Chaque année, Amnesty International enquête et dénonce des milliers de crimes contre les droits humains. Notre objectif : rendre justice aux victimes. Retour sur les principales enquêtes issues de notre rapport annuel qui ont marqué la justice internationale en 2024.
Enquêter, alerter, agir. Ce sont les trois mots d’ordre qui guident notre travail au quotidien. Un travail qui est encadré par le droit international.
Nos chercheur·es et expert·es sont mobilisé·es sur le terrain ou enquêtent à distance pour recueillir des preuves des crimes commis. Toutes nos enquêtes sont ensuite rendues publiques dans des rapports.
En 2024, nos enquêtes ont encore une fois servi d’éléments de preuves pour la justice internationale. A l’occasion de la publication de notre rapport annuel, revenons sur cinq enquêtes phares qui ont marqué l’année 2024.

Le génocide commis à Gaza par les autorités israéliennes.
Le 7 octobre 2023 représente une déflagration dans l’histoire du conflit en Israël et dans le reste du territoire palestinien occupé. En réponse aux terribles attaques du Hamas, l’Etat d’Israël a lancé une opération militaire marquée par un déchaînement de violence et de destruction sans précédent.
Nos chercheur·es ont travaillé sans relâche pour enquêter méthodiquement sur un ensemble de faits survenus entre octobre 2023 et juillet 2024.
Nos conclusions sont sans appel : la population palestinienne est victime d'un génocide.
Plus de 51 000 palestinien·nes ont été tué·es depuis le 8 octobre 2023
Bombardements incessants de zones densément peuplées, destruction d’hôpitaux, coupure d’eau et d’électricité, entraves à l’aide humanitaire, multiplication des déplacements forcés des populations.
Nos expert·es ont analysé l'ensemble des faits commis par les forces israéliennes qui correspondent aux actes constitutifs d’un génocide, tels qu’énoncés dans la Convention de 1948. Ils ont prouvé que ces actes ont été commis dans une intention génocidaire par les autorités israéliennes.
En plus de servir la justice, notre rapport a contribué à alerter la communauté internationale sur les atrocités commises à Gaza et à soutenir les demandes en faveur d’un cessez-le-feu.
Lire aussi : La population palestinienne de Gaza victime d’un génocide

La chute du régime en Syrie ouvre les portes de la prison de Saidnaya.
Dans la nuit du 7 décembre 2024, le régime du clan Assad s’est effondré après 50 années de règne sanglant.
Près de Damas, les images de la libération de la prison militaire de Saidnaya, symbole des horreurs du régime, ont fait le tour du monde.
13 000 personnes ont été pendues en secret en 5 ans à Saidnaya.
Nous avions dénoncé dans un rapport qui a fait date en 2017 les atrocités commises derrière les portes scellées de Saidnaya. Torture, viols, pendaisons en masse sans véritable procès : des milliers de personnes ont subi des traitements inhumains dans la prison militaire.
Notre enquête conclut à la mise en place par les autorités syriennes d’une stratégie de tortures et d’exécutions à grande échelle. Ces crimes commis à Saidnaya constituent des crimes contre l’humanité.
Avec la chute du régime revient l’espoir que ces crimes soient enfin jugés et que les éléments de notre rapport servent à la justice internationale.
Au lendemain de la chute du régime, notre chercheuse Aya Majzoub s'est rendue en Syrie où elle a récolté de nouvelles preuves des crimes commis par le régime sur des lieux longtemps inaccessibles. Ces preuves viennent s’ajouter à toutes celles récoltées dans notre rapport pour contribuer à rendre justice aux victimes.
Lire aussi : Notre enquête sur l'horrible prison de Saidnaya
Avant la chute du régime de Bachar El-Assad, l’accès à la prison de Saidnaya était impossible. Aucun journaliste, aucun·es expert·es n’avaient pu s’y rendre ou parler aux prisonniers.
Grâce à notre rencontre avec un groupe de survivants de la prison réfugiés en Turquie, nous avions pu reconstituer la prison en 3D en collaboration avec Forensic Architecture. La modélisation, notamment acoustique basée sur les souvenirs auditifs des prisonniers, a permis de reconstituer de la manière la plus réaliste possible la prison.
Lire aussi : Voir la reconstitution de la prison de Saidnaya en 3D

