Le mouvement écologiste des Soulèvements de la Terre a été dissous, mercredi 21 juin 2023, en conseil des ministres. Nous condamnons cette décision qui est contraire au droit international et qui porte atteinte à la liberté d’association en France.
Le décret de dissolution suspendu
Le Conseil d'Etat a annoncé la suspension en référé du décret de dissolution des Soulèvements de la Terre.
Mobilisé contre des projets d’infrastructures et leurs conséquences néfastes sur l’environnement depuis 2021, le mouvement écologiste des Soulèvements de la Terre était dans le viseur des autorités pour ses actions, notamment contre la mégabassine de Sainte-Soline.
Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, avait qualifié leurs actions d’« écoterrorisme ». En mars 2023, il avait annoncé ce projet de dissolution. Une dissolution désormais actée par le gouvernement suite à la présentation d’un décret par Gérald Darmanin lors du conseil des ministres du 21 juin. Un recours a été déposé par les Soulèvements de la Terre devant le Conseil d’État.
La dissolution des Soulèvement de la Terre est problématique. Katia Roux, chargée de plaidoyer à Amnesty International, explique pourquoi. 👇
Dissolution d'associations : un rappel du droit s'impose
Le droit à la liberté d’association est notamment protégé par l’article 22 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et par l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme, deux textes signés et ratifiés par la France.
➡ Une dissolution contraire au droit international
La dissolution d'une organisation est l’une des restrictions les plus sévères du droit à la liberté d’association. Cette mesure ne peut être justifiée que dans des cas très limités. Par exemple, en vertu du droit européen relatif aux droits humains, la dissolution se justifie s'il existe un lien étroit et direct entre une organisation et un acte criminel ou si l'organisation mène des activités qui constituent une atteinte imminente aux droits d'autrui ou qui rejettent fondamentalement les institutions démocratiques et l'État de droit.
Dissoudre une association ne devrait être qu’une mesure de dernier recours, prise en cas de danger imminent résultant d’une violation flagrante de la loi, et devrait être ordonnée par un tribunal.
En vertu du droit international relatif aux droits humains et des normes en la matière, les États peuvent restreindre les droits à la liberté d'association, mais à condition que les restrictions en question soient prévues par la loi et indispensables pour protéger la sécurité nationale, la sûreté publique, l'ordre public, la santé publique ou les droits d'autrui.
Toute restriction doit également être nécessaire et proportionnelle à l'objectif poursuivi.
➡ Le droit français pose problème
Le droit français actuel relatif à la dissolution des organisations pose problème. Il autorise le gouvernement à dissoudre une organisation pour des motifs vagues et sans contrôle préalable par la justice.
Il se base sur des motifs vagues
En droit français, le conseil des ministres peut dissoudre une organisation par décret, par exemple si celle-ci promeut des rassemblements armés, incite à la violence, à la haine ou à la discrimination ou se livre à des agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme.
Pas de contrôle préalable par la justice
La législation française n'impose pas que la décision du gouvernement de dissoudre une organisation fasse l'objet d'un contrôle judiciaire préalable.
Ce n'est pas conforme au droit international.
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Les organisations de défense de l'environnement particulièrement ciblées par les autorités
En France, de plus en plus d’organisations de défense de l'environnement et du climat sont dans le viseur des autorités. Par exemple, la loi dite « séparatisme », adoptée en 2021, a été utilisée pour tenter de sanctionner le mouvement Alternatiba pour un atelier sur la désobéissance civile. Dernier exemple en date : certaines dispositions de la loi sur les Jeux olympiques et paralympiques de 2024 qui visent à empêcher les actions de désobéissance civile. De fait, elles risquent d'être utilisées pour criminaliser les militants et militantes écologistes.
Qualifier ces organisations d' « écoterroristes » ou tenir des discours stigmatisants à leur encontre contribue à délégitimer leur cause pourtant essentielle.
Katia Roux, chargée de plaidoyer à Amnesty International France
Que ce soit à travers l'adoption de lois ou à travers un discours qui vient stigmatiser celles et ceux qui se mobilisent pour les droits humains et pour le climat, le gouvernement français vient fragiliser la liberté d'association. "Au lieu de réprimer les associations qui se mobilisent pour les droits et pour le climat, le gouvernement devrait garantir et protéger le droit à la liberté d'association." explique Katia Roux.
La dissolution des Soulèvements de la Terre sonne comme une menace supplémentaire contre la société civile et dessine une tendance inquiétante du respect de nos libertés fondamentales en France.