudité forcée et à des agressions sexuelles, placés à l'isolement ou dans l'obscurité totale, et privés du nécessaire, notamment de nourriture et de sommeil, ce qui a des conséquences graves et à long terme sur leur santé mentale et physique.
Les otages libérés ont également déclaré que, dans certains cas, des membres d’une même famille avaient été intentionnellement séparés.
Amit Soussana, qui a été enlevée au kibboutz de Kfar Azza et libérée en novembre 2023, a décrit dans un enregistrement de médias avoir été enchaînée pendant trois semaines au cours de sa détention à Gaza. Elle a déclaré que l'homme qui la gardait venait dans la pièce où elle se trouvait, s'asseyait sur son lit et l'interrogeait sur les relations sexuelles. Elle a également décrit la fois où il l'avait forcée à accomplir un acte sexuel à son égard, sous la menace d'une arme.
Depuis le début de leur détention, les otages se voient refuser l'accès à des observateurs indépendants, notamment au Comité international de la Croix-Rouge (CICR), qui pourraient évaluer leur état de santé et leurs conditions de détention.
Toutes les personnes retenues en captivité doivent être traitées avec humanité, protégées contre la torture et les autres formes de mauvais traitements, et avoir accès au CICR, conformément au droit international. Les malades et les blessés doivent recevoir des soins médicaux.
Erika Guevara-Rosas
Directrice générale de la recherche, du plaidoyer, des politiques et des campagnes à Amnesty International
Les familles des otages témoignent
Des dizaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue en Israël ces dernières semaines pour exiger que les autorités israéliennes concluent un accord de cessez-le-feu et négocient la libération des otages.
Nos équipes se sont entretenues avec plusieurs familles d’otages, dont des personnes qui ont participé aux manifestations en Israël.
Voici leur témoignage.
Vivian Silver était une militante pour la paix. Elle a été enlevée le 7 octobre dans le kibboutz de Be’eri, dans le sud d’Israël. Elle faisait partie du conseil d’administration de l’organisation israélienne de défense des droits humains B’Tselem. Voici le témoignage de son fils, Yonatan Zeigen lorsqu’elle était encore portée disparue :
“Je suis triste et affligé pour ma mère, pour tous les otages, pour nos communautés et pour le peuple palestinien. Je pense qu’il s’agit d’un coup de semonce face à l’incapacité des deux parties à instaurer la paix depuis si longtemps. Je demande un cessez-le-feu et la libération de tous les otages, à titre de première étape sur la voie d’une solution globale pour la région, avec une participation internationale prolongée. La sécurité ne peut être assurée que grâce à la paix.”
Le 14 novembre 2023, Yonatan a appris que sa mère avait été assassinée.
Nous nous sommes entretenus avec Moshi Lotem, le père de Hagar, alors qu’ils étaient encore détenus en captivité.
“Ce que le Hamas et les autres groupes armés ont fait a porté atteinte non seulement à leurs voisins, qui étaient ceux en Israël qui se souciaient le plus du peuple palestinien et de ses droits, mais aussi à leur propre peuple. En tant que père et grand-père, j’ai beaucoup de mal à supporter le fait qu’on m’a pris mes proches de cette façon et qu’on ne me donne aucune information à leur sujet. Ils me manquent tellement. C’est chaque jour qui passe de plus en plus difficile à vivre. Ils sont dans une situation très précaire et les attaques [dans Gaza] me font très peur. Je demande aux organisations internationales, que ce soit l’ONU ou la Croix-Rouge, de ramener les otages chez eux.”
Yoram Metzger avait été pris en otage le 7 octobre avec son épouse Tami Metzger, 78 ans, au kibboutz de Nir Oz. Tami Metzger a été libérée en novembre. Ayala Metzger, sa belle-fille, a déclaré à Amnesty International qu'elle reprochait aux autorités israéliennes de n’avoir pas réussi à faire libérer les otages :
« Notre gouvernement actuel a abandonné les otages ; il n'a aucun intérêt à les libérer, il ne prend aucune véritable mesure. Ce qu'il faut en priorité, c'est décider d’arrêter la guerre. Yoram [son corps] est toujours à Gaza, nous ne savons pas exactement ce qui lui est arrivé, mais il a été déclaré mort. Avec lui il y a beaucoup de mes connaissances qui sont encore en vie. Nous voulons recommencer à vivre et reconstruire […] mais nous ne le pouvons pas. »
Elle a ajouté que Tami, qui a été libérée en novembre, n’arrive toujours pas à dormir la nuit : « Elle est toujours inquiète pour les gens qui étaient avec elle dans les tunnels et nous ne savons rien à leur sujet. C'est dur, c'est dur de continuer comme ça. C’est difficile de protester […] les gens sont fatigués. »
Six de ses proches pris en otage ont été libérés en novembre, mais l'un d'entre eux, Tal Shoham, est toujours détenu.
