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URGENCE GAZA-ISRAËL

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PARIS- 23/03/2024 : une femme, tenant une photo de l'enseignante française Cécile Kohler, détenue en Iran depuis mai 2022 participe à un rassemblement place de la République à Paris pour soutenir et demander la libération des quatre citoyens français détenus en Iran. © Kiran RIDLEY / AFP

PARIS- 23/03/2024 : une femme, tenant une photo de l'enseignante française Cécile Kohler, détenue en Iran depuis mai 2022 participe à un rassemblement place de la République à Paris pour soutenir et demander la libération des quatre citoyens français détenus en Iran. © Kiran RIDLEY / AFP

Peine de mort et torture

Iran : incarcérée depuis deux ans, Cécile Kohler doit être libérée !

Arrêtée le 7 mai 2022 lors d’un voyage touristique en Iran, Cécile Kohler, une enseignante française, est depuis détenue arbitrairement par les autorités iraniennes qui l’accusent d’« espionnage ». Aujourd’hui, de plus en plus d’éléments indiquent que Téhéran la retient en « otage » afin de contraindre les autorités françaises à prendre des mesures spécifiques.

Le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères français (MEAE) a déclaré le 7 mai dernier, deux ans jour pour jour depuis l’arrestation de Cécile Kohler, que cette dernière est actuellement retenue en otage par la République islamique. Le Quai d’Orsay a dénoncé une politique de « prise d’otages d’Etat » et le « chantage permanent » exercé par les autorités iraniennes et condamné la « pratique odieuse des aveux forcés et publics » ainsi que « les conditions inhumaines et indignes » qui lui sont infligées. Le MEAE a réitéré sa demande de libération immédiate et sans conditions.

« Espions français »

C’est lors d’un voyage en Iran que Cécile Kohler, une professeure de lettres modernes de 39 ans, a été arrêtée avec son compagnon, Jacques Paris. Raison officielle : « espionnage ».

Le 11 mai 2022, les autorités du pays ont annoncé que ses agents secrets, les « soldats inconnus de l’imam Zaman », avaient arrêté deux ressortissant·es européens. Peu après, des organes médiatiques en langue persane basés à là l’étranger ont indiqué que Cécile Kohler était l’une des deux personnes européennes détenues. Par la suite, le 17 mai 2022, des médias d’État ont diffusé des déclarations qualifiant les deux Européen·nes d’« espions français », sans les nommer.  

Entre son arrestation et le 23 novembre 2022, date à laquelle Cécile Kohler a obtenu pour la première fois une très brève visite consulaire de 10 minutes, elle a été soumise à une disparition forcée, un crime au regard du droit international, dans le cadre de laquelle les autorités iraniennes ont dissimulé son sort et le lieu où elle se trouvait à sa famille et aux autorités françaises.

Sa famille a par la suite appris qu’après son arrestation, Cécile Kohler avait été conduite à la prison d’Evin, à Téhéran, et détenue dans la section 209, une section de haute sécurité, qui dépend du ministère du Renseignement. Ses proches pensent qu’elle y est toujours détenue, et ses contacts avec les membres de sa famille et des fonctionnaires consulaires français sont très limités. Pendant ses trois premiers mois de détention, Cécile Kohler a été maintenue à l’isolement prolongé.

Nous avons également recueilli de nombreuses informations montrant que les conditions de détention prévalant dans la section 209 bafouent l’interdiction absolue de la torture et des autres formes de mauvais traitements.

Aveux forcés

Le 6 octobre 2022, la Radio-télévision de la République islamique d’Iran (IRIB) a diffusé les « aveux » forcés de Cécile Kohler sur les médias d’État, dans une vidéo de propagande entrecoupée d’images de vidéosurveillance montrant Cécile Kohler lors de son voyage en Iran, avec une narration en voix off, une musique mélodramatique et des mots affichés en grand extraits des « aveux », pour assurer un effet dramatique.

