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URGENCE GAZA-ISRAËL

Face à l’horreur, agissez avec nous pour exiger un cessez-le-feu immédiat et la protection des civils.

Un ancien prisonnier détenu par Israël pendant l'opération militaire à Rafah retrouve son frère après sa libération à l'hôpital des Martyrs d'Aqsa à Deir el-Balah dans le centre de la bande de Gaza le 17 juillet 2024, © Eyad BABA / AFP
Conflits armés et protection des civils

A Gaza, les Palestiniens et Palestiniennes victimes de détention arbitraire et de torture

Vivre sous la menace des bombes n’est pas le seul fléau auquel les Palestiniens et Palestiniennes font face au quotidien depuis le 7 octobre 2023. Des milliers d’entre eux sont aussi maintenus en détention de manière totalement arbitraire par l’État d’Israël. Nous avons recueilli les témoignages de 27 personnes détenues, dont un garçon de 14 ans, qui font état de torture. Une situation terrible permise par la Loi sur l’incarcération des combattants illégaux, une loi abusive dont nous demandons l’abrogation.

La Loi sur l’incarcération des combattants illégaux permet aux autorités israéliennes de détenir de manière illimitée, sans inculpation ni procès, des Palestiniens et Palestiniennes de la bande de Gaza occupée. Cette loi est contraire au droit international. Par ailleurs, en codifiant la détention au secret elle permet le recours à la torture de personnes détenues arbitrairement au secret. Elle doit être abrogée.

Lire aussi : Israël/Gaza : l'horreur, jusqu'à quand ? 

Une loi en violation flagrante du droit international  

La Loi sur l’incarcération des combattants illégaux a été promulguée en 2002. Elle donne aujourd’hui à l’armée israélienne de vastes pouvoirs lui permettant de placer en détention pour des périodes indéfiniment renouvelables toute personne de Gaza qu’elle soupçonne d’avoir participé à des hostilités contre Israël ou de représenter une menace pour la sécurité de l’État, sans devoir produire de preuves appuyant ces allégations

La Loi sur l’incarcération des combattants illégaux a été invoquée pour la première fois en cinq ans à la suite des terribles attaques perpétrées par le Hamas et d’autres groupes armés le 7 octobre 2023 dans le sud d’Israël.  

L’armée israélienne avait initialement invoqué la loi pour placer en détention des personnes accusées d’avoir participé aux attaques du 7 octobre, mais peu de temps après, elle a étendu son utilisation pour permettre la détention massive de Palestiniens et Palestiniennes de Gaza sans inculpation ni procès. En l’absence de procédure régulière, de simples civil·es ont été arrêtés en vertu de cette loi, au même titre que des personnes directement impliquées dans des hostilités. 

Une loi modifiée en décembre 2023 afin de durcir les conditions de détention  

En décembre 2023, les autorités israéliennes ont adopté une modification provisoire de la loi qui a durci les conditions de détention au secret. Les conditions sont désormais les suivantes : 

👉 Au cours des 45 premiers jours de détention, l’armée n’est pas tenue de produire un ordre de détention.  

👉 La loi prive les personnes détenues de contact avec un·e avocat·e pendant une période pouvant aller jusqu’à 60 jours, codifiant ainsi la détention au secret, ce qui permet alors des actes de torture et d’autres mauvais traitements.  

👉 Les personnes détenues doivent être présentées à un·e juge, à des fins de révision judiciaire, dans un délai maximal de 75 jours après leur arrestation, mais dans les faits, les juges approuvent souvent automatiquement les ordres de détention dans des simulacres de procédures.  

👉 La loi ne prévoit pas de durée maximale de détention et autorise les services de sécurité à maintenir les personnes en détention au titre d’ordres renouvelables indéfiniment. 