« Le fait que les otages soient toujours là est une blessure ouverte. Nous ne pouvons pas faire notre deuil pour nos proches qui sont morts, ni commencer à guérir »
Yarden Roman-Gat a été libérée en novembre 2023 dans le cadre d’une négociation portant sur les otages. Carmel Roman-Gat, 40 ans, est toujours détenue à Gaza. Gil Dickman éprouve des craintes pour son bien-être physique et mental et a exprimé son manque de confiance dans les initiatives de l'État visant à ramener les otages.
« Nos vies se sont complètement arrêtées, quelque chose de nouveau a commencé, un film d'horreur qui a débuté avec une grande impuissance », a-t-il déclaré, ajoutant qu'il n'était pas encore capable de gérer la douleur et le deuil. « Nous ne pouvons pas le faire parce que la chose la plus urgente, c’est de lutter pour la vie de tous ceux qui peuvent encore être sauvés, sachant qu'à tout moment nous risquons de recevoir d’horribles nouvelles. »
Il a ajouté que lorsqu’il voit les destructions subies par la population palestinienne à Gaza, il se sent « très mal » :
« Ce sont aussi des êtres humains de l'autre côté, et je les considère comme des victimes du cycle de la violence, tout comme Carmel et ma famille […] La terreur et la violence atteignent au final des personnes qui souhaitent mener une vie paisible. »
Les bombardements sur Gaza mettent aussi en danger les otages
Malgré l'adoption, le 10 juin, d'une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU appelant à un cessez-le-feu immédiat de la part de toutes les parties au conflit, les négociations pour un accord visant à libérer d’autres otages israéliens et prisonnier·ères palestiniens n'ont jusqu'à présent donné aucun résultat positif.
Compte tenu des bombardements et des opérations au sol incessants menés par les forces israéliennes à Gaza, les civil·es, qu'il s'agisse de civil·es palestiniens ou d’otages, sont de plus en plus en danger. Ces bombardements ne tiennent aucun compte des appels lancés par les familles israéliennes qui demandent que le bien-être des otages soit considéré comme une priorité lors de ces opérations.
L'attaque menée par Israël contre Gaza a entraîné la mort de plus de 38 000 Palestinien·ne·s, provoquant l'une des pires catastrophes humanitaires que le monde n'ait jamais connues. La crise actuelle continue également de mettre en danger la vie des otages israéliens à Gaza. Un cessez-le-feu de toutes les parties constitue la mesure la plus urgente à adopter pour soulager les souffrances massives, éviter de nouvelles pertes en vies humaines et assurer la protection de tous les civil·es
Erika Guevara-Rosas
Directrice générale de la recherche, du plaidoyer, des politiques et des campagnes à Amnesty International
Le Hamas et d'autres groupes armés ont dans plusieurs cas retenus des otages dans des immeubles d’habitation situés dans des zones civiles très peuplées, mettant ainsi également en danger la vie de civil·es à Gaza et violant leur obligation de prendre toutes les précautions possibles pour protéger la population civile sous leur contrôle contre les effets des attaques.
Une opération meurtrière menée le 8 juin par les forces israéliennes dans le camp de réfugié·es de Nuseirat pour libérer quatre otages a causé la mort de plus de 270 Palestiniens et Palestiniennes, selon le ministère palestinien de la Santé. Lors d’une précédente opération menée le 12 février pour libérer deux otages détenus à Rafah, une centaine de personnes avaient été tuées.
Les Conventions de Genève, leurs protocoles additionnels et le droit international humanitaire interdisent la prise d’otages, qui est considérée comme un crime de guerre. Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale définit ce crime comme la capture ou la détention d’une personne (l’otage) assortie de la menace de tuer, de blesser ou de continuer de détenir l’otage dans le but de contraindre un tiers à agir ou à s’abstenir d’agir, ce qui constitue explicitement ou implicitement la condition à laquelle est soumise la sécurité ou la libération de l’otage.
Nos demandes pour la libération des otages
Nous demandons la libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages civils retenus dans la bande de Gaza
Nous demandons au Hamas et aux autres groupes armés de traiter avec humanité et conformément au droit international humanitaire toutes les personnes retenues en captivité, y compris les soldats israéliens.
Tous les otages doivent avoir accès au Comité international de la Croix-Rouge et être autorisés à communiquer avec leur famille.
Tous les otages blessés ou malades doivent recevoir des soins médicaux.
Nous appelons le Hamas et les autres groupes armés à veiller à ce que les otages et les autres personnes captives soient gardés dans des lieux distants des objectifs militaires, où les risques d’être touchés par des frappes israéliennes sont réduits au minimum. Ils ne doivent en aucune circonstance être utilisés comme boucliers pour protéger des objectifs militaires contre des attaques.
Alors qu’Israël poursuit ses bombardements, que le nombre de victimes civiles dont des enfants ne cesse d’augmenter à Gaza et que des civils israéliens continuent de subir des tirs de roquettes aveugles du Hamas et d’autres groupes armés, la seule réponse : un cessez-le-feu de toutes les parties au conflit !
Signez notre pétition
Demandez à Emmanuel Macron d’appeler à un cessez-le-feu immédiat de toutes les parties afin de mettre fin aux crimes de guerre, de protéger les civil.es et de faire en sorte que l’aide humanitaire puisse parvenir à Gaza.