Il y a un an, le 15 août 2021, les talibans prenaient le contrôle de l’Afghanistan. Depuis, le régime a réduit à néant les maigres progrès accomplis en faveur des droits des femmes et drastiquement restreint les droits à la liberté de réunion et d’expression. Ce triste anniversaire nous permet de remettre en lumière la menace qui pèse sur des millions d’Afghans, et surtout d’Afghanes.
À retenir
En un an l’Afghanistan n’a pas progressé mais bien régressé de plusieurs décennies, éliminant tout espoir de changement par la même occasion.
Les libertés fondamentales ont drastiquement été réduites, notamment la liberté d’expression et de réunion.
Les personnes qui ne respectent pas les règles du régime taliban sont sévèrement punies (meurtres, tortures, détentions arbitraires, disparitions forcées).
Les minorités ethniques sont persécutées.
Ce sont les femmes et les filles qui payent le prix le plus élevé de ce retour en arrière.
Il y a un an, les talibans se sont publiquement engagés à protéger et promouvoir les droits humains. Pourtant la vitesse à laquelle ils réduisent à néant vingt années d’avancées en matière de droits humains est effrayante. Tout espoir de changement s’est vite évaporé, les talibans s’étant employés à gouverner par la répression violente en toute impunité.
Détentions arbitraires, tortures, disparitions et exécutions sommaires sont de nouveau à l’ordre du jour. Les femmes et les filles ont été privées de leurs droits et font face à un avenir bien sombre, dans lequel elles sont privées d’éducation et de participation à la vie publique.
La liberté d’expression et de réunion attaquées
Nos recherches ont permis de mettre en lumière un recours à une force excessive par les forces de sécurité des talibans lors de leurs opérations de maintien de l’ordre qui visent à imposer une interdiction des manifestations pacifiques. Dans plusieurs grandes villes, les forces de sécurité ont balayé les manifestations pacifiques en frappant des manifestants non armés et en leur tirant dessus.
J’ai vu un homme étendu dans une marre de sang dans un fossé, dans la rue, je pense qu’il avait été tué… J’ai eu la main fracturée, mais je ne suis pas allé à l’hôpital par crainte d’être arrêté pour avoir participé aux manifestations.
Un manifestant de la province de Hérat
Cette répression vise les défenseurs des droits humains et les militants de la société civile, dont un grand nombre ont été harcelés, menacés, arrêtés, voire tués en raison de leur travail de défense des droits humains.
La liberté de la presse est également attaquée. Le 19 septembre 2021, le Centre d’information et des médias du gouvernement (GMIC), contrôlé par les talibans, a publié une ordonnance aux formulations vagues interdisant aux journalistes de publier des articles « contraires à l’islam » ou « insultant des personnalités nationales ».
Au cours de l’année écoulée, plus de 80 journalistes ont été arrêtés et torturés pour avoir couvert des manifestations pacifiques.
J’ai été frappé et fouetté si fort aux jambes que je ne pouvais plus me lever… Ma famille a signé un document par lequel elle promettait que je ne révèlerais pas ce qui m’était arrivé après ma libération, faute de quoi les talibans auraient le droit d’arrêter toute ma famille.
Un journaliste
L’opposition sévèrement punie
Depuis août 2021, plusieurs informations ont indiqué que des soldats talibans avaient frappé et torturé des membres de la population afghane considérés comme ayant enfreint des décrets talibans ou accusés de travailler avec l’ancien gouvernement.
Des centaines de civils ont été arrêtés illégalement. Nombre de ces personnes ont été frappées avec des crosses de fusil ou fouettées lors de leur arrestation. Sahiba* [son nom a été modifié], une manifestante, a déclaré que son corps était couvert d’ecchymoses une fois que les talibans en avaient eu terminé avec elle.
« Il n’y a eu ni tribunal, ni inculpation, ni procédure régulière. Nous avons été enlevées dans la rue et emprisonnées dans une prison privée pendant plusieurs jours pendant lesquels nous n’avons pas pu contacter notre famille, un avocat ou tout autre représentant… Certaines des femmes et des filles qui étaient dans la même pièce que moi ne sont jamais revenues et aucune d’entre nous ne savait ce qui leur était arrivé », a témoigné Sahiba.