👉 Les éléments de preuve justifiant la détention ne sont communiqués ni à la personne détenue ni à son avocat·e. Ainsi, nombre de ces personnes sont détenues pendant des mois sans avoir la moindre idée des motifs de leur détention, ce qui est contraire au droit international, sont privées de tout lien avec leur famille et leurs proches et ne peuvent pas contester les motifs de leur détention. 

Deux anciens détenus ont déclaré à Amnesty International avoir été présentés à un juge à deux reprises lors d’audiences en ligne et n’avoir pu ni parler ni poser des questions à ces deux occasions. Ils ont simplement été informés que leur détention avait été renouvelée pour 45 jours. Ils n’ont jamais été informés du fondement juridique de leur arrestation ni des éléments de preuve présentés à leur encontre pour justifier leur arrestation. 

Nos recherches révèlent que les autorités israéliennes utilisent la Loi sur l’incarcération des combattants illégaux pour arrêter arbitrairement des civil·es palestiniens de Gaza et les plonger dans une sorte de trou noir pendant des périodes prolongées, sans produire la moindre preuve que ces personnes constituent une menace pour la sécurité et en l’absence de toute procédure régulière. Les autorités israéliennes doivent immédiatement abroger cette loi et libérer les personnes détenues arbitrairement au titre de celle-ci.

Agnès Callamard
Secrétaire générale d’Amnesty International

Au-delà de cette loi, les autorités israéliennes emprisonnent depuis longtemps des Palestiniens et Palestiniennes sans inculpation ni jugement, en recourant systématiquement à la détention administrative ce qui est l’un des éléments clés du système d’apartheid d’Israël. D’après des organisations israéliennes de défense des droits humains, au 1er juillet 2024, les autorités israéliennes maintenaient 3 379 personnes en détention administrative, dont la vaste majorité sont des Palestiniens et Palestiniennes de Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est. 

Les témoignages glaçants de torture pendant la détention  

Nous avons recueilli des informations sur 27 personnes palestiniennes, dont cinq femmes, 21 hommes et un garçon de 14 ans, qui, au titre de cette loi, ont été maintenues en détention sans pouvoir contacter leurs avocat·es ou leur famille pendant des périodes allant jusqu’à quatre mois et demi.  

Parmi les personnes détenues figurent des médecins arrêtés dans des hôpitaux pour avoir refusé d’abandonner leurs patient·es, des mères séparées de leurs nourrissons alors qu’elles essayaient de traverser le soi-disant « couloir de sécurité » du nord de Gaza vers le sud, des défenseur·es des droits humains, des employé·es de l’ONU, des journalistes et d’autres civil·es. 

Ces personnes, arrêtées à Gaza, ont ensuite été transférées vers Israël et maintenues en détention dans des établissements de l’armée ou des Services pénitentiaires israéliens. 

Toutes les personnes avec qui nous nous sommes entretenues ont déclaré que, pendant leur détention au secret, qui dans certains cas s’apparente à une disparition forcée, l’armée, les services de renseignement et la police les avaient soumises à des actes de torture et d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants

Les Services pénitentiaires israéliens ont confirmé à l’ONG israélienne Hamoked qu’au 1er juillet 2024, quelques 1 402 Palestiniens et Palestiniennes étaient détenus au titre de la Loi sur l’incarcération des combattants illégaux. Ce chiffre ne comprend pas les personnes détenues pour une période initiale de 45 jours sans ordre de détention officiel. 

Lors de notre enquête, nous avons constaté des marques et ecchymoses correspondant à des actes de torture sur au moins huit des ancien·nes détenu·es interrogés en personne et nous avons examiné les dossiers médicaux de deux autres détenus libérés, qui corroborent leurs allégations de torture. 

