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URGENCE PROCHE ORIENT

Exigez avec nous la protection sans condition des populations civiles

drone / police / Nice
Un drône de surveillance survole la Promenade des Anglais, Nice, France, le 20 mars 2020 / © REUTERS - Eric Gaillard
Liberté d'expression

Drones de surveillance en France : ce qu’il faut savoir

Des drones utilisés par la police pour surveiller la population : c’est ce qu’autorise un article de la loi « Responsabilité pénale et sécurité intérieure », définitivement adoptée par le Parlement le 16 décembre. Le Conseil constitutionnel a été saisi. Pourquoi des députés, la Défenseure des droits et plusieurs associations dont la nôtre, s’inquiètent des menaces que font peser ces drones sur les droits humains ?

Mise à jour du 20/02/2022 : Le 20 janvier 2022, le Conseil constitutionnel a rendu sa décision : il valide l’utilisation des drones de surveillance par la police, mais pas pour la police municipale. Il censure aussi la procédure d’urgence qui permettait de déployer les drones sans autorisation préalable du préfet. Il précise une condition pour cette autorisation préfectorale : il faudra justifier que les drones sont le seul moyen d’atteindre les objectifs visés. Enfin, il spécifie que l’interdiction de la reconnaissance faciale doit être comprise comme l’interdiction de tout logiciel de reconnaissance faciale, qu’ils soient sur les dispositifs ou ailleurs. Ce dernier point est important pour garantir que la reconnaissance faciale, dont nous demandons l’interdiction, ne sera pas utilisée. Pour le reste, la liste des situations dans lesquels les drones de surveillance pourront être utilisés reste très large, et l’absence de contrôle préalable indépendant du pouvoir exécutif continue de faire peser un risque pour nos droits humains.

En mai 2021, le Conseil constitutionnel avait déjà interdit l'utilisation des drones dans la loi «Sécurité globale» car il n'y avait pas de garanties suffisantes sur le respect de la vie privée.

Cependant, les drones ont fait leur retour en France dans un nouveau projet de loi intitulé « Responsabilité pénale et sécurité intérieure ». Le 20 décembre, le Conseil constitutionnel a été saisi par des députés pour demander l'examen de l'article 8 sur les drones. Il a un mois pour donner sa réponse.

Décryptage avec Anne-Sophie Simpere, notre chargée de plaidoyer sur le sujet. 👇

Les drones de surveillance équipés de caméras menacent notre droit à la vie privée.

Anne-Sophie Simpere
Chargée de plaidoyer Libertés à Amnesty International France

Il y a déjà des caméras de surveillance partout, qu’est-ce qui va changer avec les drones ?

Les drones de surveillance sont très différents des caméras de surveillance fixes : ils sont extrêmement intrusifs, ils sont mobiles, peuvent se déplacer discrètement dans le ciel, suivre une personne, filmer une foule et même, incidemment, filmer l’intérieur d’un bâtiment par la fenêtre.

Il est très difficile d’informer les gens qu’ils vont être filmés par un drone, alors même que pour les caméras de surveillance fixes, le Conseil constitutionnel considère que le fait que le public ait connaissance de leur présence est une garantie importante pour la protection des droits.

Ce qui va changer avec les drones de surveillance, c’est que tout l’espace public sera susceptible d’être surveillé, y compris à votre insu.

Une loi sur les drones, n'est-ce pas justement le moyen d'encadrer leur usage et de limiter les risques ?

L’article 8 adopté par les parlementaires est bien trop large et ne prévoit pas de garanties suffisantes sur le respect de la vie privée ou le droit de manifester. 

L'article 8 autorise le recours aux drones dans de très nombreux contextes : lieux où des délits sont susceptibles d’être commis, surveillance des frontières, prévention du terrorisme (qui peut, par nature, se produire partout), régulation des flux de transports, sécurité des rassemblements… Dans le cas des rassemblements, les manifestations sont également couvertes. Cela pose problème : le fait d'être filmé peut avoir un effet dissuasif réel sur les manifestants.