Des exécutions extrajudiciaires et des disparitions forcées
Les homicides motivés par la vengeance, les exécutions sommaires de combattants présumés de la résistance et d’autres crimes qui auraient été commis depuis la prise de pouvoir des talibans pourraient constituer des crimes de guerre.
Des centaines d’exécutions extrajudiciaires ont eu lieu, et des corps avec des blessures par balle et des marques de torture ont été retrouvés. Des dizaines de personnes prises pour cible en raison de leur travail avec le gouvernement précédent ou de leur implication présumée dans la résistance contre les talibans ont disparu, et on ignore toujours où elles se trouvent.
Torab Kakar, 34 ans, a déclaré que bien qu’il ait reçu une « lettre d’amnistie » des talibans son ami Jalal, qui avait été membre des Forces de sécurité et de défense nationale afghanes (ANDSF), avait été arrêté et conduit vers un lieu inconnu par les talibans.
Selon des témoins interrogés, les talibans ont exécuté de manière extrajudiciaire neuf anciens membres des ANDSF alors qu’ils s’étaient rendus, et ces homicides pourraient constituer des crimes de guerre.
Des minorités ethniques et religieuses persécutées
Dans les semaines qui ont suivi la prise de pouvoir des talibans, des informations indiquent que des personnes non pachtounes avaient été expulsées de force de leurs maisons et de leurs fermes afin que les talibans puissent récompenser leurs sympathisants. Ils leur ont offert les terres prises aux personnes hazaras, turkmènes et ouzbeks.
Des expulsions ont été signalées dans tout le pays, notamment dans les provinces de Balkh, du Helmand, de Daikundi, de Kandahar et de l’Uruzgan, ce qui a augmenté le nombre déjà très élevé de personnes déplacées à l’intérieur du pays.
Selon les Nations unies
Le 30 août 2021, les talibans ont tué illégalement treize Hazaras, dont une fille de 17 ans, dans la province de Daikundi.
Les droits des femmes et des filles anéantis
L’histoire se répète… Je regarde mon uniforme, je me souviens des journées d’école, des élèves et des enseignants, mais je n’ai pas d’autre choix que rester à la maison.
Une enseignante de 29 ans à Kaboul
Depuis leur prise de pouvoir, les talibans soumettent les femmes et les filles à de plus en plus de violences. Parfois uniquement pour punir les membres de leur famille.
Lire aussi : Comment les talibans s’attaquent aux droits des femmes et des filles
Lida, l’épouse d’un ancien membre des forces de sécurité afghanes, a été abattue par deux talibans armés à moto. La femme de 22 ans, enceinte de huit mois, a été tuée avec ses deux enfants âgés de deux et quatre ans.
Des dizaines de femmes ont été arrêtées et torturées pour avoir organisé des manifestations pacifiques pour revendiquer leurs droits, dans un contexte de restrictions croissantes de leurs libertés.
Les talibans ont restreint le droit à l’éducation, ruinant l’avenir de millions de filles afghanes. Lorsque les établissements d’enseignement secondaire ont rouvert, le 17 septembre 2021, les talibans ont interdit aux filles scolarisées au-delà de la sixième d’aller en classe. À l’époque, ils ont affirmé qu’il s’agissait d’une mesure temporaire, dans l’attente du recrutement de davantage d’enseignantes et de la mise en place de conditions « appropriées » pour une ségrégation de l’éducation fondée sur le genre.
À ce jour, aucune de ces mesures n’a été mise en œuvre.
Nos demandes
Nous appelons les talibans à cesser immédiatement de commettre de graves atteintes aux droits humains et crimes au regard du droit international. En tant qu’autorités de facto de l’Afghanistan, les talibans doivent de toute urgence rétablir, protéger et promouvoir les droits de la population afghane.
Pour empêcher que la crise des droits humains en Afghanistan ne s’aggrave encore davantage, la communauté internationale doit prendre des mesures significatives pour amener les talibans à rendre des comptes pour ces crimes