Le Laboratoire de preuves du programme Réaction aux crises d’Amnesty International a vérifié et géolocalisé au moins cinq vidéos d’arrestations massives, et notamment des vidéos dans lesquelles apparaissent des détenus filmés alors qu’ils ne portaient que leurs sous-vêtements après avoir été arrêtés dans le nord de Gaza et à Khan Younès. Le fait d’imposer une nudité publique forcée pendant des périodes prolongées est contraire à l’interdiction de la torture et des autres mauvais traitements et constitue une forme de violence sexuelle

Des hommes qui ont été détenus dans le tristement célèbre camp militaire de Sde Teiman, près de Beersheba, dans le sud d’Israël, ont déclaré avoir eu les yeux bandés et avoir été menottés pendant toute la durée de leur détention dans ce camp. Ils ont déclaré avoir été forcés à rester dans des positions douloureuses pendant de longues heures et avoir été empêchés de se parler ou de lever la tête. Ces témoignages correspondent aux conclusions d’autres organisations de défense des droits humains et organes des Nations Unies, ainsi qu’à de nombreuses informations fondées sur des témoignages de lanceurs d’alerte et de détenus libérés. 

Un détenu libéré en juin après 27 jours de détention dans un baraquement avec au moins 120 autres personnes a déclaré que les détenus étaient roués de coups par des militaires et soumis à des attaques de chiens, simplement pour avoir parlé à un autre détenu, levé la tête ou changé de position. 

Said Maarouf, un pédiatre de 57 ans qui a été arrêté par l’armée israélienne lors d’une descente dans l’hôpital baptiste al Ahli, dans la ville de Gaza, en décembre 2023, et maintenu en détention pendant 45 jours dans le camp militaire de Sde Teiman, a expliqué que les gardiens l’avaient maintenu les yeux bandés et menotté pendant toute la durée de sa détention et qu’il avait été affamé, frappé à plusieurs reprises et contraint de rester à genoux pendant des périodes prolongées.  

Dans une autre affaire, l’armée israélienne a arrêté un enfant de 14 ans à son domicile à Jabalia, dans le nord de Gaza, le 1er janvier 2024. Il a été maintenu en détention pendant 24 jours dans le centre de détention militaire de Sde Teiman dans un baraquement avec au moins 100 détenus adultes. Des militaires qui l’interrogeaient l’ont soumis à des actes de torture, et lui ont notamment infligé des coups de pied et des coups de poing au cou et à la tête. Il a déclaré avoir été brulé avec des cigarettes à plusieurs reprises. L’enfant portait sur son corps des marques de brulures de cigarettes et des ecchymoses lorsqu’Amnesty International s’est entretenue avec lui le 3 février 2024, dans l’école dans laquelle il avait trouvé refuge avec d’autres familles déplacées. Pendant sa détention, il n’a pas été autorisé à appeler sa famille ou à voir un·e avocat·e et a été maintenu les yeux bandés et menotté. 

Le 5 juin 2024, les autorités israéliennes ont annoncé leur projet d’améliorer les conditions de détention dans le camp militaire de Sde Teiman et de limiter le nombre de personnes détenues sur le site, en réponse à une pétition d’organisations israéliennes de défense des droits humains demandant sa fermeture. Cependant, plus d’un mois plus tard, la situation semble avoir peu changé.  

Fait rare, l’avocat Khaled Mahajna a été autorisé à entrer à Sde Teiman le 19 juin. Il a déclaré que son client, Mohammed Arab, un journaliste détenu, lui avait dit qu’il était détenu avec au moins 100 personnes dans le même baraquement, dans des conditions inhumaines, et que les détenus n’avaient constaté aucune amélioration au cours des deux dernières semaines. Il a également déclaré être détenu à Sde Teiman depuis plus de 100 jours, sans même savoir pourquoi. 

Des femmes détenues victimes de torture

Parmi les anciens détenu·es que nous avons interrogés, figuraient cinq femmes, qui avaient toutes été détenues au secret pendant plus de 50 jours.  