En France, des manifestants ont reçu des amendes abusives lors du confinement après avoir été reconnus sur des images de vidéo surveillance. Nous l'avons dénoncé dans notre rapport Arrêté pour avoir manifesté. Avec les drones, il sera bien plus difficile de ne pas être filmé, ce qui augmente le risque d'avoir des amendes et peut avoir un effet dissuasif sur le fait de participer à un rassemblement. Le comité des droits de l'homme des Nations Unies reconnait d'ailleurs que les technologies de surveillance peuvent porter atteinte à la vie privée et avoir un effet dissuasif.

Est-ce que les drones pourront filmer nos domiciles ? 

Si l’article 8 interdit la captation d’images dans les domiciles, il reconnait qu’ils peuvent être filmés accidentellement. Il recommande seulement d’interrompre l’enregistrement ou de ne pas garder les images plus de 48h. Cependant, rien n’interdit que les drones puissent filmer d’autres lieux privés, notamment les bureaux. 

La principale limite apportée par l’article 8, c’est que les drones ne peuvent être déployés que sur autorisation du préfet. C’est lui qui doit s’assurer que l’usage des drones est nécessaire et proportionné. Mais nous avons déjà constaté, par le passé, que plusieurs préfets ont fait un usage extensif de mesures attentatoires aux libertés ; ils ont pu autoriser très largement, et sans justification suffisante, l’instauration de « périmètres de protection » prévus dans la loi « Sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme » (SILT) ou prendre des décisions d’interdiction de manifester générales ou trop larges. 

Au vu de ces pratiques, confier aux préfets le pouvoir d’autoriser les drones, sans contrôle préalable d’un organe indépendant du pouvoir exécutif, soulève des inquiétudes. D’autant plus que les autorisations qu’ils donnent sont renouvelables sans limite de temps. 

J’ai déjà vu voler des drones au-dessus des manifestations avant ce projet de loi. C’était donc illégal ? 

C’est vrai, des drones équipés de caméras ont déjà été utilisés par les forces de l’ordre dans le cadre de manifestations, ou pour le contrôle du confinement… mais oui, c’était illégal !

C’est ce qu’a rappelé le Conseil d’État en mai puis en décembre 2020 : il faut une loi pour encadrer ce type de surveillance, très intrusive. En l’absence d’une telle loi, le Conseil a ordonné aux autorités d’arrêter d’utiliser des drones. C’est pour cela que le gouvernement souhaitait faire voter une loi, pour pouvoir utiliser les drones de surveillance.

Problème : le cadre juridique proposé est beaucoup trop large, et ne permet pas de protéger les droits humains. Car les drones de surveillance équipés de caméras menacent notre droit à la vie privée. 

Et quid de la reconnaissance faciale ? 

Aujourd’hui, il est interdit d'analyser des images issues des drones par des logiciels de reconnaissance faciale. Cette interdiction vient d’une disposition de la loi Sécurité globale. 

Lire aussi : Tout savoir sur la loi « Sécurité globale »

La loi « Responsabilité pénale et sécurité intérieure » prévoit, elle, que les drones ne pourront pas « comporter de traitements automatisés de reconnaissance faciale ». Concrètement, cela signifie que les drones eux-mêmes ne doivent pas comporter de logiciels de reconnaissance faciale. En revanche  cela ne garantit pas que les images qu’ils filment soient extraites et traitées, à posteriori, par des logiciels de reconnaissance faciale.

Notre position est claire à ce se sujet : nous demandons l’interdiction de la reconnaissance faciale à des fins d’identification . C’est une surveillance de masse, donc une violation forcément disproportionnée du droit à la vie privée.

Agir

La reconnaissance faciale dans nos villes : c'est non !

Si cette technologie se généralise, nos villes risquent de devenir des cités de surveillance dignes d’un roman d’Orwell.

Notre demande est la suivante : l’interdiction mondiale des systèmes de reconnaissance faciale.