Pour redonner confiance à des personnes précaires, Making Waves les forme à la radio. Cette association animera des émissions quotidiennes au Festival d’Avignon
Extrait de la Chronique de juin 2024 # 451
par Adélaïde Robault
A Noisy-le-Sec (Seine- Saint-Denis), un immeuble rétro abrite un studio de podcast pas comme les autres. Dans un open space calme et lumineux, une douzaine de personnes en insertion réalisent des reportages et des récits radiophoniques.
Au menu : des sujets sociaux et culturels, commandés par des collectivités territoriales, des institutions et des clients privés.
Créé en 2019, Making Waves incarne le projet d’un collectif de journalistes et de professionnels dans une démarche d’éducation populaire. « Ici, c’est ma maison », confie Basma Nasser, 29 ans. Formée à la presse écrite et à la télévision au Yémen, elle souhaitait aborder des sujets comme le sida, l’homosexualité, la laïcité, les droits des femmes... Emprisonnée, en danger de mort, elle s’est réfugiée en France. Très attachée à son métier, Basma* a postulé à Making Waves sans trop y croire. L’association ,accueille en permanence 11 personnes en insertion. « Elles n’ont pas de profil particulier, certaines étaient à la rue, d’autres sont des jeunes de moins de 26 ans, orientés par les missions locales, d’autres encore sont sous main de justice », précise Mohammed Bensaber. Ce directeur du pôle insertion et éducation populaire se veut attentif à la parité, au mélange, des générations et aux parcours de vie complexes.
Un outil d’émancipation
Chez Making Waves, on apprend en faisant. Clément Nouguier a quitté Radio France pour devenir responsable du studio de podcast et de la production. Systématiquement, il envoie les nouvelles recrues réaliser un ,micro-trottoir. À raison de quatrejours par semaine, les salariés maîtriseront la conception d’un projet radiophonique de A à Z, le montage, l’habillage s onore, l’écriture, le travail de la voix. Plus que de former des professionnels de la radio, Making Waves vise à leur redonner confiance en soi. « La radio est un outil d’émancipation qui apprend à prendre la parole, à revendiquer le droit d’être ,écouté, entendu et aussi le droit à la différence d’opinion », estime Mohammed Bensaber. ,Ici, pas de questions convenues. Quand les apprentis journalistes interviewent l’ancien ministre Pap Ndiaye sur le harcèlement ou la déscolarisation, ils savent de quoi ils parlent. Actualité oblige, toute l’équipe a prévu plusieurs reportages pour les JO, notamment sur la place des Roms en Seine-Saint-Denis ou la vie en maison d’arrêt. « On passe notre temps à enregistrer le réel », résume Clément Nouguier.
Les deux ans de contrat offrent également une pause afin de retrouver un logement, de réfléchir à une formation,* un projet professionnel ou personnel. « C’est un temps pour réorganiser sa vie, complète Alexandre Plank, directeur éditorial et cofondateur. Certains salariés nous ont quittés pour aller vers un CAP, une formation en coiffure ou devenir coach sportif. En général, quatre personnes partent prématurément parce qu’elles ont trouvé un stage, un CDD ou un CDI. Elles sont immédiatement remplacées par les candidats en attente. À ce jour, le studio affiche 21 retours à un emploi stable depuis sa création. Casque sur les oreilles, Brandy Neumager finit de monter un podcast réalisé avec la radio francilienne Zebrock. La jeune femme, diplômée d’une école de cinéma, n’avait pas le réseau pour se tailler une place dans ce milieu très compétitif. « Ici, on nous laisse le temps de travailler sur nos projets, explique-t-elle. La cohésion d’équipe est super. Les plus anciens, Momar et Jay, nous coachent. » L’an dernier, Brandy a participé au projet « À la jeunesse les micros » durant le Festival d’Avignon (voir encadré). « Cela a été une expérience incroyable qui m’a aidée à savoir ce que je voulais devenir, analyse- t-elle. J’en suis revenue changée. Je doute moins et je me mets plus vite au travail. Ma rencontre avec l’autrice Rébecca Chaillon m’a montré que le théâtre pouvait être engagé. » Cet été, elle laissera la place à Basma, ainsi qu’à Clément, 24 ans, de Haute-Savoie, et Miguel, 21 ans, d’Avignon.
Orientés par leur mission locale ou en service civique, tous deux ont participé à des formations avec Alexandre Plank et sa consœur Hélène Bensoussan pourse préparer au mini-marathon radiophonique qui les attend.
« Je n’écoute pas beaucoup la radio, et j’ai compris tout le travail que cela demande, explique Clément. Ce n’est pas juste parler dans un micro. À Annecy, on a créé une émission à partir de rien sur le thème de la santé mentale des jeunes. En quatre jours. » Miguel a voulu participer au projet après avoir vu les images de l’édition 2023. Un galop d’essai pour mieux s’exprimer, poser sa voix et « s’entraîner aux entretiens d’embauche ». Se rendre à Avignon sera aussi l’occasion de découvrir les coulisses du festival, et surtout rencontrer des gens qui ne l’auraient jamais écouté autrement.
Fréquence Avignon
Du 10 au 21 juillet, Making Waves animera des émissions quotidiennes de 18 h à 19 h, depuis le cloître Saint-Louis, à Avignon. L’équipe sera composée de 14 stagiaires venus de Seine-Saint-Denis, du Vaucluse et de Haute-Savoie. Au programme : des reportages et des plateaux en direct pour recevoir des professionnels du spectacle mais pas que... La première rencontre sera consacrée à la « surveillance » en présence de Katia Roux et de Justine Payoux, d’Amnesty International France. L’intégralité des émissions sera retransmise par des radios associatives et étudiantes.
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