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Ventes d'armes françaises : quelles sont les obligations du gouvernement ?
L'enjeu fondamental de la transparence en matière de ventes d’armes est de rendre compte de la mise en œuvre par un État de ses obligations internationales, en fournissant des précisions sur la nature de ses exportations.
La transparence implique que les États fournissent régulièrement des informations précises, exhaustives, récentes et publiques sur leurs exportations, leurs importations et autres transferts internationaux d’armes classiques, afin de prouver qu’ils respectent les engagements internationaux suivants : la Position commune de l’Union européenne (UE) sur les exportations d’armes, au plan régional, et le Traité sur le commerce des armes (TCA) au plan universel.
La production de rapports nationaux est un élément crucial pour renforcer la transparence sur le commerce international des armes, qui reste entouré du plus grand secret. Ces rapports devraient comprendre au minimum les données suivantes : types de transferts (exportation, importation, etc.), montant financier des transferts, quantités et types d’armes concernés, pays de destination, utilisateurs et utilisation finale, dates des autorisations et livraisons, acteurs facilitant le transfert (courtiers, etc.), nombre et type de licence refusées ainsi que les motivations détaillées des refus.
Ils sont la base non seulement d’un contrôle démocratique par les députés, mais aussi d’un droit de regard des médias et de la société civile pour garantir que les gouvernements respectent bien leurs engagements internationaux. Les journalistes, les syndicats, les ONG et les citoyens concernés ont un rôle essentiel à jouer en vérifiant que les gouvernements respectent leurs obligations en matière d’application et de mise en œuvre du Traité sur le commerce des armes, par exemple.
La France a-t-elle une politique de transparence en matière de transferts d’armes ?
En tant que membre de l’UE, la France contribue au rapport annuel de l'UE sur les exportations d’armement de ses États membres. En tant qu’État partie au TCA, la France doit également remettre son rapport annuel au secrétariat du Traité, au plus tard le 31 mai de chaque année. Enfin, la France participe au Registre des armes classiques des Nations unies, auquel la participation est volontaire, avec plus ou moins de régularité.
Dans cette optique de transparence, le ministère des Armées français doit en parallèle présenter, chaque année avant le 1er juin, un rapport annuel au Parlement sur les exportations d’armes couvrant l’année précédant sa publication. Il s’agit d’une obligation fixée par la Position commune de l’UE sur les exportations d’armes
Pour la première fois, en 2018, la France n’a pas remis, à la date imposée, au secrétariat du TCA son rapport annuel sur ses livraisons d’armes en 2017. Elle a réédité ce manquement en 2019. Elle n’a pas non plus remis au Parlement, avant le 1er juin 2018, son rapport annuel sur les exportations d’armement couvrant l’année 2017. Et ce pour la seconde fois. Elle a de nouveau manqué à cette obligation en 2019. Il s’agit pourtant d’une obligation fixée par la Loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013.
Que pense Amnesty International du niveau de transparence de la France et du rapport annuel au Parlement sur les exportations d’armement ?
Amnesty International considère que le degré de transparence de la France sur ses exportations d’armement est insuffisant.
Examinons tout d’abord le processus décisionnel d’autorisation des transferts d’armes. Le processus d’évaluation précédant la délivrance de licences d’exportation est totalement confidentiel. De même, les licences accordées ne sont pas publiques. Leurs contenus et leurs dates de délivrance restent également inconnus. En raison de cette confidentialité, il est impossible de savoir quelle évaluation les autorités françaises ont faite des risques que ces armes puissent servir à commettre des violations graves du droit international. Les licences peuvent être assorties de conditions ou de restrictions, le cas échéant, pour limiter les risques que les armes concernées soient utilisées pour commettre des crimes de guerre ou autres violations graves ou qu’elles ne soient pas utilisées à d‘autres fins que celles déclarées, ou alors réexportées sans procédure d’autorisation approuvée par l’État exportateur. En raison de la confidentialité des licences, ces conditions ou restrictions sont inconnues. Il n’existe donc aucune information sur les garanties contraignantes relatives à l’utilisateur ou l’utilisation finale. Si le Premier ministre a toujours la possibilité de suspendre ou d'annuler une licence si le contexte le nécessite, l’usage qui est fait de cette prérogative est aussi confidentiel. Il est ainsi impossible de savoir si des licences ont été suspendues, annulées ou abrogées en raison de la survenance d’un risque.
Quant au rapport annuel au Parlement, il ne donne aucune information utile permettant de s’assurer que la France respecte ses engagements internationaux. Bien au contraire.
Chaque année, le ministère des Armées présente au Parlement français son rapport sur les exportations d’armement de la France. Actuellement, rien dans ce rapport ne permet de savoir précisément quels matériels militaires (armes, pièces et composants, munitions) et quelles prestations d’assistance technique ou de formations ont fait l’objet de licences d’exportation, de contrats et de livraisons effectives vers tel ou tel pays. Ni de savoir à quel destinataire et utilisateur final ils sont destinés ainsi que pour quel type d’utilisation finale. La France contrôle à l’exportation tant les matériels de guerre que les prestations de service permettant de maintenir en condition opérationnelle les matériels vendus ou que certains types de formation pour l’emploi de ces matériels.
Qui plus est, le Parlement n’exerce aucun contrôle sur les ventes d’armes autorisées par le pouvoir exécutif alors qu’il en a la faculté.
Le manque de transparence de la France ne permet pas, aujourd'hui, de s’assurer qu’elle respecte ses engagements internationaux. Notre exigence vis-à-vis de la France doit être d’autant plus forte qu’elle est le troisième plus important exportateur d’armes au monde et qu'elle est membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies. Qui plus est, il est indispensable que le gouvernement améliore son exercice de transparence.