Le 23 septembre 2021, conjointement avec le Centre européen pour les droits constitutionnels et humains (ECCHR) et le média d’investigation Disclose, nous avons saisi le Tribunal administratif de Paris. L’objectif ? Contraindre l’administration des douanes à communiquer les documents sur l’exportation de matériels de guerre, de maintenance et de formation de la France. Plus particulièrement, nous cherchons à faire la lumière sur les ventes d’armes à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis (EAU).
Le 19 juillet 2024, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté en bloc notre requête conjointe demandant l’accès aux documents douaniers sur les exportations de matériels de guerre vers l’Arabie Saoudite, l’Égypte et les Émirats arabes unis.
Le tribunal a également refusé de transmettre au Conseil d’État une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Cette QPC porte sur la conformité à la Constitution des textes invoquant les multiples secrets qui visent à empêcher, de manière systématique, l’accès à des informations d’intérêt général sur les ventes d’armes de la France.
Sans accès à une information précise et fiable, aucun contrôle sur le respect par la France de ses engagements internationaux en matière de droits humains et du droit international humanitaire n’est possible.
C’est la première fois en France que la juridiction administrative est saisie pour contester le refus de communication de documents douaniers relatifs à des ventes d'armes en lien avec le conflit au Yémen. Compte tenu du risque considérable que des armes françaises soient utilisées pour commettre de graves violations du droit international humanitaire contre les populations civiles au Yémen, le refus de communiquer ces informations douanières constitue une atteinte disproportionnée au droit fondamental du public de recevoir les informations nécessaires à l’exercice d’un débat public légitime et démocratique.
Complicité de la France au Yémen
Nos organisations font suite au silence écrasant opposé par l’administration des douanes et la commission d’accès aux documents administratifs (CADA) à leurs sollicitations d’informations détenues par les douanes sur les quantités, dates et destinations finales de certains matériels de guerre “made in France”. dont il est établi qu’ils sont utilisés dans le conflit au Yémen.
Parmi ces matériels, on retrouve :
Des avions Mirage 2000-9 (produits par l’industriel Dassault) ;
des missiles Storm Shadow (produits par MBDA France et Angleterre) ;
des pods Damocles et Talios (produits par la société Thales) ;
des canons Caesar (produits par l’industriel Nexter).
Malgré les preuves accablantes des attaques commises par la Coalition militaire menée par l’Arabie Saoudite et les EAU au Yémen depuis 2015 contre les populations et infrastructures civiles, la France continue de livrer des matériels de guerre et à fournir maintenance et formation à ces pays. Le Traité sur le commerce des armes – de même que le droit européen et français – interdisent strictement ces exportations dès lors qu’il existe un risque qu’elles facilitent la commission de crimes de guerre. Pourtant, la France a livré pour plus de 8 milliards d’euros de matériels de guerre sur la période 2015-2020 à l’Arabie Saoudite et aux Émirats Arabes Unis.
Ce manque de transparence est un obstacle majeur au contrôle à la fois parlementaire, judiciaire et démocratique sur les exportations d’armes françaises. Sans accès à une information suffisamment précise et fiable, aucun contrôle n’est possible sur le respect par la France de ses engagements internationaux en matière de droits humains.
Lire aussi : Comment mettre fin à la complicité de la France au Yémen
Ainsi, c’est grâce au travail d’investigation de Disclose en 2019 que l’opinion publique et la représentation nationale ont découvert l’utilisation de plusieurs armes françaises dans le conflit au Yémen. Ces révélations ont mis en lumière les mensonges d’Etat du gouvernement sur l’utilisation d’armes françaises dans ce conflit. C’est dans ce contexte que nous avons lancé la campagne “Silence, on arme”, soutenue par des dizaines de milliers de citoyens, demandant au ministère des Armées beaucoup plus de transparence sur ses exportations de matériel militaire.
Exigez transparence et contrôle sur les ventes d'armes
Ventes d’armes françaises : un débat public s’impose
Une étude réalisée par Harris Interactive en 2021 révèle que trois Français sur quatre souhaitent plus de transparence et de contrôle sur les ventes d'armes françaises.
Une étude réalisée par Harris Interactive en 2021 révèle que trois Français sur quatre souhaitent plus de transparence et de contrôle de la part des autorités françaises. Ils estiment également que la France devrait suspendre ses exportations d’armes vers les pays impliqués dans des guerres civiles, comme dans le cas du Yémen. 72 % d’entre eux estiment également que le commerce des armes de la France devrait faire l'objet d'un débat public.
Alors que la France doit prendre la présidence de l’UE le 1er janvier 2022, le respect de ses engagements internationaux, notamment en matière de droits humains et de respect de la liberté d’accès à l’information du public, engage sa crédibilité tant à l’international qu’auprès des citoyens français. Selon la Convention européenne des droits de l’homme, toute atteinte à ce droit doit être strictement proportionnée, justifiée et légitime.
Le secret, quel qu’il soit, ne peut plus servir d’excuse inconditionnelle à l’Etat pour s’opposer à la communication d’informations indispensables à un débat public libre et informé sur les ventes d’armes de la France.
Lire aussi : Crimes de guerre et entreprises d'armements, une enquête s'impose
STOP À LA COMPLICITÉ DE LA FRANCE
Plus que jamais, nous devons être vigilants et demander une véritable transparence et un contrôle sur les ventes d’armes françaises. Exigez d’Emmanuel Macron que la France respecte ses engagements.
Plus de 133 .000 personnes ont déjà signé notre pétition, c'est à vous !