Elles ont d’abord été détenues dans un camp réservé aux femmes au centre de détention militaire d’Anatot, dans une colonie israélienne illégale près de Jérusalem, en Cisjordanie occupée, puis dans la prison pour femmes de Damon, dans le nord d’Israël, qui est contrôlé par les Services pénitentiaires israéliens. Aucune des cinq femmes n’a été informée des motifs de son arrestation ou présentée à un·e juge. Toutes ont déclaré avoir été frappées pendant le trajet vers le centre de détention.  

L’une d’elles, arrêtée le 6 décembre chez elle, a déclaré qu’elle avait été séparée de ses deux enfants, de quatre ans pour l’un et neuf mois pour l’autre, et détenue dans un premier temps avec des centaines d’hommes. Elle a été accusée d’être membre du Hamas, frappée, forcée à retirer son foulard et photographiée sans. Elle a également évoqué la souffrance causée par le simulacre d’exécution de son mari :  

« Le troisième jour de détention, ils nous ont mis dans un fossé et ont commencé à jeter du sable. Un militaire a tiré deux coups de feu en l’air et a dit qu’ils avaient exécuté mon mari. Je me suis écroulée et je l’ai supplié de me tuer également, pour me libérer du cauchemar », a-t-elle déclaré.   

« J’étais terrifiée et j’avais peur pour mes enfants », a déclaré une autre ancienne détenue, ajoutant que ses demandes répétées d’informations quant à ses enfants ont été ignorées par les gardiens, qu’elle avait entendus rire et se moquer d’elle.  

Elle a expliqué qu’après trois semaines de détention à la prison de Damon, on lui avait indiqué qu’elle allait être libérée. Elle a été menottée, a eu les yeux bandés et les pieds enchaînés et a été conduite vers un autre lieu. À son arrivée, au lieu d’être libérée, elle a subi une fouille au corps violente aux mains de gardiens, qui ont utilisé un grand couteau pour déchirer ses vêtements. Elle a ensuite été renvoyée à Anatot pour 18 jours supplémentaires.  

Elle a également déclaré au cours de son témoignage avoir été menacée par des gardiens, qui ont dit : « Nous allons vous faire ce que le Hamas nous a fait, nous allons vous enlever et vous violer. » Elle n’a jamais été informée des motifs de sa détention. 

La torture et les autres formes de mauvais traitements, y compris les violences sexuelles, sont des crimes de guerre. Ces allégations de torture doivent faire l’objet d’une enquête indépendante du bureau du procureur de la Cour pénale internationale. Une telle enquête est indispensable, étant donnée l’incapacité avérée de la justice israélienne à enquêter de manière crédible sur les allégations de torture formulées par des Palestiniens et Palestiniennes par le passé. Les autorités israéliennes doivent également permettre immédiatement à des observateurs indépendants d’accéder sans restriction à tous les lieux de détention, cet accès étant refusé depuis le 7 octobre.

Agnès Callamard
Secrétaire générale d’Amnesty International

Nos demandes concernant la Loi sur l’incarcération des combattants illégaux : 

Nous demandons l’abrogation de la Loi sur l’incarcération des combattants illégaux, qui légalise la détention au secret et autorise les disparitions forcées. 

Nous demandons également que toutes les personnes détenues au titre de la Loi sur l’incarcération des combattants illégaux, y compris les personnes soupçonnées d’être membres de groupes armés, soient traitées avec humanité et puissent entrer en contact avec des avocat·es et des organismes internationaux de surveillance, notamment le Comité international de la Croix-Rouge (CICR).  

Les personnes soupçonnées de responsabilité dans des crimes de droit international doivent être jugées dans le cadre de procédures respectant les normes internationales relatives à l’équité des procès, et tous les civil·es détenus arbitrairement sans inculpation ni procès doivent être libérés immédiatement.

Agir

Pour un cessez-le-feu à Gaza !

Demandez à Emmanuel Macron d’appeler à un cessez-le-feu immédiat de toutes les parties afin de mettre fin aux crimes de guerre, de protéger les civil·es et de faire en sorte que l’aide humanitaire puisse parvenir à Gaza.