Au lendemain des crimes atroces commis par le Hamas le 7 octobre 2023, le Hezbollah a lancé à son tour une attaque contre Israël. Des salves de roquettes ont été tirées sur des zones civiles densément peuplées pendant des mois, provoquant une riposte de l’armée israélienne dans le sud du Liban. Notre nouvelle enquête analyse les attaques répétées menées par le Hezbollah. Certaines bafouent le droit international humanitaire et pourraient constituer des crimes de guerre.
Depuis le 8 octobre 2023, les affrontements entre Israël et le Hezbollah ont causé de lourdes pertes humaines et d'importants déplacements de populations, aggravant la situation humanitaire dans la région.
Nous avons examiné trois attaques de roquettes du Hezbollah sur des zones civiles israéliennes fin octobre 2024.
Le constat est clair : le Hezbollah a utilisé à plusieurs reprises des armes imprécises qui tuent et blessent des civil·e·s en Israël.
Résultat : Les frappes aveugles que nous avons étudiées ont fait huit morts et 16 blessés.
Les attaques menées directement contre des civils et des biens de caractère civil et menées sans discrimination doivent faire l’objet d’enquêtes en tant que crimes de guerre.
➡️Au Liban, les frappes israéliennes ont fait 4 047 morts, dont des familles entières, et 16 000 blessés, tandis que 1,2 million de personnes ont été contraintes de fuir. Ces déplacements ont été compliqués par des ordres d’« évacuation » jugés inadaptés voire trompeurs.
➡️En Israël, les attaques du Hezbollah ont tué plus de 100 personnes et forcé environ 63 000 résidents du nord à se réfugier ailleurs. Le groupe a tiré des milliers de roquettes par nature imprécises sur Israël et le plateau du Golan occupé. Bien que le système antimissile israélien, le « Dôme de fer », intercepte de nombreuses roquettes, certaines ont échappé à la défense.
Comment avons-nous enquêté ?
Notre Laboratoire de preuves, L’Evidence Lab, a vérifié 13 vidéos et six photos liées aux attaques documentées.
Nos experts en armement ont par ailleurs contribué à analyser que les armes utilisées étaient par nature imprécises, car il est impossible de les diriger avec précision ou de prévoir leur impact exact. Il s’agit des systèmes de lance-roquettes multiples (MLRS) non guidés et différentes tailles de roquettes (122 mm, 220 mm, 240 mm et 302 mm). L’utilisation de telles armes dans des zones densément peuplées a mis en danger les civil·es.
Les tirs irresponsables par le Hezbollah de salves de roquettes non guidées tuent et blessent des civil·e·s en Israël, tout en détruisant et endommageant des habitations civiles.
Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty International
Dans un conflit, les parties doivent constamment faire la distinction entre civils et combattants, ainsi qu’entre biens civils et objectifs militaires. Les attaques doivent être dirigées exclusivement contre des combattants et des objectifs militaires, et non contre des civils. Les attaques directes sur des civils ou des biens civils, ainsi que l’utilisation de munitions imprécises dans des zones peuplées, enfreignent le droit international humanitaire en raison de leur caractère indiscriminé.
Même si, dans certains cas, Israël place ses forces militaires dans ou près de zones civiles, cela n’exonère pas le Hezbollah de sa responsabilité. Ce dernier doit, en toutes circonstances, prendre les mesures nécessaires pour éviter ou au moins minimiser les dommages causés aux civils et aux infrastructures.
L'utilisation d'armes explosives à large rayon d'impact, comme les salves de roquettes, dans des zones densément peuplées, peut violer l'interdiction d'attaques indiscriminées. Ces armes, en raison de leur imprécision, risquent également de provoquer des effets disproportionnés, mettant ainsi en danger la vie des civils.
Cibler délibérément la population civile ou des biens civils, ou lancer des attaques sans discernement, entraînant la mort ou des blessures parmi les civils, constitue un crime de guerre.
Attaque du 29 octobre 2024 à Tarshiha, dans le nord d’Israël
Le 29 octobre 2024, vers 10 h 40, le Hezbollah a tiré une salve de roquettes sur le nord d’Israël. L’une des roquettes a touché la maison de Mohammed Naim, un citoyen palestinien d’Israël âgé de 23 ans. Il est mort sur le coup. Selon le ministère israélien des Affaires étrangères, 13 autres personnes ont été blessées lors de cette attaque.
Toutes les maisons n’ont pas pu être protégées.
Yasser Naim, père de Moahammed tué lors de l’attaque du Hezbollah
Yasser Naim, le père de Mohammed, nous a expliqué que son fils emmenait ses deux jeunes frères et sœurs dans un abri à l’intérieur de leur maison lorsque la roquette a frappé. À quelques secondes près, Mohammed Naim aurait atteint l’abri pour se mettre en sécurité. Yasser Naim a indiqué que des dizaines de roquettes étaient dirigées vers la ville et que le Dôme de fer, le système israélien de défense antimissile, n’avait pas réussi à intercepter certains projectiles.
Au départ, le Hezbollah a annoncé sur sa chaîne Telegram que la cible était le village de Kfar Vradim. Cependant, lorsqu’il a appris la mort d’un citoyen palestinien d’Israël, le Hezbollah a modifié son annonce et diffusé une vidéo affirmant qu’il avait pris pour cible des soldats israéliens à Maalot-Tarshiha.
Attaque du 31 octobre 2024 sur Metula et Krayot
Le 31 octobre 2024, le Hezbollah a lancé 18 salves de roquettes imprécises sur des villes des deux côtés de la frontière. Parmi les villes israéliennes touchées figuraient celles de Karmiel, d’Acre, et les banlieues de Haïfa dans les Krayot. L’armée israélienne a indiqué que 90 roquettes avaient atteint le territoire israélien. Au total, sept civil·e·s ont perdu la vie dans deux de ces attaques. Le Hezbollah a affirmé qu’il ciblait des soldats israéliens situées au sud de Khiam, au Liban, et dans la région des Krayot, en Israël. Pourtant, aucun militaire israélien n’a été touché.
➡️La première frappe a touché un verger à Metula, une ville israélienne. Cinq civil·es présents dans une ferme ont été tués : Omer Weinstein, un Israélien, et quatre travailleurs migrants thaïlandais, Akkapon Wannasai, Prayat Pilasram, Kaweesak Papanang et Thana Tichantuek. Une sixième personne a été blessée.
➡️Lors de la deuxième attaque, deux citoyens palestiniens d’Israël, ont été tués alors qu’ils cueillaient des olives dans un verger situé entre Shefa-Amr et Kiryat Ata : Mina Shafiq Hassoun, 60 ans, et son fils Karmi Raja Hassoun, 30 ans. Deux autres personnes ont été blessées.
Le Hezbollah a publié une vidéo censée montrer le lancement des tirs et indiquant que la cible était la banlieue des Krayot, une zone civile le long de la côte israélienne. L’attaque a été menée à l’aide de roquettes Fadi-1 de 220 mm non guidées. L’endroit effectivement frappé se trouvait à environ sept kilomètres de la cible annoncée, ce qui illustre bien l’imprécision inhérente à ces roquettes et le caractère illégal de leur utilisation – même contre des cibles militaires dans des zones civiles.