Les « aveux » forcés de Cécile Kohler ont été filmés à différents endroits, et elle portait des vêtements différents. On l’entend « avouer », sous la contrainte, être agent du service de renseignement extérieur de la France, s’être rendue en Iran pour « aider à préparer les conditions de la révolution en Iran et du renversement du régime iranien islamique » et avoir utilisé l’Internationale de l’Éducation, une fédération mondiale de syndicats enseignants, pour soutenir ces efforts. Le même jour, les autorités françaises ont répondu à la vidéo de propagande en dénonçant « ces prétendus ‘aveux’ extorqués sous la contrainte ».

People, holding placards which read as "Free Cecile", "Freedom for Cecile", for French teacher Cecile Kohler detained in Iran since May 2022, take part in a rally at Place de la Republique in Paris on March 23, 2024, to support and ask for the release of the four French citizens held in Iran. Foreign nationals are being held by Tehran in what activists and Western governments have described as a deliberate hostage-taking strategy aimed at extracting concessions from the West.
KIRAN RIDLEY / AFP

PARIS - 23/03/2024 : des personnes participent à un rassemblement place de la République pour soutenir et demander la libération des quatre citoyens français détenus en Iran. Les ressortissants étrangers sont détenus par Téhéran dans le cadre de ce que les militants et les gouvernements occidentaux ont décrit comme une stratégie délibérée de prise d'otages visant à obtenir des concessions de la part de l'Occident. © KIRAN RIDLEY / AFP.

La famille de Cécile Kohler a également nié à plusieurs reprises toutes les allégations formulées dans cette vidéo de propagande. En diffusant ces « aveux » forcés à la télévision, les autorités iraniennes ont bafoué le droit de Cécile Kohler à la présomption d’innocence, ainsi que son droit de ne pas témoigner contre elle-même.

Cette vidéo a été diffusée dans le contexte du soulèvement « Femme. Vie. Liberté » qui a secoué le pays entre septembre et décembre 2022 et au cours duquel les autorités iraniennes ont adopté un récit officiel accusant des gouvernements étrangers et des groupes contre-révolutionnaires, à la fois à l’intérieur et à l’extérieur de l’Iran, d’avoir fomenté ces manifestations d’ampleur nationale. 

Trois visites en deux ans

Nous avons dénoncé à maintes reprises le fait que les autorités iraniennes soumettent régulièrement des personnes à une disparition forcée ou une détention au secret, souvent dans des centres gérés par le ministère du Renseignement, les pasdaran (gardiens de la révolution) ou diverses unités de la police iranienne. La torture et les autres formes de mauvais traitements, y compris la détention à l’isolement prolongée, sont courantes et systématiques, et les autorités diffusent régulièrement à la télévision d’État des « aveux » forcés extorqués sous la contrainte, notamment avant un procès. 

À ce jour, Cécile Kohler a obtenu trois brèves visites consulaires, le 23 novembre 2022, le 12 juin 2023 et le 18 février 2024, toujours en présence de plusieurs agents, dont un parlant couramment le français et suivant de près la conversation, selon les informations obtenues par la famille de Cécile Kohler.

Lors de la première visite consulaire, Cécile Kohler a révélé qu’elle avait été conduite au bureau du procureur à au moins deux reprises et accusée d’« espionnage » et de « collusion contre l’État ». Bien que la famille de Cécile Kohler ait engagé deux avocats indépendants, ceux-ci n’ont pas été autorisés à la voir et à consulter le dossier. 

Les autorités iraniennes privent également Cécile Kohler de contacts réguliers avec sa famille. Elle a pu appeler sa famille pour la première fois le 18 décembre 2022. Entre mars 2023 et le 13 avril 2024, elle n’a été autorisée à passer que de très brefs appels téléphoniques, d’une durée d’environ cinq minutes, environ tous les deux mois. Depuis le 13 avril 2024, elle n’a pas été autorisée à téléphoner à sa famille, qui est très inquiète. Ses proches sont d’autant plus préoccupés qu’ils ne savent pas si elle obtient les soins médicaux dont elle a besoin. Ils croient également savoir que, jusqu’en février 2024, les autorités iraniennes donnaient à Cécile Kohler des somnifères ainsi que des médicaments pour l’appétit. Ses proches ne disposent d’aucune information sur les soins de santé dont elle pourrait avoir besoin, car aucune information sur sa santé ne leur est communiquée.