L’arrestation de l’ex-président Rodrigo Duterte accusé de crimes contre l’humanité aux Philippines.
Le 11 mars 2025, l’ex-président des Philippines Rodrigo Duterte est arrêté sur la base d’un mandat d’arrêt de la Cour Pénale Internationale (CPI). L'ex-président est accusé de crimes contre l’humanité commis lors de sa guerre anti-drogue qui a tétanisé le pays.
Son arrestation est un tournant pour le droit international. Elle affirme que les auteurs présumés des pires crimes, y compris les chefs d'Etats et de gouvernement, peuvent être traduits en justice, où qu’ils se trouvent dans le monde.
Le nombre de victimes de la politique anti-drogue de Duterte pourrait atteindre 30 000 morts selon la CPI et les organisations de défense des droits humains.
Dans notre enquête, nous avions mis en évidence la stratégie de meurtre à grande échelle qui vise les plus pauvres aux Philippines. La police a agi en toute impunité lorsqu’elle a assassiné des habitants des quartiers pauvres dont les noms figuraient sur des “listes de surveillance des trafiquants” établies en dehors de tout cadre légal.
Notre conclusion est claire : les crimes commis dans la guerre contre la drogue menée par le président Duterte constituent des crimes contre l’humanité.
L’arrestation de Rodrigo Duterte est une avancée remarquable pour rendre justice aux milliers de victimes du régime. Notre enquête sur les crimes commis par le régime pourra servir parmi les éléments de preuve dans le cadre de son procès.
Lire aussi : Les ravages de la « guerre contre la drogue » de Duterte

Le commerce de la mort au Soudan : un flux d’armes incessant.
La guerre civile fait rage au Soudan depuis deux ans. Avec plus de 11 millions de personnes déplacées, le pays connait la pire crise de déplacés au monde.
Ce terrible conflit et la crise humanitaire qui en découle sont alimentés par le commerce juteux des armes. C’est ce que dévoile notre enquête publiée en juillet 2024.
Nos expert·es ont analysé plus de 1 900 registres d’exportation commerciale ainsi qu’environ 2 000 vidéos et images du conflit où ils ont pu identifier les armes. Des armes en provenance de Chine, des Émirats arabes unis, de Russie, de Serbie, de Turquie, du Yémen ont été identifiées sur le champ de bataille au Soudan.
Peu après la publication de notre rapport, nos équipes ont également détecté des équipements français au Soudan. Du matériel de guerre français incorporé sur des véhicules blindés émiratis a en effet été identifié aux mains des Forces d’appui rapide (FAR), ce qui constitue probablement une violation de l’embargo de l’ONU sur les armes à destination du Darfour.
Lire aussi : Notre enquête sur les violences sexuelles commises par les Forces d’appui rapide au Soudan
Nous avons appelé la France à cesser de fournir du matériel de guerre aux Emirats Arabes Unis quand elle ne peut pas garantir par le contrôle des exportations, notamment par la certification de l’utilisateur final, que les armes ne seront pas réexportées vers le Soudan.
Notre rapport est formel : l'embargo actuel sur les armes, qui ne s'applique qu'au Darfour, est totalement inefficace. Il est urgent que les Nations unies renforcent la mise en œuvre et étendent l’embargo sur les armes à tout le Soudan pour empêcher ce commerce de la mort.
Lire aussi : Comment le commerce des armes alimente le conflit au Soudan

Des migrants travaillant pour le groupe Carrefour exploités en Arabie Saoudite.
Pendant plus d’un an, nous avons enquêté sur les conditions des travailleurs migrants employés par une filiale du groupe Carrefour en Arabie Saoudite. Nous avons recueilli les témoignages de travailleurs Indiens, Népalais, Pakistanais.
Ils ont dû payer des frais d’un montant moyen de 1200 dollars à des agents recruteurs de leur pays d’origine, pensant être embauchés dans des entreprises internationales. Mais ces travailleurs ont été victimes des mensonges de recruteurs. Ils se retrouvent employés par des sociétés intermédiaires de fourniture de main-d'œuvre saoudiennes, connues pour leurs mauvais traitements comme la confiscation de passeport.
Ces travailleurs vivent un enfer : plus de 16 heures de travail par jour, interdiction de prendre des jours de repos, hébergement dans des logements insalubres.
Dans les magasins du groupe Carrefour, les travailleurs ne sont pas traités comme des êtres humains. Les responsables traitent les employés comme des animaux.
Témoignage d’un employé du groupe Carrefour en Arabie saoudite issu de notre rapport.
Notre rapport démontre que les deux éléments clés du travail forcé – le travail contre son gré et la menace de sanction – sont présents dans les activités franchisées du groupe Carrefour en Arabie saoudite.
La loi sur le devoir des vigilances oblige depuis 2017 les grandes entreprises françaises à prévenir les atteintes aux droits humains et à l'environnement dans le cadre de leurs activités.
Lors de la publication de notre enquête, nous avons rappelé aux dirigeants du groupe Carrefour son obligation à respecter son “devoir de vigilance”.
Si le groupe Carrefour et sa franchise saoudienne Majid Al Futtaim ont déclaré avoir ouvert une enquête interne sur le traitement du personnel migrant dans leurs établissements en Arabie saoudite, aucune des deux entreprises ne s’est encore engagée à rembourser les frais de recrutement ou à indemniser les travailleurs pour les préjudices subis.
Lire aussi : Les travailleurs migrants employés par le groupe Carrefour en Arabie Saoudite subissent des abus
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