La dangereuse tendance mondiale à mettre en avant des politiques fondées sur la haine et la division montre que les dirigeants du globe ne tiennent pas compte de manière collective des terribles leçons du génocide rwandais de 1994.
Force est de constater que, trop souvent, la conscience des dirigeants du monde est piquée uniquement au lendemain d’atrocités de masse. Dès que l’actualité évolue, les responsables politiques se remettent à colporter des discours haineux et déshumanisants qui alimentent ces terribles événements.
En seulement 100 jours, entre avril et juillet 1994, plus de 800 000 personnes étaient tuées, pour l’immense majorité des Tutsis pris pour cibles par le gouvernement dans le but d’éliminer leur groupe ethnique. Certains Hutus opposés au génocide ont également été massacrés.
Le génocide était planifié. Le gouvernement de transition arrivé au pouvoir après la mort du président Juvenal Habyarimana, son avion ayant été abattu au-dessus de la capitale Kigali, a délibérément diabolisé la minorité tutsi. Il a choisi de manipuler et d’exacerber les tensions existantes et s’est servi de la haine qu’elles avaient engendrée comme d’un levier meurtrier pour se maintenir au pouvoir.
À l’occasion de ce triste anniversaire, nous témoignons notre solidarité aux victimes, à leurs familles et aux survivants du génocide et nous associons à leur douleur et à leur peine. Commémorer ces événements doit contribuer à ranimer notre conscience et à réveiller notre humanité partagée.
Nous sommes tous des êtres humains, qui partageons les mêmes droits et le même désir d’une vie sans violences ni répression.
La montée en puissance des politiques de diabolisation continue d’éroder gravement les droits fondamentaux. Dans leur course aux votes, les responsables politiques sont prêts à désigner de manière cynique et systématique certaines personnes comme boucs émissaires, en s’appuyant sur des caractéristiques de leur identité – la religion, l’origine ethnique ou la sexualité notamment – trop souvent dans le but de détourner l’attention de l’inaptitude des gouvernements à réaliser les droits humains élémentaires qui garantiraient la sécurité économique et sociale.
Ainsi, les plus grands dirigeants du monde manient la dangereuse rhétorique du « nous contre eux », distillant la peur et la répression là où devraient prévaloir l’unité au sein de l’humanité et le respect pour les droits humains.
Au cours des 25 années qui ont suivi le génocide, le monde a été témoin de crimes innombrables relevant du droit international, ainsi que de violations des droits humains, qui découlent bien souvent des mêmes stratégies d’exclusion et de diabolisation que celles qu’a employées le gouvernement rwandais en amont du génocide de 1994.
Comprendre : Qu'est-ce qu'un génocide ?
Au Myanmar, en 2017, après des décennies de discrimination et de persécution par l’État à l’égard du groupe ethnique des Rohingyas, majoritairement musulmans, plus de 700 000 d’entre eux ont été contraints de fuir vers le Bangladesh voisin, l’armée ayant lancé une campagne de nettoyage ethnique.
Des milliers de Rohingyas ont été assassinés et ont subi des viols, des actes de torture et d’autres atteintes aux droits humains généralisées et systématiques. Saluons le fait qu’une enquête de l’ONU a demandé à ce que les hauts responsables de l’armée fassent l’objet d’investigations et soient poursuivis pour crimes contre l’humanité et génocide.
En outre, une enquête préliminaire est menée par le bureau du procureur de la Cour pénale internationale.
Plusieurs élections, événements qui amorcent trop souvent les politiques de diabolisation, sont prévues cette année, notamment en Inde et dans l’Union européenne ; aussi les dirigeants du monde doivent-ils prendre l’engagement de faire de la politique autrement.
Au lendemain du génocide au Rwanda, le monde a reconnu que l’on ne devait plus laisser les politiques de la haine et de la division s’enraciner. Pourtant, encore et encore, mortifiés par l’horreur, nous sommes témoins de nouvelles atrocités de masse.
Nous devons tirer les leçons de ces tragédies, comme la Nouvelle-Zélande semble le faire, en mettant en œuvre une politique plus ouverte qui défende notre humanité commune et nous permette de chérir nos différences.
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