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Peine de mort et torture

Peine de mort : le combat délaissé des élections américaines

Le sujet de la peine de mort a disparu des débats de la course à la Maison-Blanche. Trop peu porteur, compliqué, dangereux même : ni Donald Trump ni Kamala Harris ne se risquent à l’évoquer, de peur de perdre des électeurs au lieu d’en gagner d’autres.

Extrait de La Chronique numérique #256

— Par Karen Lajon

2 198 condamnés attendent actuellement leur exécution dans les couloirs de la mort aux États-Unis. 24 ont été exécutés en 2023, principalement dans les États du Texas, de la Floride ou de l’Alabama. Le sujet reste clivant aux États-Unis, où 55 % des citoyens se déclarent favorables à la peine capitale (sondage Gallup de janvier 2023). Mais, constate Abraham Borowitz, directeur de l’ONG Death Penalty Action qui milite pour l’abolition, il est de plus en plus absent des débats des grandes campagnes électorales. Les candidats des deux camps n’ont, selon lui, « rien à gagner » à provoquer ou à brusquer les électeurs sur le maintien ou l’abolition de la peine de mort, au risque de diviser davantage leur base électorale.

Et c’est ainsi depuis plusieurs années. « Pour que l’on trouve la peine de mort au centre des débats, il faut remonter à 1988 », rappelle l’avocate des droits humains Melanie Kalmanson, qui tient le blog The Tracking Florida’s Death Penalty. Cette année-là, le candidat démocrate de l’État du Massachusetts, Michael Dukakis, promettait d’abolir la peine de mort. Lors d’un débat télévisé, un journaliste lui demande s’il reviendrait sur son choix si sa femme était « violée et assassinée ». Dukakis avait froidement répondu « non », passant aux yeux de nombreux Américains pour un « sans-cœur » et un « insensible ». Cela avait pesé dans sa défaite face à George Bush, qui défendait la peine capitale.

«  Les droits humains ne sont pas une priorité pour les électeurs d’aujourd’hui »

— Abraham Borowitz, directeur de l’ONG Death Penalty Action

Le sujet ne fait plus la une

Depuis, constate Abraham Borowitz, le sujet ne hante plus les débats présidentiels, et pas davantage les médias. « Les crimes violents ont augmenté pendant la pandémie du Covid-19, et les politiques se sont crispés, analyse Maurice Chammah, journaliste à The Marshall Project et Prix Pulitzer en 2021. Les démocrates, qui ont pris un virage plus conservateur depuis un certain temps, ont craint d’être perçus comme “faibles”. Depuis, cette question est savamment évitée, et la presse ne s’en empare que lorsqu’il y a une innocence à la clé. » Un constat que partage son confrère Steven Hale, reporter au National Banner, à Nashville, dans le Tennessee : « On exécute moins qu’auparavant, ce qui explique que le sujet ne fasse plus aussi souvent la une des journaux. En dehors de quelques activistes, la plupart des Américains se désintéressent du problème. Mais tout peut changer si Donald Trump remporte l’élection. Pendant son mandat, il a montré qu’il n’avait aucune indulgence. Le sujet pourrait alors revenir sur le devant de la scène. »

Kamala Harris et Donald Trump ont chacun des raisons différentes d’éviter ou non de l’aborder. Surnommée Kamala The Cop (« Kamala la flic ») à l’époque où elle était procureure générale à San Francisco, Kamala Harris a toujours clamé son rejet de la peine capitale. Lorsqu’elle s’est présentée aux primaires démocrates pour l’élection présidentielle de 2020 (avant de se retirer et de devenir colistière de Joe Biden, puis vice-­présidente en 2021), elle a rappelé qu’elle la jugeait « immorale, inefficace, et irréversible ». En promettant qu’une fois élue, elle l’abolirait au niveau fédéral. Mais la thématique ne figure plus sur son programme. « Elle n’a aucun intérêt à aborder ce sujet, souligne Abraham Borowitz. Elle risquerait de heurter les démocrates conservateurs favorables à la peine capitale. » D’autant que « les droits humains ne sont pas une priorité pour les électeurs d’aujourd’hui », complète le militant abolitionniste. Les enquêtes d’opinion, en effet, placent l’économie, l’avortement, l’immigration en tête des préoccupations des Américains, et non la peine de mort.

Lire aussi : Elections américaines, apocalypse now.

Pour Donald Trump, le positionnement est beaucoup plus volontaire. Élu président en 2016, il a relancé en 2019 les exécutions fédérales après une pause de dix-sept ans. Dix exécutions ont eu lieu en six mois durant son mandat, à la satisfaction d’une partie de son électorat. Mais sa base catholique et une partie des évangéliques restent opposées à toute interruption de vie, qu’il soit question d’avortement ou de peine capitale. Ses conseillers ont tenté de le convaincre d’éviter le plus possible le sujet, mais Trump n’en a rien fait. Il a continué de défendre la peine de mort dans ses gigantesques rassemblements.

N’empêche. Lors du débat télévisé du 10 septembre, le républicain s’est affronté avec la démocrate sur plusieurs thèmes. L’immigration, le coût de la vie, la criminalité et le droit à l’avortement. Ils n’ont pas échangé un seul mot sur la peine capitale.

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