Lors d’une conférence de presse tenue fin octobre 2022, le porte-parole du pouvoir judiciaire iranien a déclaré que les ressortissant·es français détenus étaient accusés d’infractions liées à la sécurité nationale, notamment de « rassemblement et collusion en vue de commettre des infractions compromettant la sécurité nationale » et d’« espionnage », sans préciser quelles étaient les personnes concernées par ces accusations.

Risque de procès inique

Nous avons recueilli de nombreuses informations attestant que les procès se déroulant en Iran sont systématiquement inéquitables, et débouchent sur la détention arbitraire de milliers de personnes. Parmi les personnes détenues arbitrairement figurent des manifestant·es, des femmes défiant les lois sur le port obligatoire du voile en public, des journalistes, des acteurs/actrices et des musicien·nes, des écrivain·es et des universitaires, des étudiant·es, des personnes LGBTI+ et des défenseur·es des droits humains, notamment des militant·es en faveur des droits des femmes, des militant·es contre la peine de mort, des syndicalistes, des avocat·es et des familles en quête de vérité et de justice pour les victimes d’homicides illégaux.  

En Iran, les personnes poursuivies pour des infractions liées à la sécurité nationale sont jugées devant des tribunaux révolutionnaires. Nos recherches montrent invariablement que les tribunaux révolutionnaires manquent d’indépendance, opèrent sous l’influence des organes de sécurité et de renseignement, et prononcent de lourdes peines contre des personnes arrêtées pour des raisons politiques, à l’issue de procédures manifestement iniques, sommaires et essentiellement secrètes. A l’heure actuelle, nous ne disposons d’aucune information indiquant si Cécile Kohler a été jugée ou non.

La détention de Cécile Kohler est manifestement arbitraire, compte tenu de la gravité des violations de ses droits à un procès équitable, notamment de son droit à la présomption d’innocence, de son droit de ne pas témoigner contre elle-même, de son droit à un procès devant un tribunal indépendant, compétent et impartial, de consulter un avocat de son choix dès son arrestation et lors de son procès, de son droit à une défense adéquate et d’être protégée de la torture et autres formes de mauvais traitements et de son droit de véritablement pouvoir contester la légalité de sa détention. 

L’arrestation arbitraire de Cécile Kohler s’inscrit dans un contexte dans lequel les autorités iraniennes utilisent de longue date des ressortissant·es binationaux et étrangers détenus arbitrairement comme moyen de pression contre d’autres gouvernements, comme l’a souligné le rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits humains en Iran dans son rapport de janvier 2022 et plusieurs avis adoptés par le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire.

Nous avons recueilli des éléments attestant des tactiques par lesquelles les autorités iraniennes retiennent en otage des ressortissant·es binationaux et étrangers comme moyen de pression contre d’autres gouvernements. C’est notamment le cas dans le cadre de la détention de l’Anglo-Iranienne Nazanin Zaghari-Ratcliffe, du Suédo-Iranien Ahmadreza Djalali, du Belge Olivier Vandecasteele et du Suédois Johan Floderus.

Nous appelons la France à diligenter soit une enquête compétente, indépendante et impartiale sur la situation de Cécile Kohler, comme sur celle d’autres ressortissant·es français, conformément à la Convention internationale contre la prise d’otages, afin de déterminer si sa privation de liberté constitue une prise d’otage et, le cas échéant, à prendre toutes les mesures qui s’imposent pour la protéger, à obtenir sa libération et veiller au respect de l’obligation de rendre des comptes.

Dans l’attente de la libération de Cécile Kohler, les autorités iraniennes doivent : la protéger contre de nouveaux actes de torture et toute autre forme de mauvais traitements, veiller à ce qu’elle puisse communiquer avec ses proches régulièrement par téléphone, recevoir des soins médicaux adaptés, consulter un avocat de son choix et bénéficier d’une assistance consulaire sans entrave.