En 1948, la Déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH) affirmait, pour la première fois, l'existence de droits universels applicables à tous et partout dans le monde. Soixante-dix ans après, où en sommes-nous ? Focus sur quelques uns des droits fondamentaux proclamés dans les 30 articles de la DUDH.
Article 3
Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne.
Aujourd'hui. Le recours à la peine de mort a reculé dans le monde avec plus des deux tiers (142) des pays ayant aboli en droit ou en pratique la peine capitale.
Cependant, selon les chiffres publics disponibles plus de 993 personnes ont été exécutées dans 23 pays en 2017. La Chine maintient le secret autour de ses condamnations à mort, qu’Amnesty International estime pourtant à plusieurs milliers par an.
En savoir plus : Le dernier rapport d'Amnesty International sur le recours à la peine de mort dans le monde.
Article 4
Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude.
L'esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes.
Aujourd'hui. Loin d’avoir reculé, la traite d’êtres humains et l’esclavage moderne sous ses formes diverses, telles que le travail forcé, sévissent encore largement en 2018.
Nombreuses victimes sont des femmes, exploitées sexuellement ou en tant que domestiques, et des enfants, contraints de travailler dans les mines, aux champs, ou exploités à des fins sexuelles ou pour la mendicité.
Les personnes sur le chemin de l’exil, dans un contexte de crise de l’accueil des migrants, sont aussi particulièrement vulnérables face au risque de traite et d’esclavage moderne.
En Libye, Amnesty International a dénoncé la manière dont les réfugiés et les migrants sont devenus « une ressource à exploiter, une marchandise autour de laquelle s'est développé tout un secteur d'activité » en violation flagrante de l’article 4 de la DUDH.
Article 5
Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Aujourd'hui. Bien que son interdiction soit absolue, et qu’une Convention internationale contre la torture datant de 1984 soit entrée en vigueur en 1987, la torture reste une réalité en 2018.
Amnesty International, qui a été à l’avant-garde de la campagne pour l’abolition de ce crime, continue de documenter le recours à la torture et aux mauvais traitements dans 140 pays sur 192 dans le monde ces cinq dernières années.
Article 7
Tous sont égaux devant la loi et ont droit sans distinction à une égale protection de la loi.
Tous ont droit à une protection égale contre toute discrimination qui violerait la présente Déclaration et contre toute provocation à une telle discrimination.
Aujourd'hui. Des millions d'hommes, de femmes et d’enfants continuent de subir toutes sortes de discriminations partout dans le monde. Ils sont privés de droits essentiels parce qu’ils sont « différents ».
L’adoption de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes de 1979, ratifiée par 90% des États membres de l’ONU, a permis de nombreuses avancées aux niveaux nationaux.
Cependant les violations continuent, comme en Iran par exemple, pays dans lequel les femmes restent soumises à une discrimination ancrée dans la loi et la pratique, notamment en ce qui concerne l'accès au divorce, l'emploi, l'égalité de succession et de fonction politique, ainsi que le droit de la famille et le droit pénal.
En savoir plus : Droits des femmes et discriminations envers les femmes.
Autre exemple, alors que de nombreux pays ont adopté des législations reconnaissant les droits des personnes LGBTI (lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres, intersexes), dans 76 pays l’homosexualité demeure illégale et les relations sexuelles entre adultes de même sexe sont condamnées.
Article 14
Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l'asile en d'autres pays.
Ce droit ne peut être invoqué dans le cas de poursuites réellement fondées sur un crime de droit commun ou sur des agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies.
Aujourd'hui. La crise de l’accueil des réfugiés depuis une dizaine d’années souligne la fragilité de ce droit : la très grande majorité des personnes concernées ne peut accéder à la détermination du statut de réfugié, et la reconnaissance de ce statut n’implique pas toujours l’attribution de droits égaux à ceux des nationaux, ce qu’exige pourtant le droit international.
En savoir plus : Qu'est-ce qu'un réfugié ?
Par ailleurs, de nombreux pays violent ouvertement ce droit, au nom de principes nationalistes. En 2017, selon Amnesty International, près de 47 000 demandeurs d’asile restaient bloqués en Grèce en raison de la fermeture de la route migratoire des Balkans et de la mise en œuvre de l’accord conclu entre l’Union européenne et la Turquie en mars 2016.
En savoir plus : Accord UE-Turquie : La honte de l'Europe.
En France on estime que le nombre de demandeurs d’asile en instance est de près de 126 000, dont 10 000 sont démunis d’attestations selon l'association La Cimade.
Aux États-Unis les décrets présidentiels interdisant l’entrée sur le territoire aux ressortissants de plusieurs pays à majorité musulmane ont donné lieu à des nombreux recours en justice.
Article 19
Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit.
Aujourd'hui. Les nouvelles technologies de communication permettent la liberté d’expression dans de nombreux pays soumis à la censure étatique. Cependant les gouvernements autoritaires répriment violemment l’usage de ce droit fondamental avec des peines allant parfois jusqu’à la peine de mort, ou des années d’emprisonnement, pour un tweet ou un post sur un réseau social.
Les révélations d’Edward Snowden, en juin 2013, ont permis au monde de découvrir l’ampleur des programmes de surveillance de masse des communications des États-Unis et du Royaume-Uni. Malgré le scandale provoqué, les techniques de surveillance illégale, qu’elles soient de masse ou ciblées, sont de plus en plus utilisées par des États et des entreprises pour espionner et intimider les voix qu’ils jugent contraires à leurs intérêts.
Article 26
Toute personne a droit à l'éducation.
L'éducation doit être gratuite, au moins en ce qui concerne l'enseignement élémentaire et fondamental. L'enseignement élémentaire est obligatoire. L'enseignement technique et professionnel doit être généralisé ; l'accès aux études supérieures doit être ouvert en pleine égalité à tous en fonction de leur mérite.
L'éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et au renforcement du respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle doit favoriser la compréhension, la tolérance et l'amitié entre toutes les nations et tous les groupes raciaux ou religieux, ainsi que le développement des activités des Nations unies pour le maintien de la paix.
Les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d'éducation à donner à leurs enfants.
Aujourd'hui. Plus de 60 millions d’enfants en âge d’aller à l’école primaire ne sont pas scolarisés dans le monde, en 2018. L’accès aux études supérieures ne se fait pas au seul mérite, des frais de scolarité élevés constituent souvent un obstacle. L’éducation des filles, à égalité avec les garçons, n’existe pas partout. Même si l'accès à l'éducation dans le monde montre de réels progrès, les conditions d'apprentissage sont disparates et certaines populations n'en bénéficient pas ou peu (enfants soldats, roms, personnes handicapées...).